J-02-70
saisie conservatoire – demande d'obtention d'un titre exécutoire – violation de l'article 61 auPSRve (non).
présence du débiteur aux opérations de saisie – violation de l'article 65 auPSRve – nullité (non).
saisie conservatoire – absence de mention d'un titre exécutoire dans l'acte de saisie – violation de l'article 69 auPSRve (non) – nullité de l'acte de saisie (non).
non désignation du saisi comme gardien des biens saisis – violation de l'article
103 AUPSRVE (non).
procès-verbal de saisie – absence de mentions prévues par l'article 64 auPSRve – absence de préjudice contre le saisi – nullité (non).
délai de grâce – mauvaise foi du débiteur – refus de délai – article 1244 du code civil.
L'absence de mention d'un titre exécutoire dans un acte de saisie conservatoire qui n'en nécessite pas, ne constitue pas une violation des articles 61 et 69 AUPSRVE.
La violation de l' obligation faite par l'article 65 AUPSRVE à l'huissier de rappeler verbalement au saisi le contenu des mentions des 6e et 7e de l'Article 64 du même Acte uniforme n'est pas sanctionnée par la nullité.
L'article
103 AUPSRVE ne fait aucune obligation à l'huissier de désigner comme gardien des biens saisis leur propriétaire.
Le débiteur qui prétend bénéficier de délai de paiement en application de l'article 1244 du code civil doit voir sa demande rejetée s'il ne fait valoir aucun motif justifiant le délai de paiement sollicité.
(Tribunal régional de Niamey, jugement n° 435 du 3 octobre 2001, Hamani Yaye c/ Boukary Maïga Adamou).
Tribunal régional de Niamey
Audience Publique Ordinaire du 03 Octobre 2001
jugement civil n° 435 du 3.10.2001
Le Tribunal Régional de Niamey en son audience publique ordinaire du 3 octobre 2001, tenue pour les affaires civiles et commerciales par Monsieur GAYAKOYE SABI ABDOURAMANE, Juge audit Tribunal, Président, assisté de Maître MOUSTAPHA SANI, Greffier, a rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
HAMANI YAYE : assisté de Maître Adam Alidou, Avocat à la Cour;
déMAndeur
D'UNE PART
ET :
BOUKARY MAIGA ADAMOU : représenté par Maître Niandou Karimou, Avocat à la Cour;
défendeur
D'AUTRE PART
Par exploit d'huissier du 26 janvier 2001, tenant également lieu de procès-verbal de saisie conservatoire, Mr Hamani Yayé, assisté de Maître Alidou Adam, Avocat à la Cour, a fait assigner Mr Boukary Maïga Adamou à l'effet de le voir condamner à lui payer la somme de 13.200.000 F en principal outre les frais, convertir la saisie des biens meubles pratiquée simultanément en saisie exécution et ordonner l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours.
Par conclusions du 30 Avril 2001, le défendeur sollicite, en principal, l'annulation du procès-verbal de la saisie conservatoire pratiquée pour violation des dispositions des alinéas 5 à 10 de l'article 64 de l'Acte uniforme de l'OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances, en ce que le procès-verbal de ladite saisie n'avait pas reproduit les dispositions sus-énoncées, dont la violation serait une nullité d'ordre public;
Il critique également le non-respect des dispositions des articles 99, 65, 69, 103 et 61 du même texte. Subsidiairement, Mr Boukary Maïga Adamou sollicite un délai de paiement de 18 mois pour payer sa dette, dont il ne conteste pas l'existence.
Répondant aux conclusions de son adversaire, le demandeur, tout en reconnaissant le non-respect par l'huissier des différentes dispositions des textes susvisés, conclut néanmoins à l'irrecevabilité des exceptions soulevées pour plusieurs motifs. D'une part, parce qu'elles peuvent être couvertes par la partie à laquelle l'acte a été délaissé lorsqu'elle y renonce expressément ou tacitement. D'autre part, et en vertu des dispositions de l'article 173 du code de procédure civile, la nullité ne pourrait être admise que si celui qui l'invoque démontre que celle-ci a nui à ses intérêts. Enfin, le demandeur fait valoir que la nullité invoquée n'est ni substantielle, ni d'ordre public et serait ainsi facultative pour le Juge, qui peut l'accueillir ou la rejeter conformément à l'article 6 du code de procédure civile.
Sur le fond, le demandeur sollicite le rejet de la demande de délais de grâce faite par Mr Boukary Maïga Adamou pour sa mauvaise foi de payer, depuis l'échéance, la traite. Il conclut qu'il lui soit accordé l'entier bénéfice de son exploit d'assignation.
Sur les exceptions de nullité
Attendu que le défendeur fait valoir l'inobservation de plusieurs dispositions des articles 61, 64, 65, 69 et 103 de l'Acte uniforme de l'OHADA portant procédure simplifiée de recouvrement des créances, pour fonder la nullité de la procédure; qu'il convient de les examiner une à une;
1°) – Sur la violation des dispositions de l'article 61
Attendu que le défendeur prétend que les dispositions de l'article 61 de l'Acte uniforme OHADA susvisé seraient violées au motif que le demandeur, ne disposant pas de titre exécutoire, il ne pouvait demander la conversion de la saisie en saisie-vente à la date du 28 décembre 2000;
Mais attendu que les dispositions de l'article 61 font seulement obligation au créancier saisissant ne disposant pas de titre exécutoire, d'agir dans le mois qui suit, la saisie pour l'obtention dudit titre à peine de voir déclarer sa saisie caduque; qu'en l'espèce, Hamani Yayé, après avoir opéré la saisie conservatoire discutée, le 26 janvier 2001, avait assigné afin d'obtenir un jugement et la conversion de la saisie en saisie-vente dès le 07 février 2001; qu'il a, de ce fait, satisfait aux prescriptions de l'article 61 dont la violation, contrairement à la prétention du défendeur, n'est pas sanctionnée par une nullité mais rend tout simplement la procédure caduque; que, dans ces conditions, la nullité de ce chef sera rejetée;
2°) – Sur la violation des dispositions de l'article 65
Attendu qu'il ne ressort d'aucune disposition que la violation de l'article 65 de l'Acte uniforme de l'OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances est sanctionnée par la nullité; que l'adage « pas de nullité sans texte » trouve pleinement son application; que sur ce point, l'exception de nullité sera également rejetée;
3°) – Sur la violation des dispositions de l'article 69
Attendu que le défendeur soutient la violation de l'article 69 de l'Acte uniforme susvisé en omettant dans son acte de conversion de la saisie, la mention de son titre exécutoire;
Mais attendu que l'article 69 dont il s'agit ne concerne que le créancier disposant d'un titre exécutoire et voulant directement saisir et vendre les biens de son débiteur; que la mention d'un titre exécutoire dans l'acte d'une saisie conservatoire ne peut se concevoir alors même que le créancier recherche justement en justice ledit titre afin d'obtenir la conversion de sa saisie conservatoire en saisie vente; qu'en l'espèce, après la saisie conservatoire, le demandeur a assigné en conversion en saisie vente, après avoir sollicité, au préalable, la condamnation du débiteur à lui payer la somme de 13.200.000 F représentant sa créance; qu'ainsi l'argument du défendeur sera rejeté sur ce point;
4°) – Sur la violation des dispositions de l'article 103
Attendu que le défendeur allègue qu'il y a violation de l'article 103 de l'Acte uniforme en ce qu'il n'a pas été désigné gardien des biens saisis alors même que ledit article disposerait que « le débiteur doit être constitué gardien des biens saisis »; que, néanmoins, à la lecture des dispositions de l'article 103 précité, il n'est réglé que la question de la possibilité, pour le débiteur, d'user de certains biens saisis lorsqu'il en est constitué gardien; qu'en l'espèce, et en vertu des dispositions de l'article 64-6ème de l'Acte uniforme portant procédure de recouvrement simplifiée, le Président du Tribunal Régional de Niamey ayant désigné Mr. Ibrahim Sanda Bangnou comme gardien, la violation invoquée ne pourra prospérer et il convient de la rejeter;
5°) – Sur la violation des dispositions de l'article 64
Attendu que conformément aux prétentions du défendeur, le procès-verbal de saisie a omis plusieurs mentions exigées par l'article 64 à peine de nullité; que celui-ci qualifie cette disposition comme étant d'ordre public pour obtenir la nullité des actes de saisie;
Mais attendu que l'article 6 du Décret du 30 novembre 1931, réorganisant le service des huissiers dispose : « Nonobstant toutes dispositions contraires, les nullités d'exploits et actes de procédure accomplis par les huissiers sont facultatives pour le Juge, qui peut toujours les accueillir ou les rejeter. »; que la nécessité de la preuve d'un grief pour celui-ci qui invoque une nullité formelle a été longtemps admise pour justifier la faculté offerte au Juge en vertu du texte susvisé, d'accueillir ou rejeter l'exception soulevée (C.A.O.F. 19 Février 1937, P. 1930, I-223; 30 décembre 1949; CAOF 19 février 1932, P. 1033, I-65); que la formalité, cause de l'irrégularité, soit substantielle ou d'ordre public, la jurisprudence constante et la doctrine exigent la preuve du grief (GAZ.PAL. 1977.2.Doct.552, Civ.2è, 9 février 1983, GAZ.PAL.1983…);
Attendu que les irrégularités invoquées en l'espèce, qu'elles portent sur l'article 64 ou les autres textes précités, constituent des vices de forme; qu'en s'y appuyant pour demander la nullité des actes accomplis par l'huissier, le défendeur, comme le fait valoir à juste titre le requérant, n'apporte aucun motif que lesdits vices qu'il énumère nuisent à ses intérêts conformément aux raisons ci-dessus exposées; qu'il convient, par conséquent, de rejeter les exceptions de nullité soulevées;
AU FOND
Attendu que Boukari Maïga Adamou ne conteste pas la créance objet du recouvrement; qu'il sollicite simplement un délai de paiement de 18 mois; que, toutefois, le demandeur s'oppose à sa requête en demandant sa condamnation et la conversion de la saisie;
Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 1244 du Code Civil : « le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible »;
Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement et surseoir à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état… »; qu'en l'espèce, Boukari Maïga Adamou ne faisant valoir aucun motif justifiant le délai de paiement sollicité, sa demande sera par conséquent rejetée;
Attendu que la créance dont le paiement est réclamé est certaine, liquide et exigible; qu'il convient de condamner Boukari Maïga Adamou à payer à Hamani Seyni la somme de 13.200.000 F en principal;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la conversion de la saisie conservatoire pratiquée en saisie vente;
Attendu qu'il y a lieu et en vertu des dispositions de l'article 17 du code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours;
Attendu que Boukari Maïga Adamou qui succombe sera condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
Rejette les exceptions de nullité;
Au fond, condamne Boukari Maïga Adamou à payer à Hamani Yayé la somme de 13.200.000 F en principal;
Rejette la demande de délai de paiement du débiteur;
Ordonne la conversion de la saisie pratiquée en saisie vente;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours;
Condamne Boukari Maïga Adamou aux dépens;
Ont signé le Président et le Greffier les jour, mois et an que dessus./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Un créancier (d'une somme importante) pratique une saisie conservatoire sur des biens de son débiteur et demande au tribunal de convertir cette saisie en saisie vente, après condamnation à lui payer la somme due et ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. Pour résister à cette action, le débiteur fait valoir cinq moyens de nullité et demande des délais de paiement (18 mois) en application de l'article 1244 du code civil.
Sur les nullités.
1.- Le débiteur reprochait au saisissant de n'avoir pas fait mention d'un titre exécutoire et, ainsi, d'avoir méconnu les articles 61 et 69 AUVE. Le tribunal fait justement remarquer que la saisie entreprise étant une saisie conservatoire, il n'y avait aucune obligation, pour le saisissant, à indiquer un titre exécutoire qu'il n'avait pas encore et qu'il demandait à cette juridiction de lui octroyer.
2.- Le saisi reprochait à l'huissier de ne pas lui avoir rappelé verbalement les mentions des 6e et 7e de l'article 64 AUVE, conformément à l'article 65 AUVE et prétendait en tirer un moyen de nullité. C'est fort justement que, se prévalant de l'adage "pas de nullité sans texte" le tribunal rejette sa prétention, au motif que cet article ne comporte pas une telle sanction.
3.- Le débiteur prétendait, en troisième lieu, qu'il y avait violation de l'article 103 AUVE dans le fait, pour l'huissier, de ne l'avoir pas désigné comme gardien des biens saisis. Or, cet article ne contient pas une telle obligation; il ne fait que prévoir le cas où le débiteur est désigné gardien et lui permet, alors, d'en conserver l'usage, sauf s'il s'agit de biens consomptibles.
4.- Enfin, le saisi reprochait à l'huissier d'avoir omis plusieurs mentions prévues par l'article 64 AUVE sans que le jugement indique quelles étaient ces mentions. Quoi qu'il en soit, le tribunal rejette ce grief et le moyen de nullité qui y était attaché au motif qu'il s'agit là de conditions de forme et que, quelle que soit la nature – substantielle ou d'ordre public – de la formalité, la loi (article 6 du décret du 30 novembre 1931 et article 173 du code de procédure civile nigérien) rend la nullité facultative pour les juges et celle-ci n'est prononcée que si le demandeur à la nullité fait la preuve que l'omission ou l'irrégularité de la mention lui a causé grief.
Cette solution ne peut être admise depuis l'avis de la CCJA n° * du * (Ohadata – J-02-*).
Tant que l'AUVE n'aura pas été modifié sur ce point, l'avis de la CCJA doit sortir ses pleins effets.
Sur le délai de grâce.
Le débiteur, sans contester cette dette, demandait subsidiairement un délai de 18 mois pour s'en acquitter, par application de l'article 1244 du code civil. Le tribunal lui refuse cette faveur en se fondant sur sa mauvaise foi.
Faisons deux observations :
– l'article 1244 du code civil est désormais remplacé par l'article 39 AUVE;
– sans faire référence à la mauvaise foi du débiteur, sa demande de délai de grâce pouvait être rejetée en se fondant sur l'article 182 du code de commerce refusant tout délai pour le paiement d'une traite.