J-02-86
BAIL COMMERCIAL – RESILIATION JUDICIAIRE -COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (NON) – COMPETENCE EXCLUSIVE DU TRIBUNAL – ARTICLE 101 AUDCG.
BAIL COMMERCIAL – CLAUSE DE RESILIATION DE PLEIN DROIT POUR NON PAIEMENT DES LOYERS – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES POUR PRONONCER LA RESILIATION (OUI).
Article 101 AUDCG
Aux termes de l'article 101 AUDCG qui est d'ordre public, la résiliation judiciaire d'un bail commercial doit résulter d'un jugement. Il s'ensuit que le juge des référés, qui se prononce par ordonnance, n'est pas compétent pour résilier un tel bail;
(Cour suprême de Côte d’Ivoire, arrêt n° 209 du 6 avril 2000).
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; il s'ensuit qu'en présence d'une clause de résiliation de plein droit pour non paiement des loyers attribuant compétence au juge des référés pour prononcer la résiliation et l'expulsion, il y lieu d'appliquer cette clause.
(Cour suprême Abidjan chambre judiciaire, arrêt n° 136 du 15 mars 2001).
Première espèce :
cour suprême ABIDJAN, arrêt n° 209 du 06 avril 2000.
lA COUR,
Vu les pièces du dossier et le mémoire produit;
Sur le second moyen de cassation de l’incompétence du Juge de Référé :
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, 09 février 1999) que la Société SPROMACI et sa gérante, Dame ABLAN Jeannette ayant été expulsées, par ordonnance de référé, du local commercial qu’elles occupaient chez ABLÉ Frédéric, saisissaient la Cour d’Appel d’Abidjan qui, par arrêt entrepris, confirmait ladite ordonnance;
Attendu que pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’Appel indique que « Dame ABLAN reconnaît devoir des loyers; que dès lors, le Juge des référés a, à bon droit, retenu sa compétence et ordonné l’expulsion de la SPROMACI »;
Attendu cependant qu’il résulte de l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, disposition d’ordre public sur laquelle ABLÉ Akétéblé Frédéric déclare fonder sa demande, que la résiliation doit être prononcée par jugement; qu’en assignant la Société SPROMACI devant la juridiction des référés qui a statué par ordonnance, ABLÉ Frédéric a saisi une juridiction incompétence; d’où il suit que le moyen est fondé; qu’il échet de casser et annuler l’arrêt attaqué;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l’arrêt n° 189 rendu le 09 février 1999 par la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale;
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan compétent;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : FOLQUET Louis
Conseillers : YAO Assona – YANON Yapo.
Deuxième espèce :
cour suprême ABIDJAN chambre judiciaire, arrêt n° 136 du 15 mars 2001.
lA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Sur le moyen unique de cassation tiré du défaut de base légale :
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (n° 79 du 18 janvier 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan) que Ali GADDAR, propriétaire indivis et mandataire des autres copropriétaires d’un local sis à Abidjan Zone 4, a conclu le 1er août 1994, un contrat de bail à usage commercial avec Dame BOURICHIA Eliane Juliette; que le bail a été consenti moyennant un loyer mensuel de 150.000 FCFA payé à terme échu; que Dame BOURICHIA ne s’étant pas acquittée régulièrement de son loyer, Ali GADDAR l’a assignée en référé-expulsion par exploit d’huissier en date du 18 février 1999; qu’à cette date, elle restait devoir la somme de 900.000 FCFA, correspondant au règlement des arriérés de loyers dus de septembre 1998 à février 1999, que par ordonnance contradictoire n° 2205 du 28 mai 1999, Dame BOURICHIA fut expulsée pour non-paiement de loyer dont les arriérés cumulés étaient évalués à 1.350.000 FCFA; que sur appel de cette dernière, la Cour d’Appel d’Abidjan, par arrêt contradictoire n° 79 du 18 janvier 2000, confirmait l’ordonnance précitée en toutes ses dispositions;
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir retenu la compétence du Juge des référés – expulsions malgré la contestation soulevée par la demanderesse en cassation sur sa redevabilité des loyers;
Mais attendu qu’il ressort des termes de l’arrêt incriminé, que Dame BOURICHIA Eliane Juliette ne conteste pas devoir des loyers et que la Cour d’Appel, en se fondant sur les dispositions de l’article 1134 du code civil aux termes duquel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et sur l’article 24 du contrat de bail liant les parties, qui prévoit qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, le contrat sera résilié de plein droit, a donné une base légale à sa décision en retenant la compétence du Juge des référés – expulsions; que le moyen n’est pas fondé et qu’il échet de le rejeter;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par BOURICHIA Eliane Juliette contre l’arrêt n° 79 en date du 18 janvier 2000 de la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale.
Président : HAMZA Tahar
Conseillers : WOUNE Bleika – KAMA Yao.
Observations de KOMOIN François, Magistrat, Docteur en Droit
L’article 101 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général permet au bailleur d’un local commercial, en cas de non-paiement du loyer ou de non-respect des clauses et conditions de bail, de poursuivre, après une mise en demeure infructueuse au bout d’un délai d’un mois, la résiliation du contrat et l’expulsion du locataire devant la juridiction compétente. La désignation de cette juridiction compétente divise actuellement les professionnels du droit. Pour certains, dès lors qu’il existe une clause résolutoire dans le contrat de bail, la compétence du juge des référés doit être retenue dans la mesure où celui-ci ne fait que constater la résiliation du contrat opérée en-dehors de lui par le juge de la clause résolutoire et en tirer les conséquences en termes d’expulsion, le locataire ayant, de ce fait, perdu tout droit et titre au maintien dans les lieux.
Pour d’autres, la compétence pour prononcer l’expulsion du locataire bénéficiant d’un bail commercial ne peut revenir qu’au tribunal. Ceux-ci avancent deux raisons : d’une part, l’article 36 de la loi du 13 septembre 1980 réglementant les rapports entre les bailleurs et locataires en ce qui concerne les baux commerciaux, industriels et artisanaux qui ne retient la compétence du Juge des référés que pour les contestations relatives à la fixation du prix du loyer, les autres contestations dont font partie le non-paiement des loyers et le non-respect des conditions de bail étant réservées au Tribunal; d’autre part, l’utilisation par le législateur communautaire, dans le dernier alinéa de l’article 101, du terme « Jugement », lequel, en droit processuel, désigne les décisions rendues par le Tribunal.
Les deux arrêts ci-dessus reproduits révèlent l’embarras de la Cour Suprême à asseoir une position définitive sur cette question.
Dans la première espèce, elle a estimé que le Juge des référés n’a pas compétence pour ordonner l’expulsion d’un locataire bénéficiaire d’un bail commercial, même si celui-ci ne contestait pas devoir des loyers y relatifs. Dans la seconde espèce, s’appuyant sur l’existence dans le contrat d’une clause résolutoire, elle admettait la compétence du Juge des référés.
Les deux solutions sont-elles compatibles ? Pas nécessairement. En effet, l’article 101 de l’Acte uniforme portant droit commercial général ne prévoit l’expulsion du locataire défaillant qu’après résiliation du contrat de bail, et celle-ci ne peut être prononcée que par le Juge du fond. Mais si par l’effet même de la volonté des parties, le contrat se trouve résilié avant même l’intervention du Juge, selon la Cour Suprême, la compétence du Juge des référés se justifie. Une telle solution ne peut être admise, à la vérité, que si l’on donne un sens large au terme « jugement » employé par le législateur communautaire. Mais si, comme cela est le cas en droit processuel, ce terme est entendu au sens strict, la décision du 15 mars 2001 de la Cour Suprême se justifie difficilement.