J-02-93
injonction de payer – nullité de l'exploit de signification d'une ordonnance d'injonction de payer – caducité de l'ordonnance (non).
La nullité de l'exploit de signification d'une ordonnance d'injonction de payer a pour effet de ne point faire courir les délais des recours; elle n'a point d'effet sur l'existence de l'acte lui-même. En outre, les voies de recours, entre-temps exercées, ont suspendu l'exécution de ladite ordonnance, de sorte qu'elle ne peut être rétractée pour caducité.
(C.A. Abidjan, Arrêt n° 282 du 09 mars 2001, BOURGI Ahmed c/ METAL Ivoire et METAL Tuiles, ECODROIT, n° 10, avril 2002, p. 57, observations anonymes).
La COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé de la procédure, des faits et prétentions des parties et des motifs ci-après;
exposé de la PROCEDURE, DES FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d'huissier en date du 13 mars 2000, Monsieur BOURGI AHMAD a relevé appel du jugement civil contradictoire n° 147/CIV8 du 7 février 2000 rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui, en la cause, a statué comme suit :
EN LA FORME
– Reçoit BOURGI AHMAD en son opposition;
– Annule l'exploit de signification du 6 décembre 1999;
AU FOND
– Le déclare mal fondé;
– L'en déboute;
– Restitue à l'ordonnance n° 7289 du 17 novembre 1999, son plein et entier effet;
– Le condamne aux dépens;
Considérant qu'il résulte des productions que, par exploit d'huissier en date du 13 décembre 1999, Monsieur BOURGI AHMAD a assigné, en opposition, les sociétés METAL IVOIRE et METAL TUILES devant le Tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, pour voir rétracter l'ordonnance n° 7289 rendue le 17 novembre 1999 qui l'a condamné à payer à la société METAL TUILES, la somme principale de 1.595.602 francs sur la base de factures et de bon de livraison;
Qu'au soutien de son opposition, Monsieur BOURGI Ahmed a soulevé la nullité de l'acte de signification en date du 6 décembre 1999 de l'ordonnance querellée pour défaut de qualité et d'intérêt de la société METAL IVOIRE en ce qu'elle n'est point concernée par la décision entreprise;
Qu'en outre, il a contesté le montant de la créance en soutenant qu'il y a compte à faire entre les parties, puisque ses commissions ou ristournes n'ont pas été comptabilisées; celles-ci devaient être déduites de la somme réclamée;
Que, d'ailleurs, il a évalué le montant de ces commissions à 845.592 francs et a donc sollicité la rétractation de l'ordonnance de l'ordonnance querellée;
Qu'ainsi, le Tribunal, statuant sur le mérite de ses demandes, a rendu la décision dont appel en se fondant sur le fait que Monsieur BOURGI Ahmed ne rapporte pas la preuve de ses allégations;
Considérant que Monsieur BOURGI Ahmed, appelant, soulève la nullité de l'acte de signification du 6 décembre 1999 en précisant que l'ordonnance entreprise est censée n'avoir pas été signifiée et ne peut, en conséquence, produire l'effet;
Que, mieux, ladite ordonnance est à ce jour caduque;
Que la Cour voudra donc infirmer la décision querellée et, statuant à nouveau après avoir annulé l'acte de signification, rétracter, l'ordonnance querellée pour cause de caducité;
Considérant que pour leur part, les sociétés METAL TUILES et METAL IVOIRE intimées, n'ont déposé aucune écriture au dossier;
DES MOTIFS
Considérant que les Sociétés METAL TUILES et METAL IVOIRE ont été régulièrement intimées;
Qu'il y a lieu de statuer contradictoirement en l'espèce;
EN LA FORME
Considérant que Monsieur BOURGI Ahmed ayant relevé appel selon les formes et délais de la loi, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
Considérant qu'en l'espèce, contrairement aux allégations de l'appelant, la nullité d'un acte de signification a pour effet de ne point faire courir les délais pour exercer les voies de recours contre l'acte non signifié et n'a point d'effet sur l'existence de l'acte lui-même;
Qu'en outre, l'opposition et l'appel ont suspendu l'exécution de l'ordonnance querellée, de sorte qu'elle ne peut être rétractée pour cause de caducité;
Qu'en tout état de cause, l'appelant ne rapporte pas la preuve de ses commissions ou ristournes non comptabilisées par la société METAL TUILES;
Qu'ainsi, convient-il de confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions;
SUR LES DEPENS
Considérant que l'appelant succombe;
Qu'il convient de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare Monsieur BOURGI Ahmed recevable en son appel régulier relevé contre le jugement civil contradictoire N° 147 du 7 février 2000 rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan-Plateau;
AU FOND
– L'y dit mal fondé;
– L'en déboute;
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– Condamne BOURGI Ahmed aux dépens.
Observations anonymes
Dans l'instance ayant donné lieu à la décision ci-dessus reproduite, la nullité de l'exploit de signification de l'ordonnance d'injonction de payer a été soulevée par l'une des parties ainsi que la caducité subséquente de l'ordonnance querellée.
La Cour d'Appel a précisé, à juste titre, que les effets de la nullité de la signification d'une décision ne concernent pas celle-ci, mais le délai des voies de recours, celui-ci restant en ce cas intact.
Mais là où la décision séduit moins, c'est lorsque la Cour affirme que l'opposition et l'appel ont suspendu l'exécution de l'ordonnance querellée de sorte qu'elle ne peut être rétractée pour caducité. En effet, est-il encore besoin de le rappeler, si l'Acte uniforme prévoit, comme la loi ivoirienne de 1983, l'opposition comme voie de recours contre l'ordonnance, il n'en demeure pas moins que les régimes juridiques des deux voies de recours sont différents. En effet, dans la loi ivoirienne de 1983, le législateur a prévu que l'opposition suspendait l'ordonnance litigieuse qui retrouvait vie si cette voie de recours était jugée mal fondée. Dans l'Acte uniforme, il n'est rien de tout cela, puisque l'article 14 dudit acte dispose, expressément, que la décision saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer; ce qui signifie bien que l'ordonnance disparaît de l'ordonnancement juridique. Elle ne peut être considérée comme suspendue. Si donc l'exploit de signification est nul, les effets de cette sanction en droit processuel, obligent à considérer que l'ordonnance n'a jamais été signifiée; et si depuis sa date, le délai prévu par l'Acte uniforme ne peut inévitablement qu'être tenue pour non avenue.
La Cour d'Appel, à notre avis, aurait dû, pour rester conforme à l'Acte uniforme, faire droit aux arguments de l'appelant.