J-02-88
UEMOA – DEclaratION DE LA COMMISSION de son incompetence pour enjoindre aux etats membres de respester les regles de commerce et de concurrence DE L'UEMOA – DECISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS EN ANNULATION POUR ILLEGALITE – UEMOA – RECOURS EN ANNULATION POUR ILLEGALITE D'UN ACTE D'UN ORGANE DE L'UNION – CONDITIONS DE FORME – NECESSITE D'UNE REQUETE EN ORIGINAL – DEFAUT DE L'ORIGINAL DE LA REQUETE – IRRECEVABILITE DU RECOURS.
La décision par laquelle la Commission de l'UEMOA se déclare incompétente pour enjoindre aux Etats membres de respecter les règles de commerce et de concurrence de l'UMEOA est un acte de l'Union au sens de l'article 8, alinéa 2 du Protocole additionnel relatif aux organes de contrôle, ouvert, à ce titre, à un recours en appréciation de légalité à toute personne physique ou morale à qui cet acte fait grief.
C'est en vain que la Commission fait valoir, en défense, que pour justifier un tel recours, l'acte doit être de nature à créer une modification dans l'ordonnancement juridique préexistant, ce qui serait ajouter aux conditions légales d'exercice du recours.
La requête en annulation devant la Cour de justice de l'UEMOA doit être établie en un original et autant d'exemplaires certifiés conformes que de parties en cause, le greffier pouvant inviter le requérant à régulariser son recours dans un délai qui ne peut excéder deux mois si la requête n'est pas conforme (articles 31 et 32 de l'Acte additionnel n° 10/96 portant des statuts de la Cour de justice).
Le requérant ayant transmis l'original de sa requête plus de deux mois après l'expiration du délai légal d'introduction de la requête, son recours doit être déclaré irrecevable.
(Cour de justice de l'UEMOA, arrêt n° 1 du 20 juin 2001, Société des ciments du Togo c/ Commission de l'UEMOA, ECODROIT, n° 6, décembre 2001, p. 44).
cour de justice de l’uemoa
arrêt n° 01 du 20 juin 2001
société des ciments du togo, sa
(me georges komlan amegadjie)
c/ commission de l’uemoa
(me harouna sawadogo).
composition :
M. Yves YEHOUESSI, Président
M. Daniel Lopes FERREIRA, Juge Rapporteur
M. Mouhamadou NGOM, Juge
M. Malet DIAKITE, Premier Avocat Général
M. Raphaël P. OUATTARA, Greffier.
lA COUR,
Vu la requête en date du 05 septembre 2000 parvenue à la Cour le 06 septembre 2000 et enregistrée au Greffe de ladite Cour sous le numéro 01/2000 de Maître Georges Komlanvi AMEGADJIE, Avocat à la Cour d’Appel de Lomé (Togo), représentant la Société des Ciments du Togo, Société anonyme ayant son siège social à Lomé, route d’Aného, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général; requête tendant à ce qu’il plaise à la Cour d’annuler la décision n° 1467/DPCD/DC/547 en date du 07 juillet 2000, par laquelle la Commission de l’UEMOA se déclare incompétente dans la mise en œuvre par ses Etats membres, des engagements pris dans le cadre du Traité de la CEDEAO;
Vu la décision n° 1467/DPCD/DC/547 du 07 juillet 2000;
Vu la lettre n° 04/2000 en date du 22 décembre 2000 portant signification à la Commission de l’UEMOA de la demande du requérant;
Vu le mémoire en défense du 16 février 2001 du Cabinet Harouna SAWADOGO, Avocat à la Cour, représentant la Commission;
Vu le mémoire en réplique de la requérante en date du 26 mars 2001;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu le Traité de l’UEMOA, notamment en ses articles 4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 76, 88, 89 et 90;
Vu le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, notamment en ses articles 1, 8, 9, 19, 20 et 21;
Vu l’acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 de la Conférences des Chefs d’Etat et de Gouvernement portant statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA;
Vu le Règlement n° 1/96/CM portant Règlement de Procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA;
Ouï Monsieur Daniel Lopes FERREIRA, Juge rapporteur en son rapport;
Ouï Maître Georges Komlanvi AMEGADJIE, Avocat de la Société des Ciments du Togo en ses observations orales;
Ouï Maître Issa SAMA, représentant Maître Harouna SAWADOGO, Avocat de la Commission de l’UEMOA, en ses observations orales;
Ouï le Premier Avocat Général, Monsieur Malet DIAKITE, en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément au Droit communautaire;
Considérant que par requête en date du 05 septembre 2000 parvenue à la Cour le 06 septembre 2000 et enregistrée au Greffe de ladite Cour sous le numéro 01/2000, la Société des Ciments du Togo, par l’organe de son Conseil Maître G. K. AMEGADJIE, Avocat à la Cour d’Appel de Lomé (Togo), a introduit un recours en annulation de la décision n° 1467/DPCD/DC/547 du 07 juillet 2000 de la Commission de l’UEMOA qui s’est déclarée incompétente pour enjoindre aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour le respect des règles de commerce et de concurrence régissant l’Union;
Considérant que la requérante expose qu’en décembre 1998, une société dénommée West African Cimento (WACEM) a été agréée par la République togolaise comme entreprise de zone franche que l’Etat togolais venait de créer;
Qu’aux termes de la loi togolaise relative à la zone franche, une entreprise agréée à la zone franche et qui y effectue ses activités, est une entreprise en réalité étrangère à l’économie et au territoire géographique du Togo et par conséquent, de l’UEMOA;
Que c’est pourquoi :
– d’une part, aux termes de l’article 27 de ladite loi togolaise, les ventes réalisées par les entreprises installées sur le territoire togolais à destination des entreprises de la zone franche, sont des exportations;
– d’autre part, aux termes de l’article 26 de la même loi, les produits d’une entreprise de la zone franche mis à la consommation sur le territoire douanier de l’UEMOA, sont des exportations, lesquelles ne peuvent être effectuées que par une tierce société importatrice régulièrement installée sur le (territoire) douanier du Togo;
Considérant que la requérante soutient, en outre, que, se prévalant de l’agrément que lui aurait donné le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, la Société WACEM exporte sa production de ciment sur les territoires des Etats membres de l’UEMOA;
Qu’elle fait observer que ces agissements de la Société WACEM constituent des violations graves des dispositions des articles 76 et suivants du Traité de l’UEMOA instituant un marché commun des Etats membres et établissant le principe d’un Tarif Extérieur Commun au bénéfice des seules entreprises ressortissantes des territoires douaniers de chacun des Etats membres;
Qu’elle estime, dès lors, que c’est en violation des dispositions du Traité de l’UEMOA que la Commission s’est refusée à enjoindre à la République togolaise de prendre les mesures adéquates pour faire cesser les agissements de la Société WACEM, gravement préjudiciables aux intérêts des opérateurs économiques régulièrement installés sur les territoires douaniers;
Qu’elle sollicite, en conséquence, l’annulation de la décision de la Commission comme entachée d’illégalité;
Considérant qu’à l’audience du 13 juin 2001, après lecture du rapport final par le juge rapporteur, la requérante a fait observer dans le cadre de la procédure orale :
– qu’après avoir saisi la Cour par télécopie, elle a été invitée par le Greffier, par téléphone, à régulariser sa procédure;
– qu’elle n’a jamais été mise en demeure de régulariser son recours conformément aux dispositions de l’article 32 des Statuts de la Cour;
– qu’elle sollicite que la Cour lui donne acte de ce qu’elle renonce aux demandes nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif;
Qu’elle a conclu enfin à ce qu’il plaise à la Cour :
– déclarer son recours recevable en la forme;
– annuler la décision de la Commission du 07 juillet 2000;
Considérant que la Commission a conclu à titre principal à l’irrecevabilité du recours en annulation de la requérante et, à titre subsidiaire, au fond, au débouté de la requérante.
Considérant que la Cour doit d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire, sur la recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner s’il y a lieu, les moyens des parties quant au fond;
Considérant que la compétence de la Cour en l’espèce, est consacrée par les articles 1, 8 et 9 du Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA et n’appelle en conséquence aucun commentaire particulier;
Que pour ce qui est de la recevabilité du recours, il y a lieu de relever tout d’abord, que la requérante s’est acquittée de l’obligation de cautionnement le 05 décembre 2000;
Que cependant, pour ce qui est du respect des prescriptions de l’article 26 du Règlement de Procédures et de la nature juridique de la décision attaquée, il convient de rappeler que la Commission soulève deux exceptions d’irrecevabilité qui doivent être examinées;
Considérant que, contre ce recours, la Commission :
– d’une part, fait valoir par mémoire en défense en date du 16 février 2001, que la copie certifiée conforme de la télécopie de la requête ayant saisi la Cour de céans ne saurait être assimilée à un original au sens de l’article 26 alinéa 3 du Règlement de Procédures;
– d’autre part, estime que la décision attaquée n’est pas de nature à créer une quelconque modification dans l’ordonnancement juridique préexistant; la décision, qui n’est ni un règlement ni une directive, n’est pas susceptible de produire des effets de droit;
Considérant que par mémoire en réplique en date du 26 mars 2001, la requérante soutient au contraire :
– que, d’une part, même s’il est certain que l’alinéa 3 de l’article 26 du Règlement de Procédures, énonce que la requête est établie, outre l’original, en autant d’exemplaires certifiés conformes qu’il y a de parties en cause, il n’est nulle part écrit dans ce texte que les dispositions de l’alinéa 3 sont faites ad validitatem de la saisine de la Cour;
– que, d’autre part, il n’est dit nulle part que ce sont les originaux des actes (requête ou compromis), qui sont seuls de nature à saisir la Cour; que c’est un principe général de droit qu’il n’y a ni irrecevabilité ni nullité sans texte;
Qu’elle ajoute que par pli DHL en date du 10 novembre 2000, elle a fait tenir à Monsieur le Greffier de la Cour, l’original et deux exemplaires de sa requête; que c’est ce dernier qui a trouvé suffisant de notifier à la Commission une copie certifiée conforme de la télécopie de la requête;
Considérant que la requérante a, par ailleurs, fait observer qu’elle a fondé son recours sur l’article 8 alinéa 2 du Protocole additionnel n° 1 qui dispose que le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou morale contre tout acte de l’Union lui faisant grief;
Que, toujours selon la requérante, la décision attaquée, signée par un Commissaire, est un acte de la Commission qui lui cause un préjudice;
Qu’elle estime, enfin, que l’affirmation de la Commission selon laquelle pour être passible de recours en annulation, l’acte doit être de nature à créer une modification dans l’ordonnancement juridique préexistant, constitue un rajout illégal aux conditions légales d’exercice du recours;
Considérant qu’il y a lieu, d’abord, de donner acte à la requérante de ce qu’elle renonce à ses demandes nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif;
Considérant qu’il convient ensuite de préciser que la décision attaquée constitue bien un acte d’un organe de l’Union au sens de l’alinéa 2 de l’article 8 du Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle;
Qu’aux termes de cette disposition, « le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief »;
Considérant que les termes de la lettre de la Commission constituent une prise de position sur la réclamation de la société des ciments du Togo;
Considérant que par cette lettre la Commission a arrêté de manière non équivoque, une mesure comportant des effets juridiques affectant les intérêts de la société des ciments du Togo et s’imposant obligatoirement à elle;
Qu’au regard de ces observations, c’est en vain que la Commission tente de faire plaider que la décision n’est pas susceptible de recours en annulation.
Considérant cependant qu’il y a lieu de constater que l’article 26 du Règlement de Procédures, qui n’est qu’une reprise de l’article 31 de l’Acte additionnel n° 10/96 portant statuts de la Cour de Justice, dispose, en son alinéa 2, que la requête est établie, outre l’original, en autant d’exemplaires certifiés conformes qu’il y a de parties en cause;
Que l’article 32 dudit acte additionnel dispose que, dans le cas où la requête n’est pas conforme aux dispositions de l’article 31, le Greffier invite la requérante à régulariser son recours dans un délai qui ne peut excéder deux mois;
Considérant que la question qu’il convient, dès lors, de se poser est celle de savoir si ces dernières dispositions ont été respectées;
Considérant qu’il résulte des débats que la requérante a déclaré avoir été invitée par le Greffier, par téléphone, à régulariser son recours avant de se dédire par la suite, pour affirmer qu’elle n’a jamais été mise en demeure de régulariser sa requête;
Qu’en cet état d’incertitude et de contradiction qui demeure, c’est en vain que la requérante tente de soutenir que les dispositions de l’article 32 n’ont pas été respectées;
Considérant que la requérante n’a transmis l’original de sa requête à la Cour que le 04 avril 2001, soit plus de deux mois après l’expiration du délai légal d’introduction de la requête;
Considérant qu’il s’y ajoute qu’il est de règle que le dépôt de l’original de la requête dans les délais, s’impose particulièrement lors de l’introduction du recours en annulation;
Considérant qu’il résulte donc de tout ce qui précède, que la recevabilité du recours dépend uniquement de la saisine régulière de la Cour par l’original de la requête dans le délai de deux (2) mois;
Que par ailleurs, les délais de l’article 32 des Statuts de la Cour de justice et de l’article 15 du Règlement de Procédures sont d’ordre public; qu’il n’appartient pas au juge ni aux parties d’en disposer à leur gré parce qu’ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques;
Qu’en conséquence, le recours tardif fait par la société des ciments du Togo, par télécopie, non régularisé dans les délais prévus par l’article 32 des Statuts, doit être déclaré irrecevable;
Considérant qu’aux termes de l’article 60 du Règlement de Procédures, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens;
Considérant que la requérante a succombé en ses moyens; qu’il y a lieu de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de recours en annulation :
– Donne acte à la requérante de ce qu’elle renonce aux demandes nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif;
– Déclare le recours irrecevable pour inobservation des dispositions de l’article 31 alinéa 3 de l’Acte additionnel n° 10/96 portant statuts de la Cour de Justice;
– Condamne la Société des Ciments du Togo aux dépens.