J-02-90
code cima – application dans le temps – ARTICLE 279 CODE CIMA – ACTION JUDICIAIRE DE LA VICTIME EN INDEMNISATION – OBLIGATION DE SE SOUMETTRE A LA TENTATIVE DE TRANSACTION PREVUE PAR L'ARTICLE 231.
En vertu de l'article 279, le Code CIMA est d'application immédiate à tous les accidents survenus antérieurement à son entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou à une transaction passée entre les parties. Il s'applique donc à un accident survenu en 1984.
Aucune transaction n'étant intervenue entre les parties, il convient de casser l'arrêt de la Cour d'appel qui condamne l'assureur à payer aux ayants droit de la victime décédée des dommages-intérêts.
Article 231 DU CODE CIMA
Article 279 DU CODE CIMA
(Cour suprême d'Abidjan, Chambre judiciaire, arrêt n° 229 du 10 juin 1999, Angoua Brédou et SIDAM c/ ayants droit de CONDE Brahima, ECODROIT, n° 6, décembre 2001, p. 57, note Daniel DIALLO, Juriste d'Entreprise).
COTE D'IVOIRE
cOUR SUPREME
chAMBRE judICIAIRE
arrêt n° 229 du 10 juin 1999.
lA COUR,
Vu les mémoires produits;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 279 du Code CIMA :
Attendu qu’aux termes dudit article, « les dispositions des articles 200 à 278 entrent en vigueur sans délai. Elles s’appliquent à tous les accidents n’ayant pas donné lieu à une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou à une transaction passée entre les parties;
Toutefois, elles n’ont pas d’effet rétroactif en ce qui concerne l’application des articles 200 in fine et 206 à 211 du présent Code;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 976 du 26 juin 1998) que MIAN Brédou, conduisant un véhicule automobile appartenant à ANGOUA Brédou et assuré par la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM a mortellement heurté le cycliste CONDE Brahima; que les ayants-droit de celui-ci, afin d’obtenir réparation du préjudice moral et matériel subi à la suite de la disparition de leur parent, ont assigné l’auteur de l’accident, le civilement responsable du véhicule et l’assureur de ce dernier devant le Tribunal Civil d’Abidjan qui, statuant sur les dommages et intérêts, a condamné ces derniers à payer aux dits ayants-droit, la somme globale de 163.320.000 francs; que sur appels principal et incident des demandeurs et des défendeurs, la Chambre Civile et Commerciale de la Cour d’Appel d’Abidjan, par son arrêt sus-énoncé, a rejeté comme mal fondées les exceptions d’irrecevabilité d’ANGOUA Brédou et de la SIDAM tirées du défaut de qualité à agir des ayants-doit du de cujus et du défaut de transaction entre ceux-ci et la Compagnie d’Assurances; qu’elle a, par contre, déclaré les ayants-droit de feu CONDE Brahima recevables en leur action en réparation et condamné la SIDAM et son assuré Brédou ANGOUA à payer aux défendeurs, d’une part, la somme globale de 11.364.420 francs au titre du préjudice moral et matériel souffert du fait de la disparition du défunt et, d’autre part, la somme globale de 10.000.000 francs pour procédure abusive et vexatoire;
Attendu que la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM et le civilement responsable ANGOUA Brédou font grief à la Cour d’Appel d’avoir violé l’article 279 du Code CIMA au motif qu’elle les a condamnés à des dommages et intérêts à payer aux ayants-droit de la victime de l’accident, alors que, selon le pourvoi, elle aurait dû inviter lesdits ayants-droit à transiger avec la compagnie d’assurances, la transaction étant légalement obligatoire avant toute saisine du Tribunal;
Attendu effectivement qu’il ne résulte nullement du dossier de la procédure trace de ce que cette transaction a eu lieu entre l’assureur et les ayants-droit de feu CONDE Brahima; que dès lors le moyen invoqué par la requérante et son assuré est fondé, qu’il échet en conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen, de casser et d’annuler l’arrêt attaqué et d’évoquer :
Attendu qu’il est constant comme ressortant du dossier qu’une transaction n’a pas eu lieu entre les parties conformément à l’article 279 du code CIMA; qu’il échet en conséquence de renvoyer les parties à transiger avant toute saisine des Juges du fond.
PAR CES MOTIFS
– Casse et annule l’arrêt n° 976 rendu le 26 juin 1998 par la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale;
– Statuant à nouveau, renvoie les parties à transiger avant toute saisine des Juges du fond;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : Seydou SANOGO
Conseillers : Hamza TAHAR - WOUNE Bleka –.
Observations de Daniel DIALLO, Juriste d’Entreprise
La Cour Suprême, par l’arrêt du 4 mai 2000, a tranché la question de l’application dans le temps de la loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation contenue dans le code des assurances CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances); principalement s’agissant de l’article 279 de ce code. Ce dernier est ainsi libellé : « Les dispositions des articles 200 à 278 entrent en vigueur sans délai. Elles s’appliquent à tous les accidents n’ayant pas donné lieu à une décision judiciaire passée en force de chose ou à une transaction passée entre les parties.
Toutefois, elles n’ont pas d’effet rétroactif en ce qui concerne l’application des articles 200 dernier alinéa et 206 à 211 du présent code ».
Dans le cas qui a donné lieu à l’arrêt du 4 mai 2000 de la Chambre Judiciaire, la procédure mérite d’être rappelée (A) avant que le fond ne soit abordé (B).
A) LA PROCÉDURE
Un accident s’est produit le 05.09.1984, qui a causé la mort d’une victime. Les ayants-droit de ce dernier (au nombre de 307) ont approché en 1998, l’assureur du civilement responsable, en vue d’une transaction. L’assureur s’étant aperçu que les pièces d’état civil comportaient de nombreux faux, a refusé la transaction. Il a fait l’objet d’une assignation devant le tribunal civil d’Abidjan, qui a rendu un jugement le 21.04.1998, qui a condamné l’assuré sous la garantie de l’assureur à payer aux ayants-droit la somme globale de 163.320.000 FCFA en réparation de leurs préjudices moral et matériel.
Sur appel de l’assureur et de l’assuré, la Cour d’Appel d’Abidjan a rendu un arrêt le 25/05/1990, qui a débouté tous les demandeurs pour défaut de qualité pour agir. Ces derniers ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre dudit arrêt qui a été cassé par un arrêt de la Cour Suprême du 16/06/1992.
La Cour d’Appel saisie après renvoi a rendu un arrêt avant dire droit de sursis à statuer le 29/07/1994, l’assureur ayant, dans l’intervalle, saisi le juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux et tentative d’escroquerie, à l’encontre des ayants-droit.
La Chambre d’accusation a rendu le 28/01/1998, un arrêt confirmatif d’une ordonnance de non-lieu en date du 18/07/1997. La Cour d’Appel, qui avait sursis à statuer en 1994, a donc été saisie pour trancher définitivement le litige. Cette dernière, par un arrêt du 26/06/1998, a estimé qu’il n’y avait pas lieu à renvoi en transaction au motif « que l’assureur et l’assuré qui sollicitent le renvoi de la cause et des parties pour être procédé à la transaction prévue par la loi ne contestent pas qu’une telle transaction a déjà eu lieu »; c’est contre cet arrêt que l’assureur et l’assuré se sont pourvus en cassation pour violation de l’article 279 du code des assurances CIMA.
B) LE FOND
La Chambre judiciaire a cassé l’arrêt du 26/6/1998 au visa de l’article 279 du code CIMA : « Attendu effectivement qu’il ne résulte nullement du dossier de la procédure trace de ce que cette transaction a eu lieu entre (…). Attendu qu’il est constant comme ressortissant du dossier qu’une transaction n’a pas eu lieu entre les parties, conformément à l’article 279 du code CIMA; qu’il échet en conséquence de renvoyer les parties à transiger avant toute saisine des juges du fond ».
Dans la chronologie des décisions, l’on s’aperçoit qu’entre l’arrêt avant dire droit de la Cour d’appel du 29/07/1994 et l’arrêt définitif sur le fond du 26/06/1998, le code des assurances CIMA était entré en vigueur, très précisément le 15/02/1995 et, parmi les dispositions dont l’article 279 dit « qu’elles entrent en vigueur sans délai », figurent les articles 225 et suivants objet du Chapitre IV, Titre I, Livre II intitulé « INDEMNISATION DES VICTIMES ». L’article 231 du code institue une procédure transactionnelle préalable et obligatoire entre l’assureur et la victime d’un accident de la circulation ou ses ayants-droit, avant toute saisine du tribunal. L’assureur a plaidé l’application de cette loi nouvelle et d’application immédiate devant la Cour d’Appel, et donc le renvoi des parties en transaction. Sur ce dernier point, la Cour n’a pas fait droit à son argumentation, tout en appliquant néanmoins les dispositions du code CIMA pour la détermination de la qualité d’ayant-droit et pour le calcul des indemnités.
La cassation de l’arrêt implique qu’il doit être clair désormais pour tous les justiciables, que tant que la transaction n’a pas été menée conformément au code CIMA, quels que soient les pourparlers qui ont pu avoir lieu antérieurement (comme dans le cas d’espèce, si tel était l’avis de la Cour), ils ne peuvent revêtir le caractère transactionnel des dispositions de la loi CIMA.
De cet arrêt, il convient de déduire également que tous les accidents qui ont donné lieu à un pourvoi en cassation pendant à ce jour devant la Cour Suprême, et qui n’ont, du fait de ce pourvoi, pas fait l’objet d’une décision judiciaire passée en force de chose jugée au sens de l’article 279 du code CIMA, tombent sous le coup de la loi nouvelle et doivent faire l’objet d’un renvoi en transaction quelle que soit la date de survenance de ces accidents et la date des arrêts objets du pourvoi. Or, c’est très souvent que les assureurs sont confrontés au refus des conseils des victimes ou de leurs ayants-droit, de transiger au motif que le pourvoi étant pendant, soit c’est la loi antérieure au code CIMA qui doit s’appliquer (ce qui s’entend en COTE D’IVOIRE de la loi n° 89/1291 du 18/12/1989 et de son décret d’application n° 90/90 du 17/01/1990, JORCI n° 51 du 21/12/1989 et JORCI n° 11 du 15/03/1990), soit de lourdes pénalités de retard doivent être supportées par les assureurs pour offre tardive.
Mais l’on s’en aperçoit, à la lecture de l’arrêt de la Cour Suprême, cette position (qui, semble-t-il, est guidée plus par un intérêt pratique que juridique, le montant des indemnités étant inférieur dans la nouvelle loi que dans l’ancienne) est erronée, et la transaction devrait être reprise « sur ses derniers errements » sur l’initiative de la partie la plus diligente ou mieux, sur celle de l’assureur, conformément à la loi. En effet, à compter de la date d’entrée en vigueur du code CIMA le 15/02/1995, il revenait aux Cours d’Appel de ne plus statuer au fond dans tous les litiges d’accidents de la circulation et de renvoyer systématiquement les dossiers en transaction sur la base de l’article 279 de la loi CIMA, comme l’ont fait les juridictions lors de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 18/12/1989. Mais elles ne l’ont pas toujours fait, et il est heureux que la Chambre Judiciaire se soit prononcée sur le sujet. Toutefois, il ne semble pas que l’article 279 soit d’ordre public. Il appartient donc à la partie qui entend s’en prévaloir de le porter à la connaissance de la juridiction saisie, faute de quoi il sera jugé outre.