J-02-74
saisie attribution – procès-verbal de dénonciation de saisie attribution – absence de reproduction littérale de l’article 156 auve – violation de l’article 157-5 auPSRve – nullité du procès-verbal.
saisie attribution – arrêt de condamnation devenu définitif – demande de sursis à exécution adressée à la cour suprême – absence de caractère exécutoire de l’arrêt de condamnation – violation de l’article 153 AUPSRVE.
saisie attribution – saisine du jge des référés par voie de requête – violation de l’article 170 AUPSRVE (non).
Le délai d’un mois prévu par l’article 170 de l’AUPSRVE part du jour de la dénonciation de la saisie attribution; il ne saurait être fait grief au saisi de n’avoir pas respecté ce délai.
L’arrêt de condamnation prononcé par une Cour d’appel, fût-il définitif, ne constitue pas un titre exécutoire, s’il a fait l’objet d’une requête aux fins de sursis à exécution adressée à la Cour suprême, en application de l’article 113 du Code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, une telle requête suspendant l’exécution de l’arrêt d’appel jusqu’à la décision de la Cour suprême.
En saisissant le juge des référés d’une contestation de la saisie attribution par voie de requête, le débiteur saisi s’est conformé aux dispositions de l’article 170 AUPSRVE.
Article 153 AUPSRVE
Article 170 AUPSRVE
(Tribunal de grande instance de Brazzaville, juge des référés, ordonnance n° 153 du 30 octobre 2001, BRASCO c/ ITOUA Georges).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRAZZAVILLE
audience des référés du 30 octobre 2001
Affaire :
Les BRASSERIES DU CONGO (Maître BRUDEY)
contre :
ITOUA Georges.
L’an deux mil un;
Et le trente octobre;
Par-devant Nous : Albert MBON, Président du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, Juge des référés;
Assisté de Maître Joséphine KAMBISSI, Greffier Principal;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit;
Attendu que par requête en date du 13 août 2001, les Brasseries du Congo « BRASCO » ayant pour Conseil Maître BRUDEY, a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, Juge des référés, d’une requête aux fins de nullité d’un procès-verbal de saisie attribution;
Qu’au soutien de sa requête, la BRASCO expose qu’elle est en litige social avec ITOUA Georges;
Que le Tribunal du Travail de Brazzaville avait rendu le 18 décembre 1998, un jugement condamnant la BRASCO à payer la somme de 3.150.000 francs à titre de dommages-intérêts à ITOUA Georges pour licenciement abusif;
Que la Chambre sociale de la Cour d’appel a confirmé ce jugement par un arrêt en date du 14 mai 2001;
Que la requérante s’est pourvue en cassation suivant requête en date du 09 juillet 2001;
Que la requérante a saisi la Cour suprême d’une demande aux fins de sursis à exécution en application de l’article 113 du Code de procédure civile;
Que la Cour suprême n’a pas encore statué, ni sur la requête en surséance, ni sur le fond du pourvoi en cassation;
Que le 7 août 2001, la requérante s’est vu notifier par Maître Jean Guy DTH SAMBA, Huissier de Justice, un procès-verbal de dénonciation de saisie attribution des créances;
Que la requérante entend obtenir la nullité du procès-verbal de saisie attribution des créances du 6 août 2001;
Que les dispositions de l’article 157 alinéas 2 et 5 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ont été violées;
Que la reproduction littérale de l’article 156 ne figure pas dans le procès-verbal de saisie attribution;
Que l’acte n’indique pas l’heure à laquelle il a été signifié aux tiers;
Que le Tribunal doit ordonner la mainlevée des saisies pratiquées entre les mains de la BIDC, la COFIPA et le CAIC;
Que le procès-verbal de dénonciation de saisie attribution des créances est tout autant nul dans la mesure où il se réfère à un arrêt du 14 mai 2000 au lieu du 14 mai 2001;
Que l’article 153 de l’Acte uniforme n’autorise la saisie attribution que s’il y a titre exécutoire;
Que l’introduction d’une requête en surséance en application des dispositions de l’article 113 du Code de procédure civile, commerciale, administrative et financière suspend l’exécution de l’arrêt d’appel jusqu’à la décision de la Cour suprême;
Que ITOUA Georges ne dispose pas d’un titre exécutoire;
Que le procès-verbal du 6 août 2001 est irrégulier;
Attendu que ITOUA Georges conclut à l’irrecevabilité de la requête de la BRASCO;
Qu’il explique l’article 170 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution stipule : « A peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant la juridiction compétente par voie d’assignation dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation au débiteur;
Le tiers est appelé à l’instance de contestation;
Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction compétente, selon les règles applicables à cette action »;
Que celui qui soulève une contestation doit le faire par voie d’assignation;
Que les contestations soulevées n’ont pas été faites par acte d’huissier;
Qu’en vertu des dispositions de l’article 170 précité, cette obligation est prescrite à peine de nullité;
Que ne l’ayant pas fait, la requête des Brasseries sera déclarée irrecevable;
Sur quoi, le Juge des référés
Attendu que l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution précise, en son alinéa 5, que l’acte contient, à peine de nullité, la reproduction littérale des articles 38 et 156 ci-dessus et 169 à 172 ci-dessous;
Que l’acte n’a pas reproduit littéralement l’article 156;
Qu’ainsi donc, cet acte est nul;
Attendu qu’il est constant que la BRASCO s’est pourvue en cassation contre l’arrêt du 14 mai 2001 confirmant le jugement qui condamnait la BRASCO à payer à ITOUA Georges la somme de 3.150.000 francs;
Attendu que BRASCO a saisi la Cour suprême d’une requête aux fins de sursis à exécution;
Attendu que la Cour suprême n’a pas encore statué;
Que l’introduction d’une requête en surséance suspend l’exécution de l’arrêt d’appel;
Attendu qu’il y a un pourvoi en cassation, assorti d’une requête en sursis à exécution;
Que cet arrêt ne constitue pas un titre exécutoire;
Attendu qu’en vertu de l’article 153 de l’Acte uniforme la saisie attribution ne peut être pratiquée que s’il existe un titre exécutoire, qu’ainsi donc, la saisie attribution pratiquée ne répond pas aux exigences de l’article 153 de l’Acte uniforme;
Qu’il convient donc d’ordonner la mainlevée des saisies pratiquées sur les comptes des Brasseries du Congo auprès de la BIDC, de la COFIPA et du CAIC;
Attendu que ITOUA Georges prétend que la BRASCO a violé les dispositions de l’article 170 de l’Acte uniforme;
Attendu que cet article indique : « à peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées, devant la juridiction compétente, par voie d’assignation, dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur… »;
Attendu que le procès-verbal de dénonciation de la saisie attribution des créances a été notifié à la BRASCO le 7 août 2001;
Que le 13 août 2001, la BRASCO a saisi le juge des référés d’une requête aux fins de nullité d’un procès-verbal de saisie attribution;
Que la BRASCO s’est donc conformée aux prescriptions légales;
Attendu qu’il est établi que ITOUA Georges ne dispose pas d’un titre exécutoire;
Que la saisie pratiquée dans ces conditions est irrégulière;
Qu’il convient d’ordonner la mainlevée des saisies pratiquées;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, en référé et en premier ressort;
AU PRINCIPAL : Renvoyons les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente;
Mais dès à présent, vu l’urgence;
Prononçons la nullité du procès-verbal de saisie attribution des créances du 6 août 2001, et du procès-verbal de dénonciation de saisie attribution des créances du 7 août 2001;
Ordonnons la mainlevée des saisies pratiquées sur les comptes des BRASSERIES du CONGO auprès de la BIDC, de la COFIPA et du CAIC;
Commettons Maître Nazaire MBON, Huissier de Justice, aux fins d’y procéder;
Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficulté;
Ordonnons l’exécution provisoire, sur simple minute nonobstant appel et sans caution avant enregistrement;
Mettons les dépens à la charge de ITOUA Georges;
Et nous avons signé avec le Greffier principal./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
En annulant l’acte de saisie attribution au motif qu’un seul des articles, dont l’article 157 AUVE, exige la reproduction littérale dans l’acte de saisie attribution faisait défaut, le juge des référés paraît faire une application stricte mais exacte de ce texte. Toutefois, on peut se demander si ce moyen tiré de la nullité n’appartient pas au seul tiers saisi et non au saisi lui-même. En effet, les formalités prévues par l’article 157 AUVE sont destinées, exclusivement, à informer et, donc, à protéger le tiers saisi. Il est curieux que ce moyen de défense n’ait pas été invoqué par le créancier saisissant.
Une demande de sursis à exécution formée devant la Cour suprême contre un arrêt de condamnation devenu définitif émanant de la Cour d’appel, suffit-elle à ôter son caractère exécutoire à une telle décision ? Le juge des référés semble émettre cette opinion en invoquant l’article 113 du code congolais de procédure. Nous ne disposons pas de ce code pour nous prononcer sur la question et déterminer si, ce faisant, le juge des référés a ou non violé ou respecté le droit national sur ce point. Par contre, on peut se référer à l’article 32 AUVE qui dispose que l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision et, en application de ce texte, la CCJA a jugé qu’aucune disposition de droit interne organisant le sursis à statuer * ? (vérifier si c'est statuer*) ne pouvait entraver l’application de cet article (CCJA *).
Ce qui est vrai pour un titre exécutoire par provision, doit l’être, a fortiori, pour un titre exécutoire définitif.
Enfin, le saisissant reprochait au saisi d’avoir violé l’article 170 AUVE en saisissant le juge des référés par voie de requête et non d’assignation, pour lui soumettre sa contestation sur la saisie attribution. Or, selon le saisissant, ce mode de saisine est prescrit à peine d’irrecevabilité. A vrai dire, ce qui est prescrit par cet article, à peine d’irrecevabilité, est davantage le délai de la saisine du juge compétent (un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur) plutôt que le mode de saisine qui varie en fonction de la nature de la juridiction compétente. On regrette que le juge des référés ne se soit pas prononcé sur ce point.