J-02-85
saisie attribution – acte de dénonciation – défaut d’indication des noms de certains créanciers saisissants – violation de l’article 157 AUPSRVE – nullité.
saisie attribution – contestation – juridiction compétente – double degré de juridiction – articles 169 et suivants auPSRve.
L’article 157 AUPSRVE exigeant, à peine de nullité, que l’acte de dénonciation d’une saisie-attribution porte indication des noms, prénoms et domiciles des débiteurs et des créanciers, encourt la nullité l’acte de dénonciation qui n’indiquerait que le nom d’un seul des créanciers sur les sept pratiquant ladite saisie.
Les articles 169 à 172 AUPSRVE organisent une contestation de la saisie attribution sur le fondement du principe du double degré de juridiction. C’est donc à tort que le juge des référés de première instance se déclare incompétent en se fondant sur l’article 221 du code ivoirien de procédure civile, qui lie la compétence du juge des référés au degré de la juridiction ayant rendu la décision objet d’une difficulté d’exécution.
Article 157 AUPSRVE
Article 169 A 172 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, arrêt n° 389 du 10 avril 2001; Société EMAUCI c/ Dame Aminata Touré et six autres).
COTE D’IVOIRE
cour d’appel d’Abidjan
chambre civile et commerciale
audience du mardi 10 avril 2001
Affaire :
STE E.M.A.U.CI (Maître ESSIS Georgette)
contre :
Dame Aminata TOURE et Autres (Maître Mohamed Lamine FAYE).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi dix avril deux mil un, à laquelle siégeaient :
Monsieur SIOBLO DOUAI Jules, Président de Chambre, Président;
Monsieur COULIBALY Hamed Souleymane, Conseiller, Rapporteur et Monsieur YAO KOUAME Augustin, Conseiller, Membres;
Avec l’assistance de Maître DON Gabriel, Greffier;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
La Société E.M.A.U.CI, S.A., importateur et concessionnaire, sise à Abidjan, Zone 3 – 01 BP 1264 Abidjan 01, prise en la personne de Monsieur Jean-Pierre SALAMON, son Directeur Général;
APPELANTE
Représentée et concluant par Maître ESSIS Georgette, Avocat à la Cour, son Conseil;
D’UNE PART,
ET :
1°) Dame Aminata TOURE, de nationalité ivoirienne;
2°) AYIBE OSSOUROU Ambroise, de nationalité ivoirienne;
3°) KAKOU Francis, de nationalité ivoirienne;
4°) TRAORE Siaka, de nationalité ivoirienne;
5°) AMANY GNANKODJI Raphaël, de nationalité ivoirienne;
6°) DRUIDE BOGURE Laurent, de nationalité ivoirienne;
7°) DAKOURI DJAKPA Jérôme, de nationalité ivoirienne;
Tous ex-employés à la Société EMAUCI, demeurant à Abidjan;
INTIMÉS
Représentés et concluant par Maître Mohamed Lamine FAYE, Avocat à la Cour, leur Conseil;
D’AUTRE PART,
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves de fait et de droit;
FAITS : La Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, statuant en la cause, en matière de référé d’heure à heure, a rendu le 16 mars 2001, une ordonnance n° 1132 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé :
Par exploit en date du mercredi 21 mars 2001 de Maître DAMIEN ANCO Evelyne, Huissier de Justice à Abidjan, la Société E.MAUCI a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné Dame Aminata TOURE et six (6) autres à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 03 avril 2001 pour entendre annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le n° 297 de l’an 2001;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause a été utilement retenue sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 10 avril 2001;
Advenue l’audience de ce jour, 10 avril 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
la cour
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EXPOSE DU LITIGE
Courant l’année 2000, la Société EMAUCI procédait à un licenciement d’une partie de son personnel, pour motif économique;
Par un jugement de défaut rendu à son encontre, ladite société était condamnée à payer à ses anciens salariés, diverses sommes d’argent, au titre des droits de rupture;
Sur opposition, faute par elle d’avoir comparu, la juridiction saisie rendait un jugement d’itératif défaut, confirmé en toutes ses dispositions en cause d’appel;
Le 10 février 2001, en exécution de leur titre exécutoire, les anciens salariés de la Société EMAUCI faisaient pratiquer saisie-attribution sur les comptes bancaires de ladite société;
Aussi, par exploit en date du 02 mars 2001, la Société EMAUCI faisait-elle servir à Aminata TOURE, AYIBE OSSOUROU Ambroise, KACOU Francis, TRAORE Siaka, AMANY GNAKODJI Raphaël, DRUIDE BOGURE Laurent, DAKOURI DEAKPA Jérôme, une assignation à l’effet de voir la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
« Au principal, voir renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence;
ENTENDRE
– Ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée;
Au soutien de son action devant le premier Juge, la demanderesse faisait valoir que la saisie-attribution pratiquée à son encontre était nulle;
En outre, elle faisait état d’une ordonnance de suspension de l’exécution de l’arrêt social – dont avaient bénéficié ses anciens salariés – délivrée à son profit par le premier Président de la Cour d’Appel de ce siège;
En retour, les défendeurs plaidaient l’incompétence de la juridiction des référés pour connaître du présent litige;
Selon eux, dès lors que la décision à exécuter émanait de la juridiction du second degré, seul le premier Président de la Cour d’Appel devrait en connaître, en sa qualité de juridiction de référé et ce, conformément aux dispositions de l’article 221 du code de procédure civile;
Vidant son délibéré, le Juge saisi rendait la décision dont le dispositif est le suivant :
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence et par provision;
– Constatons que la demande actuelle est relative à l’exécution d’une décision frappée d’appel;
Qu’en tant que tel, ressortit à la compétence du premier Président de la Cour d’Appel en application de l’article 221 du code de procédure civile, commerciale et administrative;
– Nous déclarons incompétent pour en connaître;
– Condamnons la demanderesse aux dépens;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, la société EMAUCI, par acte d’huissier en date du 21 mars 2001, relevait appel de l’ordonnance de référé N° 1132 en date du 16 mars 2001 susvisée, à l’effet de voir la Cour d’Appel de ce siège :
– L’infirmer en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
– Voir dire que le Juge des référés du Tribunal d’Abidjan était seul compétent pour connaître de la demande de mainlevée de la saisie pratiquée sur ses comptes bancaires;
– Voir ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie-attribution pratiquée à son encontre;
Au soutien de son acte d’appel, la société EMAUCI reprochait au Juge des référés de s’être à tort déclaré incompétent pour connaître de la demande en mainlevée de la saisie-attribution de ses comptes bancaires;
Pour cela, elle se référait aux dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution issu du traité OHADA, aux termes duquel, le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le Magistrat délégué par lui, devait connaître de tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire;
Selon elle, la juridiction compétente ne pouvait être celle du Premier Président de la Cour d’Appel, dans la mesure où la même disposition légale prévoyait la possibilité de relever appel dans le délai de 15 jours à compter de son prononcé;
Sur le fond, l’appelante faisait valoir qu’il résultait de l’article 157 dudit Acte uniforme, que l’acte de saisie devait, à peine de nullité, indiquer les noms, prénoms, domiciles des débiteurs et créanciers;
Or il apparaissait, selon elle, au regard de l’exploit de saisie produit au dossier, que les noms et prénoms des créanciers saisissants, ainsi que leurs domiciles, n’y avaient pas été mentionnés;
Ainsi, arguait-elle, ledit exploit était-il nul, de nullité absolue;
En réponse, les intimés, pour leur part, concluaient à la confirmation de la décision querellée;
Relativement à la question de la compétence du Juge des référés du Tribunal pour connaître de la présente cause, ils entendaient faire remarquer que l’article 49 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution ne faisait nullement abstraction des principes de compétence d’attribution réglementés par les dispositions de l’article 221 nouveau du code de procédure civile;
Selon eux, la thèse développée par l’appelante ne saurait valablement prospérer, dans la mesure où il était prévu expressément à l’article 222 du code de procédure civile, que les ordonnances de référé ne pouvaient faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure, au risque d’être frappées de nullité;
Ce fut justement pour respecter cette exigence, selon eux, que la société EMAUCI avait porté le présent litige par-devant le premier Président de la Cour d’Appel, à l’effet d’obtenir une mainlevée de la saisie-attribution pratiquée;
Cependant, ladite juridiction, à juste titre d’ailleurs, s’était déclarée incompétente, par une décision en date du 29 mars 2001;
De fait, faisaient-ils remarquer, l’action en contestation de saisie-attribution devrait nécessairement être portée devant la juridiction du fond, et ce, en application des articles 169 et suivants dudit Acte uniforme;
Aussi, concluaient-ils, ce fut à bon droit que la décision querellée avait été rendue;
SUR CE,
Les intimés ayant conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
La Société EMAUCI a relevé appel, par acte d’Huissier, d’une ordonnance de référé qui ne lui a pas été signifiée;
Ledit appel est donc recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai légaux;
AU FOND
SUR LA compétence du juge des référés
Il résulte des éléments du dossier, que les employés licenciés par la société EMAUCI ont fait pratiquer une saisie-attribution de créance, en application des articles 153 et suivants de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution;
Aux termes des articles 169 et suivants dudit Acte, les contestations relatives aux opérations de saisie sont portées devant la juridiction compétente, dont la décision à intervenir est exécutoire sur minute, et à charge d’appel;
Il s’ensuit que la juridiction compétente ne peut être que le Juge des référés;
Au demeurant, c’est de manière vaine que les employés de la société EMAUCI invoquent l’application dans la présente cause, des dispositions de l’article 221 du code de procédure civile;
En effet, ledit texte de loi ne saurait, en l’espèce, prévaloir;
D’une part, il est constant que la saisie pratiquée par lesdits employés l’a été en application des normes légales édictées par l’Acte uniforme susvisé, faisant partie intégrante de l’ordonnancement juridique interne;
De l’autre, la procédure de contestation de saisie prévue en la matière a entièrement été réglementée sans qu’aucun renvoi aux règles de procédure interne à chaque Etat ait été envisagé;
Il suit de ce qui précède, que le Premier Juge, en se déclarant incompétent en application de l’article 221 du code de procédure civile, a fait une mauvaise application de la loi;
Aussi, convient-il d’infirmer l’ordonnance entreprise;
Statuant à nouveau, il y a lieu de dire et juger que le Juge des référés était compétent pour connaître du présent contentieux;
SUR La demande en mainlevée de la saisie pratiquée par les anciens salariés de la société emauci
Aux termes de l’article 157 de l’Acte uniforme susvisé, l’acte de saisie doit contenir, à peine de nullité, l’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteurs et des créanciers;
Au regard de l’exploit de saisie-attribution de créance produit au dossier, il apparaît que ladite voie d’exécution a été entreprise à la requête de Dame Aminata TOURE et six (6) autres sans que les noms et prénoms des autres créanciers saisissants aient été indiqués;
Dès lors, ledit exploit doit être annulé pour violation du texte de loi susvisé;
Ainsi, c’est donc à bon droit que la société EMAUCI sollicite la mainlevée de la saisie-attribution de créances entreprise à son encontre;
Les intimés ayant succombé, ils doivent supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME :
Déclare la Société EMAUCI recevable en son appel régulièrement relevé de l’ordonnance de référé N° 1132 du 16 mars 2001, rendue par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau;
AU FOND :
L’y dit bien fondée;
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau;
Déclare la juridiction de référé de Première Instance compétente pour connaître de la présente cause;
Annule, en outre, l’exploit de saisie-attribution de créance en date du 09 février 2001;
Ordonne, dès lors, la mainlevée de ladite saisie;
Met les dépens à la charge des intimés;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème Chambre civile A), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Sur le premier point, on ne peut qu’approuver la Cour d’Appel d’Abidjan. En effet, comment le saisi peut-il contester une saisie-attribution s’il ne connaît les créanciers qui le poursuivent et qu'il doit assigner en instance de contestation ?
Sur le second point, voir nos observations sur un arrêt de la CCJA qui confirme totalement la solution de la Cour d’Appel d’Abidjan (Ohadata J-02- *).