J-02-75
saisie conservatoire – ordonnance du juge près le tribunal d’INSTANCE – taux d’intérêt du litige supérieur au taux de compétence du tribunal d’instance – incompétence du tribunal d’instance.
Le droit uniforme n’ayant édicté aucune règle de compétence quant à la juridiction à saisir compte tenu du taux du litige, pour présenter la requête aux fins de saisie conservatoire, il convient de s’adresser au droit national portant organisation judiciaire pour régler cette question. C’est ce qu’a fait, à bon droit, le juge des référés.
Une saisie conservatoire pour avoir sûreté et paiement d’une créance de 1.500.000 francs CFA en principal ne relève pas de la compétence du Tribunal d’instance qui n’est compétent, aux termes de l’article 122 de la loi du 20 août 1992 portant organisation judiciaire du Congo, que jusqu’à hauteur de 1.000.000 francs CFA. Le juge des référés près le Tribunal d’instance doit donc se déclarer incompétent et ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire.
Article 31 AUPSRVE
Article 54 AUPSRVE
Article 336 AUPSRVE
(Tribunal d’instance de Brazzaville, ordonnance de référé du 07 mai 2001, Société Grasset Sporafric c/ KOUMOU Camille).
TRIBUNAL D'INSTANCE DE POTO POTO BRAZZAVILLE
ordonnance des référés du 07 mai 2001
Affaire :
La Société GRASSET SPORAFRIC (Maître Sylvie Nicole MOUYECKET)
contre :
Monsieur KOUMOU Camille.
L’an deux mil un;
Et le sept mai;
Par-devant Nous, Albert ETOTO-EBAKASSA, Président du Tribunal d’Instance de Poto-Poto Brazzaville, Juge des Référés;
Assisté de Maître Mélanie Florence OPOUCKOU, Greffier tenant la plume;
ONT COMPARU :
La Société GRASSET SPORAFRIC, représentée par Maître Sylvie Nicole MOUYECKET, Avocat à la Cour – B.P. 5316;
DEMANDERESSE D’UNE PART,
ET : Monsieur KOUMOU Camille, de nationalité congolaise, Agent des Douanes, domicilié 93, Rue Loango à Poto-Poto Brazzaville;
DEFNDEUR D’AUTRE PART,
Vu la requête de la Société Grasset Sporafric, ayant pour Conseil Maître Sylvie Nicole MOUYECKET, Avocat à la Cour – B.P. 5316;
Ouï Monsieur KOUMOU Camille en ses demandes, moyens, fins et conclusions;
après en avoir délibéré conformément à la loi
Attendu que par requête en date du 17 avril 2001, la Société Grasset Sporafric, par la plume DE son Conseil Maître Sylvie Nicole MOUYECKET, Avocat à la Cour, a saisi le juge des référés du Tribunal d’Instance de Poto-Poto aux fins de rétractation de l’ordonnance en date du 6 avril 2001 et de mainlevée des saisies pratiquées en vertu de ladite ordonnance;
Attendu qu’à l’appui de sa requête, elle expose que par ordonnance en date du 6 avril 2001, le sieur KOUMOU Camille a été autorisé à pratiquer saisie conservatoire avec dépossession sur ses biens pour sûreté et avoir paiement de la somme de 1.500.000 francs, à laquelle a été évaluée provisoirement sa créance en principal;
Que ladite saisie réalisée par exploit de Maître OLOMBI, Huissier de Justice, en date du 12 avril 2001 porte sur un groupe électrogène et une motocyclette de marque Hero Girmo;
Qu’elle sollicite la rétractation de l’ordonnance susvisée et la mainlevée de la saisie pratiquée sur ses biens par les motifs suivants :
Que la saisie dont mainlevée est sollicitée a été ordonnée par le Tribunal pour sûreté et avoir paiement de la somme de 1.500.000 francs;
Que l’article 122 de la loi du 20 Août 1992 portant organisation judiciaire en République du Congo dispose : « Le Tribunal d’Instance connaît, en matière civile, en conciliation de toutes les actions et au contentieux de toutes les actions personnelles, mobilières ou immobilières en premier ressort et à charge d’appel jusqu’à la valeur de 1 million en capital et de 300.000 francs CFA en revenus, rente ou prix de bail »;
Que le Tribunal d’Instance de céans a ordonné la saisie conservatoire en violation des dispositions légales susvisées;
Que de ce chef, la rétractation de l’ordonnance en date du 6 avril 2001 s’impose de droit pour incompétence rationae valoris;
Que les ordonnances de référé n’ont pas d’autorité de la chose jugée, elles peuvent être modifiées ou rapportées à tout moment;
Qu’en vertu de l’article 227 du Code (congolais) de Procédure Civile, Commerciale, Administrative et Financière, les ordonnances sur requête peuvent être rétractées par le Président qui l’a rendu, en cas de circonstances nouvelles;
Que le droit des affaires en général et le recouvrement des créances et voies d’exécution en particulier est désormais régi par le traité de l’OHADA;
Que l’article 336 de l’Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose : « Le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties »;
Que les dispositions ainsi abrogées sont celles du titre X qui regroupe les articles 293 à 393 du Code de Procédure Civile, Commerciale, Administrative et Financière;
Que l’ordonnance autorisant le sieur KOUMOU Camille à pratiquer la saisie en cause a été rendue sur la base des dispositions devenues inapplicables et nulles;
Que pour recourir à l’exécution forcée par voie de saisie, le créancier doit justifier d’une créance certaine, exigible, liquide et l’urgence et le péril dans le recouvrement de sa créance;
Que la certitude de la créance suppose une existence constatée par une reconnaissance de dette dûment établie et signée par le débiteur ou, à défaut, d’un titre exécutoire, de sorte que la créance soit incontestable;
Que le sieur KOUMOU ne rapporte pas la preuve de ces deux éléments susvisés;
Qu’elle conteste la créance réclamée ainsi que les pièces versées au dossier dont elle se réserve le droit de les attaquer en faux devant la juridiction compétente;
Que de plus, le sieur KOUMOU Camille n’a pas produit une lettre de mise en demeure susceptible de justifier le caractère exigible de la créance, l’urgence et le péril dans le recouvrement de la créance;
Que la sommation de payer jointe à la requête ne saurait justifier ce péril, dès lors que le délai de deux (2) jours qui lui est imparti pour le paiement n’a pas été observé avant l’introduction de la requête aux fins de saisie;
Que pour preuve, la requête introduite d’instance et l’acte de sommation portent la même date;
Que les conditions relatives à la saisie conservatoire et celles de la dépossession ne sont pas réunies;
Attendu que pour sa part, le sieur KOUMOU Camille sollicite le maintien de l’ordonnance attaquée;
Qu’il est bien créancier de la Société Grasset Sporafric;
Qu’il a présenté mais non versé au dossier les reçus des sommes qu’il a versées auprès de la Société Grasset Sporafric;
Sur quoi le tribunal
Attendu que la Société Grasset Sporafric sollicite la rétractation de l’ordonnance en date du 6 avril 2001 au double motif que le juge des requêtes du Tribunal de céans était incompétent pour rendre l’ordonnance attaquée eu égard au montant de la créance réclamée et que la saisie a été pratiquée au mépris des dispositions des articles 31, 54 et 336 de l’Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution;
Attendu qu’aux termes de l’article 122 de la loi du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo applicable en la cause : « Le Tribunal d’Instance connaît en matière civile en conciliation, de toutes les actions et au contentieux de toutes les actions personnelles, mobilières ou immobilières en premier ressort et à charge d’appel jusqu’à la valeur de 1 million francs CFA en capital et de 300.000 francs CFA en revenus, rente ou prix de bail »;
Attendu que ces dispositions n’appellent aucune autre interprétation que celle qui résulte de leur simple lecture;
Attendu qu’en l’espèce, le sieur KOUMOU Camille a sollicité la saisie des biens de la Société Grasset Sporafric à hauteur de la somme de 1.500.000 francs CFA, à laquelle a été évaluée sa créance;
Qu’il s’ensuit que c’est à tort que le juge des requêtes a ordonné ladite saisie;
Qu’il échet en conséquence, de nous déclarer incompétent et d’ordonner la mainlevée des saisies pratiquées par Maître Jean-Claude OLOMBI, Huissier de Justice, en vertu de l’ordonnance du 6 avril 2001;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en référé, en matière civile et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront devant la juridiction compétente;
Nous déclarons incompétents;
En conséquence, ordonnons la mainlevée des saisies pratiquées suivant ordonnance sur requête du 6 avril 2001;
Condamnons KOUMOU Camille aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.