J-02-89
code cima – ARTICLE 239 – accident de la circulation – ACTION JUDICIAIRE EN INDEMNISATION DU PREJUDICE CORPOREL DE LA VICTIME – NECESSITE DE PRODUIRE UN PROCES VERBAL DE NON TRANSACTION (NON).
C'est vainement que l'assureur de l'auteur d'un accident de la circulation ayant causé un préjudice corporel à la victime oppose à l'action judiciaire de celle-ci en indemnisation l'absence de production d'un procès verbal de non transaction. En effet, il ne ressort nullement de l'article 231 du Code CIMA, fût-il d'ordre public, que la saisine des autorités judiciaires est soumise à la production d'un procès-verbal de la tentative de transaction.
Article 231 DU CODE CIMA
Article 239 DU CODE CIMA
Article 258 DU CODE CIMA
(Cour suprême de Côte d'Ivoire, Abidjan, arrêt n° 296 du 11 mai 2000, SAFFARIV et Badiane KANDA c/ Pathé Sawadogo, ECODROIT, décembre 2001, n° 6, p. 54).
COTE D'IVOIRE
cOUR supREME
chAMBRE judUCIAIRE
arrêt n° 296 du 11 mai 2000.
lA COUR,
Vu le mémoire produit;
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de l’article 239 du Code CIMA :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Abidjan, Chambre Civile, n° 357 du 06 mai 1998) que suite à l’accident de circulation survenu le 21 juin 1996 et dans lequel il était victime, Pathé SAWADOGO a assigné en indemnisation la SAFARRIV, assureur, et la dame KANDA Bibiane, propriétaire du véhicule fautif, devant le Tribunal d’Abidjan, lequel, par jugement n° 66 du 07 mars 1996, a déclaré recevable son action et accordé la somme globale de 3.361.830 francs; que, par l’arrêt déféré, la Cour d’Appel d’Abidjan a confirmé en toutes ses dispositions le jugement et alloué la somme de 300.000 F à Pathé SAWADOGO à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’Abidjan d’avoir, pour statuer au fond du litige, violé les dispositions d’ordre public de l’article 239 du Code CIMA qui stipulent que le litige entre l’assureur et la victime ne peut être porté devant l’autorité (judiciaire) que lorsque la tentative de transaction obligatoire n’a pu aboutir, alors que, dit le pourvoi, aucun procès-verbal d’échec de transaction n’était versé au dossier; que sa décision doit être cassée;
Mais attendu que pour déclarer recevable l’action en indemnisation et statuer au fond du litige opposant l’assureur et la victime, la Cour d’Appel d’Abidjan a relevé qu’il ne ressort nullement des dispositions du code CIMA, que la saisine des autorités judiciaires est soumise à la production d’un procès-verbal d’échec de la tentative de transaction;
Attendu qu’en effet l’article incriminé dispose que « lorsque l’assureur et la victime ne sont pas parvenus à un accord dans le délai de douze mois à compter de l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article 231, l’indemnité due par l’assureur est calculée suivant les modalités fixées aux articles 258 et suivants. Le litige entre l’assureur et la victime ne peut être porté devant l’autorité judiciaire qu’à l’expiration du délai de l’article 231 »; or, ce délai est de douze mois à compter de l’accident; qu’il résulte des productions que durant plus de cinq ans à compter de l’accident, l’assureur n’a adressé aucune offre à la victime qui a pris sur elle d’écrire dans ce sens à la Compagnie d’Assurances, mais en vain; que, dès lors, il résulte de ce qui précède que la Cour d’Appel a fait une bonne application du code CIMA et n’a nullement violé l’article 239; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé; qu’il échet de rejeter le pourvoi;
PAR CES MOTIFS
– Rejette le pourvoi formé par SAFARRIV et autres contre l’arrêt n° 357 en date du 06 mars 1998 de la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor Public;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du Greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan ainsi que sur la minute de l’arrêt entrepris.
Observations de KPLY Désiré, Magistrat
L’arrêt rapporté ci-dessus permet à la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) de se prononcer sur une question qui intéresse la matière des recours contentieux en cas d’accident de la circulation : le litige entre l’assureur et la victime peut-il être porté devant l’autorité judiciaire en l’absence de procès-verbal constatant l’échec de la tentative de transaction ?
L’assureur, la Compagnie d’Assurances SAFARRIV, demandeur au pourvoi, estimait que la recevabilité de l’action en indemnisation de la victime était subordonnée à la production d’un procès-verbal constatant l’échec de la tentative de transaction. Elle fondait ses prétentions sur l’article 239 du code CIMA.
Cependant, à la lecture de ce texte, nulle part il n’est fait référence à un quelconque procès-verbal d’échec de la tentative de transaction.
La Cour Suprême, suivant en cela la Cour d’Appel, rejette donc le moyen de l’assureur et, rappelant les dispositions de l’article 239 précité en ses alinéas 1 et 2, indique clairement que l’assureur et la victime ont un délai de douze mois à compter de la survenance du sinistre, pour parvenir à un accord sur l’indemnisation.
A défaut d’accord dans ce délai, l’autorité judiciaire peut être valablement saisie.
Cette position doit être approuvée.
En effet, l’accord auquel il est fait allusion s’analyse en une transaction (art. 2044 du code civil) devant être matérialisée par un acte écrit contenant des énonciations prescrites à peine de nullité (art. 235 du code CIMA). C’est donc le défaut de production de cet acte dans le délai de douze mois à compter de la survenance du sinistre, qui permet de conclure que les parties, comme l’indique l’article 239 du code CIMA en son alinéa 1, « ne sont pas parvenues à un accord ».
Il est vrai que ce délai est susceptible d’allongement ou de suspension dans les hypothèses prévues aux articles 247 à 253 du code CIMA. L’assureur, qui s’est attaché simplement à la nécessité de produire un procès-verbal d’échec de la tentative de transaction, n’a cependant invoqué aucune cause d’allongement ou de suspension.
Sa position sur ce point est surprenante, car c’est sur lui que pesait l’obligation, en vertu des dispositions de l’article 231 alinéa 1, de présenter à la victime, dans le délai de douze mois à compter de l’accident, une offre d’indemnité, indépendamment de la réclamation que celle-ci peut faire.
En l’espèce, comme le fait observer la Cour Suprême, « durant plus de cinq ans à compter de l’accident, l’assureur n’a dressé aucune offre à la victime qui a pris sur elle d’écrire dans ce sens à la compagnie d’assurance, mais en vain ». Elle ne l’a donc pas suivi dans son raisonnement.
Si elle l’avait fait, elle aurait ajouté à la peine des victimes d’accident de la circulation qui supportent déjà mal d’avoir à attendre l’expiration du délai de douze mois pour exercer un recours contentieux. Par ailleurs, l’assureur à qui le paiement d’une indemnité est réclamé pourrait user de chicane; la saisine de l’autorité judiciaire étant soumise à son bon vouloir, puisqu’il lui faudrait accepter de faire diligence avec la victime pour qu’intervienne un procès-verbal constatant l’échec de la tentative de transaction.
En rejetant le pourvoi, la Cour Suprême a donc bien décidé.