J-02-76
procédure d’injonction de payer – opposition formée contre l’ordonnance devant une autre juridiction – violation de l’article 11 auPSRve – opposition irrecevable.
En application de l’article 11 AUPSRVE, l’opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer doit, à peine de déchéance, être signifiée à toutes les parties et au greffe de la juridiction qui a rendu ladite ordonnance; l’opposant doit, en outre, sur les mêmes sanctions, servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente.
Doit donc être déclarée mal fondée l’opposition faite contre une ordonnance rendue par un juge près le Tribunal de première instance d’Abidjan accompagnée d’une assignation devant celui de Yopougon.
Article 11 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt du 09 mai 2000, Société PALMAFRIQUE c/ GEANT SARL).
COUR D'APPEL D'ABIDJAN
chambre civile et commerciale
audience du 09 mai 2000
Affaire :
Société PALMAFRIQUE (Maîtres AHOUSSOU et KONAN)
contre :
Le Groupe GEANT (Maîtres KOHOU et TOGBA).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi 09 mai 2000, à laquelle siégeaient :
Mr SEKA ADON Jean-Baptiste, Président de Chambre, Président
Messieurs BASTART François et DIALLO Mahammadou, Conseillers à la Cour, Membres
Avec l’assistance de Maître DON Gabriel, Greffier,
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause
ENTRE : La Société PALMAFRIQUE S.A., sise à Abidjan, immeuble AMCI 3è étage – 17 BP 22 Abidjan 17, prise en la personne de son Directeur général, Monsieur DETRIEUX, domicilié au siège de ladite société;
APPELANTE
Représentée et concluant par la SCPA AHOUSSOU – KONAN et Associés, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D’UNE PART,
ET : Le Groupe des Entreprises Nouvelles Techniques dit GEANT SARL, sis à Yopougon, rue du Palais de Justice;
INTIME
Représenté et concluant par Maîtres KOHOU et TOGBA, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D’AUTRE PART,
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de fait et de droit;
FAITS : Le Tribunal de première instance d’Abidjan statuant en la cause en matière civile, a rendu le 10 janvier 2000, un jugement n° 15 enregistré à Abidjan le 23 février 2000, reçu 18.000 francs aux qualités duquel il convient de se porter et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du 08 février 2000 de Maître KONAN KOFFI Emmanuel, Huissier de Justice à Abidjan, la société PALMAFRIQUE a déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné le Groupe des Entreprises Nouvelles Techniques dit GEANT, à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 14 mars 2000 pour entendre annuler ou infirmer ledit jugement;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause, après un renvoi, a été utilement retenue le 25 avril 2000 sur les pièces et conclusions, écrites et orales, des parties;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 09 mai 2000;
Advenue l’audience de ce jour, 09 mai 2000, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
la cour
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
Suivant exploit d’huissier en date du 08 février 2000, la société PALMAFRIQUE a relevé appel du jugement civil rendu le 10 janvier 2000, qui a restitué à l’ordonnance d’injonction de payer n° 6171 du 20 octobre 1999, son plein et entier effet;
Elle fait le grief au premier juge d’avoir prononcé la déchéance de la société PALMAFRIQUE à former opposition;
Elle explique que l’assignation n’a cité le tribunal de première instance de Yopougon que par une simple erreur matérielle;
Elle fait valoir que ladite opposition a été enrôlée devant la juridiction du Plateau, compétente pour connaître de l’opposition;
Elle fait observer que le défendeur à l’opposition a comparu et si donc incompétence territoriale il y avait au niveau de l’assignation, celle-ci est couverte par la comparution volontaire du défendeur devant la juridiction compétente;
Au fond, elle expose que la société PALMAFRIQUE, avant tous travaux à réaliser au sein de ses unités agricoles, adresse à la société attributaire un bon de réquisition pour s’enquérir des coûts de réalisation des travaux;
Une fois les coûts vérifiés, elle adresse un bon d’engagement des travaux, qui constitue le bon de commande;
Ce n’est qu’au vu de ce bon de commande que la société peut débuter les travaux chez la société PALMAFRIQUE qui a, de son côté, « budgétisé » lesdits travaux;
Or la société GEANT a réalisé les travaux de calligraphie au vu du seul bon de réquisition;
La société PALMAFRIQUE ne se sent aucunement liée par ces travaux pour lesquels elle n’a pas passé commande;
Elle estime que l’attitude de la société GEANT n’a d’autres buts que « de forcer la main à la société PALMAFRIQUE »;
Elle sollicite l’infirmation du jugement querellé et la rétractation de l’ordonnance d’injonction de payer;
DES MOTIFS
Considérant que l’article 11 du traité OHADA prévoit expressément la déchéance de l’opposant qui, dans son acte d’opposition, ne sert pas l’assignation à comparaître devant la juridiction compétente;
Qu’il ressort de la lecture de l’acte d’opposition versé au dossier, que le groupe GEANT a été assigné à comparaître devant le Tribunal de Yopougon;
Que le non-respect d’une obligation prévue à peine de déchéance par un texte ne saurait être considéré comme une erreur matérielle, ni être couvert par la comparution volontaire des parties;
Qu’il échet de confirmer l’ordonnance querellée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Reçoit la Société PALMAFRIQUE en son appel relevé de l’ordonnance n° 6171 rendue le 20 octobre 1999 par le Tribunal de première instance d’Abidjan;
L’y dit mal fondée;
L’en déboute;
Confirme l’ordonnance querellée;
Condamne l’appelante aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Il ne fait pas de doute que l’article 11 AUVE édicte une déchéance de l’opposant; c’est pourquoi on peut s’étonner de lire, dans le dispositif de cet arrêt, que l’opposant est mal fondé dans sa voie de recours.
L’opposant faisait valoir que le demandeur à l’injonction de payer, bien qu’assigné à comparaître (par erreur) devant le Tribunal de Yopougon, s’est présenté devant celui d’Abidjan auprès duquel l’assignation avait été enrôlée. La Cour d’Appel rejette cet argument au motif – péremptoire – que le non-respect d’une obligation prévue à peine de déchéance par un texte ne saurait être considéré comme une erreur matérielle, ni être couvert par la comparution volontaire des parties. Cette motivation brutale et sans nuances nous laisse dubitatif surtout en sa deuxième proposition; en effet, si les parties ont toutes deux comparu volontairement devant le tribunal compétent dont la désignation avait été omise dans l'acte de signification de l'opposition, n'est-ce pas là la démonstration que le défendeur à l'opposition a renoncé à se prévaloir de la nullité de ce chef; mais ce serait aussi un moyen d'introduire, dans les débats, l'argument selon lequel l'omission ou l'irrégularité n'est cause de nullité que si elle porte ou est de nature à porter préjudice, débat que le législateur a voulu éviter pour inciter les praticiens à plus de sérieux et de précision dans la rédaction des actes de procédure.