J-02-79
procédure de liquidation des biens (faillite) – paiements effectués pendant la période suspecte – inopposabilité à la masse – article 69 aupcAP.
conventions passées entre la société et un de ses administrateurs – absence d’approbation du conseil d’administration – nullité des conventions.
Si, par un jugement rendu le 27 juillet 2000, le tribunal fixe la date de cessation des paiements du 30 septembre 1990, les paiements effectués par la société débitrice ayant cessé ses paiements durant les années 1990, 1991 et 1992 sont suspects et doivent être déclarés inopposables à la masse, d’autant plus que l’accipiens était un des administrateurs de cette société n’ignorant rien des difficultés de celle-ci.
Si, durant les années 1990, 1991 et 1992, la société débitrice a passé des conventions avec un de ses administrateurs sans les soumettre au conseil d’administration, elle se rend coupable de collusion frauduleuse manifeste avec lui.
C’est donc à bon droit que le premier juge a fait application de l’article 69, alinéas 3 et 4 et de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP).
Article 34 AUPCAP
Article 69 AUPCAP
(Cour d’Appel d’Abidjan, Première Chambre, arrêt de référé n° 452 du 27 avril 2001, AXA-IARD c/ Alain Guillemain et Jean-Luc Henri Ruelle).
Côte d’Ivoire
cour d’appel d’Abidjan
chambre civile et commerciale
audience du 27 avril 2001
Affaire :
Compagnie d’Assurances AXA-IARD (SCPA KONE DE MESSE)
contre :
1°) Monsieur Alain GUILLEMAIN (SCPA)
2°) Monsieur RUELLE Jean-Luc Henri (Maître Jean-François CHAUVEAU).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt-sept avril deux mille un, à laquelle siégeaient :
Monsieur SEKA ADON Jean-Baptiste, Premier Président, Président
Madame ZEBEYOUX Aimée et Monsieur DIALLO Mahammadou, Conseillers à la Cour, Membres;
Avec l’assistance de Maître Issoufou OUATTARA, Greffier,
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
La Compagnie d’Assurances AXA-IARD, Société anonyme au capital de 1.500.000 F dont le siège social est à Abidjan-Plateau, Avenue Delafosse – 01 BP 378 Abidjan 01, Tél. : 20.22.06.22;
APPELANTE
Représentée et concluant par la SCPA KONE DE MESSE et Associés, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D’UNE PART,
ET :
1°) Monsieur Alain GUILLEMAIN, né le 03 juin 1946 à Paris 12ème, Expert Comptable de nationalité française, demeurant à Abidjan, 11 BP 307 Abidjan 11;
2°) Monsieur RUELLE Jean-Luc Henri, né le 1er avril 1952 à Bernay, Expert Comptable demeurant à Abidjan au 6, Rue Clément Ader en Zone 4C, 01 BP 1238 Abidjan 01; sans autres précisions;
INTIMES
Représentés et concluant par Maître Jean-François CHAUVEAU, Avocat à la Cour, leur Conseil;
D’AUTRE PART,
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit;
FAITS : La juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan, statuant en la cause, en matière de référé d’heure à heure, a rendu le 03 novembre 2000, une ordonnance n° 4199 aux qualités de laquelle il convient de se reporter;
Par exploit en date du 23 janvier 2001 de Maître TITIRO Johnson BENIVA, Huissier de Justice à Abidjan, la société d’Assurances AXA-IARD a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné Monsieur Alain GUILLEMAIN et Monsieur RUELLE Jean-Luc Henri à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 30 janvier 2001 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le numéro 60 de l’an 2001;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 09 mars 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
Le Ministère Public, à qui le dossier a été communiqué le 16 février 2001, a requis la confirmation de la décision attaquée;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 27 avril 2001;
Advenue l’audience de ce jour, 27 avril 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
la cour
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ouï le Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Suivant exploit du 23 janvier 2001, comportant ajournement au 30 janvier 2001, la Compagnie d’Assurances AXA-IARD, représentée par son Conseil Maître KONE DE MESSE ZINSOU, Avocat à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 4199 du 3 novembre 2000, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui a :
– constaté la nullité des actes passés par les sociétés SIALIM et AXA, ex Union Africaine pendant la période suspecte;
– dit que les sommes perçues par AXA devront être rapportées et que AXA, ex Union Africaine devra produire à la masse;
– dit que AXA devra rapporter lesdites sommes dès le prononcé de l’ordonnance et sous astreinte comminatoire de 2.000.000 F par jour de retard;
Au soutien de son action, la Compagnie d’Assurances AXA-IARD verse au débat le jugement du 04 décembre 1996 fixant provisoirement la date de cessation de paiement de Sialim au 15 juillet 1992, et le jugement du 9 juillet 1998 modifiant cette date qu’il porte au 29 mars 1994, conformément à l’article 34 de l’Acte uniforme relatif à l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif;
qu’il est loisible, poursuit AXA, de constater que cette date se situe bien au-delà de la supposée date définitive fixée au 30 septembre 1990, de sorte que tous les règlements effectués par Sialim en cette période, sont valables et devraient produire tous leurs effets;
Ainsi, cette date du 29 mars 1994 étant définitive et irrévocable, le changement de date intervenu à la faveur du jugement du 27 juillet 2000 est nul et ne saurait produire d’effet juridique; le recours qui l’a suscité n’ayant pas été exercé dans le délai légal;
– par voie de conclusion en réplique de leur Conseil, Me Jean-François CHAUVEAU, en date du 29 janvier 2001, les intimés font remarquer que les différentes dates visées par AXA étaient provisoirement fixées pour la cessation de paiement, et c’est sur rapport du juge commissaire de la faillite Sialim, que le Tribunal, à son audience du 27 juillet 2000, a fixé définitivement la date de la cessation de paiement au 30 septembre 1990;
La Société AXA n’ayant pas exercé de recours contre ce jugement, les actes passés par Sialim avec AXA, et les règlements effectués par suite de ces actes, au profit de son Administrateur pendant la période suspecte sont nuls de plein droit et inopposables à la masse; et les sommes perçues doivent être rapportées;
Que, mieux encore, soutiennent les syndics, les rapports du Commissaire aux comptes pour les périodes de 1990, 1991 et 1992 dénoncent les différentes conventions ainsi passées, comme n’ayant pas été soumises à l’approbation du Conseil d’Administration de la Sialim;
Ils sollicitent dès lors, la confirmation de l’ordonnance.
Pour sa part, le Ministère Public qui a eu communication du dossier, a conclu à la confirmation de la décision déférée;
DES MOTIFS
De la détermination de la date de cessation des paiements
Les pièces du dossier font ressortir que l’appel ne porte que sur l’ordonnance N° 4199 du 30 novembre 2000. Or, sur rapport du Juge Commissaire, le Tribunal, dans son jugement N° 53 du 27 juillet 2000, a définitivement fixé la date de la cessation des paiements au 30 septembre 1990; ainsi, aucun recours n’ayant été exercé contre ce jugement, passé en force de chose jugée, tout débat sur la période suspecte devient sans objet;
Sur le bien-fondé de l’appel
Des pièces du dossier, il ressort que les actes passés entre la Sialim et la Compagnie d’Assurances AXA-C.I., ex-Union Africaine, pendant la période suspecte, sont critiquables car l’assureur, qui avait deux administrateurs au sein de la Sialim, n’ignorait pas les difficultés que traversait cette société – et plus grave encore, comme le souligne le Commissaire aux Comptes dans son rapport sur les périodes, allant de 1990 à 1992, ces conventions passées n’ont pas été soumises à l’approbation du Conseil d’Administration de la Sialim;
Il y a donc eu collusion manifeste entre AXA-CI et la Sialim, au point qu’en décidant que cet assureur doit rapporter les sommes ainsi perçues à la masse, sous astreinte, le Premier Juge a dit le droit conformément à l’article 69 alinéas 3 et 4 de l’Acte uniforme sur la liquidation et mérite, par conséquent, confirmation;
– L’appelante succombe en la cause; il échet de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Reçoit la Compagnie d’Assurances AXA-IARD en son appel relevé de l’ordonnance n° 4199 du 03 novembre 2000 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
– L’y déclare mal fondée;
– L’en déboute;
– Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée;
– Met les dépens à la charge de l’appelante;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, Première Chambre Civile, a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Cette décision de référé contient plus d’un sujet d’étonnement. On peut s’étonner, tout d’abord, que, pour se prononcer sur l’inopposabilité de paiements effectués pendant la période suspecte, ce soit le juge des référés et non le juge du fond qui était saisi, tant il est indéniable qu’une telle question touche le fond et non l’urgence, surtout si on considère l’ancienneté des opérations critiquées et la solvabilité de l’accipiens. A partir du moment où il faut condamner et non ordonner, seul le juge du fond est compétent (article 3 AUPCAP).
On peut également s’étonner que le tribunal rende le 27 juillet 2000, une décision fixant la date de cessation des paiements au 30 septembre 1990 (soit presque 10 ans plus tôt), alors que l’Acte uniforme sur les procédures collectives impose que le juge ne fixe pas une date de cessation des paiements au-delà de 18 mois précédant le jugement déclaratif (article 34, alinéa 2 AUPCAP), auquel cas on aurait aimé être informé de la date de cette décision. Ce détail avait son importance, sauf à considérer que la décision du 27 juillet 2000 à laquelle il est fait référence avait été rendue sous l’empire de la législation antérieure à l’Acte uniforme, dont on sait qu’elle ne fixait aucune limite dans le temps à la détermination de la date de cassation des paiements 1.
Mais alors, si c’était la législation antérieure à l’Acte uniforme qui avait été retenue par les juges des référés – c’est-à-dire le code de commerce tel que résultant de la loi du *, en raison de l’antériorité des faits par rapport à la date d’entrée en vigueur du droit uniforme sur les procédures collectives, pourquoi faire référence à l’article 69-1 3e AUPCAP ? C’est bien cela qui nous étonne. Il est vrai que ce soit en vertu de ce texte ou de son homologue antérieur (article * Code de commerce), le résultat eût été identique, même si celui-ci parle de nullité et celui-là d’inopposabilité.
Un dernier point suscite l’interrogation du lecteur : la question des conventions passées entre la société débitrice et l’administrateur AXA. S’agit-il de conventions à propos des paiements incriminés ou de conventions tout à fait autres ? Dans le premier cas, nous nous trouverions toujours face à des paiements anormaux passibles de l’inopposabilité de droit de l’article 68-4e AUPCAP. Dans le second, il s’agirait des actes à titre onéreux visés par l’article 69-1-3e AUPCAP passés entre le débiteur et une personne ayant eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur lors de leur conclusion.
Mais dans un cas comme dans l’autre, quel que fût l’objet de ces conventions, le droit des procédures collectives suffisait pour leur faire échec. Pourquoi en avoir rajouté en plaçant le débat sur le terrain du droit des sociétés (articles 438 et suivants AUSCGIE ? article 40 de la loi du 24 juillet 1867 ?) ?

1 C'est ce que dit la Cour dans un de ses attendus : "Au soutien de son action, la Compagnie d’Assurances AXA-IARD verse au débat le jugement du 04 décembre 1996 fixant provisoirement la date de cessation de paiement de Sialim au 15 juillet 1992, et le jugement du 9 juillet 1998 modifiant cette date qu’il porte au 29 mars 1994, conformément à l’article 34 de l’Acte uniforme relatif à l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif "