J-02-80
procédure collective – règlement préventif – créance salariale – suspension des poursuites individuelles (non) – article 9 alinéa 3 aupc.
saisie attribution – acte de dénonciation – indication de la juridiction compétente en cas de contestation – nullité de l’acte de dénonciation (non).
En vertu de l’article 9, alinéa 3 AUPCAP, la procédure collective de règlement préventif ne suspend pas les poursuites individuelles de recouvrement des créances salariales.
En application des articles 49 AUPSRVE et 221 du code ivoirien de procédure civile, c’est le juge des référés qui est compétent, ratione materiae, pour connaître des contestations relatives à la saisie attribution.
En indiquant, dans l’acte de dénonciation de la saisie attribution, que la juridiction territorialement compétente pour connaître de toute contestation relative à cette saisie était le Président du tribunal d’Abidjan Plateau, le saisissant s’est conformé aux articles 160 et 169 AUPSRVE, le saisi ayant son siège social à Abidjan Plateau.
Article 49 AUPSRVE
Article 160 AUPSRVE
Article 169 AUPSRVE
Article 221 du Code Ivoirien de Procédure Civile
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, arrêt n° 89 du 16 janvier 2001, Société WORLD CITY c/ Grodji Djokouchi Jean).
Cour d’Appel d’Abidjan
Chambre civile et commerciale
Audience du 16 janvier 2001
Affaire :
Société WORLD CITY (Maître Agnès OUANGUI)
contre :
Monsieur GRODJI DJOKOUEHI Jean (Maîtres ADJE-ASSI et METAN).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi seize janvier deux mille un, à laquelle siégeaient :
Monsieur TOURE Ali, Président de Chambre, Président;
Monsieur ASSEMAN Sylvain et Madame WODIE Victorine, Conseillers à la Cour, Membres;
Avec l’assistance de Maître OUATTARA Karim, Greffier;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE : Sté WORLD CITY, Société Anonyme de droit ivoirien au capital de 10.000.000 FCFA dont le siège social est à Abidjan-Yopougon, sur le Boulevard Félix Houphouët Boigny – 15 BP 785 Abidjan 15;
APPELANTE
Représentée et concluant par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, son Conseil;
D’UNE PART,
ET : Monsieur GRODJI DJOKOUEHI Jean, né le 26 mai 1964 à Djéléboué, S/P de Lakota, de nationalité ivoirienne, demeurant à Abidjan-Yopougon-SIDECI, 23 BP 852 Abidjan 23;
INTIME
Représenté et concluant par Maîtres SCPA ADJE-ASSI et METAN, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D’AUTRE PART,
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de fait et de droit;
FAITS : La juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan statuant en la cause, en matière de référé, a rendu le 31 août 2000, une ordonnance n° 671 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du 1er décembre 2000 de Maître Nicolas DAGO, Huissier de Justice à Abidjan-Plateau, la société WORLD CITY a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné Monsieur GRODJI DJOKOUEHI Jean à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 12 décembre 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le n° 1227 de l’an 2000;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause a été utilement retenue le 12 décembre 2000 sur les pièces et conclusions, orales et écrites, des parties;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 16 janvier 2001;
Advenue l’audience de ce jour, 16 janvier 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
la cour
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par exploit du 1er décembre 2000, la société WORLD CITY, ayant pour Conseil Maître OUANGUI, Avocat à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 671 du 31 août 2000, qui a déclaré la juridiction présidentielle de Yopougon compétente et l’acte de saisie attribution du 03 août 2000 régulier;
L’appelant expose que l’acte de dénonciation de la saisie attribution en date du 03 août 2000 mentionne que la juridiction compétente est la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, et qu’il devrait être indiqué que la juridiction présidentielle de Yopougon est compétente;
En effet, précise WORLD CITY, le défaut de désignation de la juridiction compétente dans l’exploit de dénonciation est frappé de nullité en vertu des dispositions de l’article 160 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures de recouvrement et des voies d’exécution; cette désignation même est prévue par les dispositions de l’article 221 du C.P.C.CIV. qui édicte : « tous les cas d’urgence sont portés devant le Président du Tribunal de Première Instance ou le Premier Président de la Cour d’Appel qui a statué ou devant connaître de l’appel ou le Président de la Cour Suprême en cas de pourvoi intenté ou d’arrêt rendu par l’une des chambres de ladite Cour »;
Or, poursuit l’appelant, dans l’espèce, la procédure s’est limitée au Tribunal du Travail de Yopougon, de sorte que seule la juridiction présidentielle de Yopougon peut statuer sur la contestation de la saisie du 03 août 2000;
Ainsi, l’acte de dénonciation étant nul comme contrevenant à ces dispositions d’ordre public, la saisie attribution doit être réputée n’avoir jamais été dénoncée et, comme telle, est frappée de caducité pour non respect de délai de dénonciation à huitaine prévu à l’art. 160 alinéa 1 de l’Acte uniforme;
Subsidiairement, l’appelant se prévaut d’une ordonnance de règlement préventif suspendant les poursuites individuelles entreprises à son encontre;
Il souligne que l’art. 9 de l’Acte uniforme qui sert de base à ce règlement préventif ne fait pas de distinction entre les créanciers et les voies d’exécution mises en œuvre;
Ainsi, c’est à tort que le juge des référés a cru devoir estimer que le jugement social porteur de la condamnation constituait un titre exécutoire au sens de l’article 153 de l’Acte uniforme; WORLD CITY conclut son propos en demandant la mainlevée de la saisie pratiquée;
Y répondant par l’entreprise de son Conseil Maîtres ADJE-ASSI-METAN, l’intimé souligne que l’art. 169 des voies d’exécution de l’OHADA indique que « la juridiction compétente est celle du domicile du lieu où demeure le débiteur, et à défaut de domicile, le lieu où demeure le tiers saisi »;
Il estime donc que c’est à bon droit que le juge des référés a rejeté l’exception de nullité de l’acte de dénonciation de la saisie attribution, puisque le siège social de WORLD CITY se trouve à l’immeuble ALPHA 2000, 11e étage à Abidjan-Plateau;
Sur le fond, il indique que le bénéfice du règlement préventif se limite à des créances spécifiées devant le Président du Tribunal, ce qui n’est pas le cas de l’intimé;
En outre, la créance de l’intimé qui est privilégiée est postérieure au règlement préventif et n’est pas concernée par ses effets;
Aussi conclut-il à la confirmation de l’ordonnance;
En réplique, WORLD CITY soutient que le bénéfice du règlement préventif s’étend à toutes les dettes, fussent-elles salariales, sans qu’il soit besoin de les énumérer spécifiquement; aussi estime l’appelant que le premier juge a eu tort de décider le contraire;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel a été produit dans les conditions et délai de la loi. Il est recevable;
AU FOND :
De la nullité de l’exploit de dénonciation
Il est reproché au premier juge d’avoir décidé que l’exploit de dénonciation portant indication de la juridiction présidentielle d’Abidjan-Plateau comme compétente n’est pas irrégulier, alors que le débiteur, WORLD CITY, dit être domicilié à Yopougon;
Mais il est constant que comme résultant des énonciations de faits non contestés de l’ordonnance querellée, que la Société WORLD CITY, bien qu’affirmant que son siège social est à Yopougon, n’a pas contesté qu’elle n’a pas notifié le changement dudit siège connu pour être au 11e étage de l’immeuble ALPHA 2000 au Plateau, pendant toute la procédure d’instance sociale dont le jugement lui a été signifié à l’immeuble ALPHA 2000 au Plateau;
Ainsi, en portant sur l’acte de dénonciation de la saisie, la saisie, la juridiction du Plateau comme celle de la juridiction compétente, l’intimé, qui ne pouvait agir autrement, n’a pas violé les dispositions des articles 49 et 169 de l’Acte uniforme OHADA;
Sur la saisie attribution
Il est constant en la cause que la créance de l’intimé est salariale. En vertu des dispositions de l’article 9 alinéa 3 de l’Acte uniforme portant redressement et liquidation judiciaire (ndlr : liquidation des biens), les créances de salaire échappent à la suspension des poursuites conférée par le règlement préventif;
Ainsi, est-ce à bon droit que le premier juge a déclaré ladite saisie bien fondée;
Succombant en la cause, l’appelant est condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME :
Reçoit la Société WORLD CITY en son appel;
AU FOND :
L’y dit mal fondée;
L’en déboute;
Confirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire), les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu’être d’accord avec la Cour d’Appel d’Abidjan, laquelle juge que les poursuites individuelles pour le recouvrement des créances salariales ne peuvent être suspendues par un jugement prononçant le règlement préventif, quelle que soit la date de naissance de telles créances par rapport à celle dudit jugement. L’article 9, alinéa 3 AUPC est très clair sur ce point et ne soulevait aucune difficulté d’application, du moins en l’espèce.
La seconde question n’appelle pas de commentaire particulier. L’article 49 AUVE désigne, sans aucun doute possible, le juge des référés pour connaître des difficultés d’exécution. Quant à l’article 169 AUVE, il désigne le tribunal où demeure le débiteur comme celui compétent territorialement pour connaître de ces difficultés. Le siège social du saisi n’ayant pas été modifié, le saisissant n’avait aucune raison d’en désigner un autre. Ce faisant, il avait respecté l’obligation que l’article 160 AUVE lui imposait.