J-02-94
procédures collectives d'apurement du passif – règlement préventif – concordat préventif – prorogation sans rapport du syndic (non).
Les modifications à apporter à l'exécution du concordat préventif ne peuvent se faire qu'à la demande du débiteur et sur rapport du syndic.
Dès lors, doit être annulée l'ordonnance de prorogation du concordat rendue sans que le juge ait pris connaissance du rapport du syndic.
Article 21 AUPCAP
Article 139 AUPCAP
(C. A. Abidjan, Arrêt N° 367 du 27 mars 2001, Air Continental c/ B.O.A., ECODROIT, n° 10, avril 2002, p. 60).
La Cour,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et des motifs ci-après;
Par exploit du 02 mars 2001 comportant ajournement au 13 mars 2001, la Société AIR CONTINENTAL, ayant pour Conseil Me SOLO Paclio, Avocat à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance n° 33 rendue le 03 janvier 2001 par le Président du Tribunal de première instance d'Abidjan, qui a statué comme suit :
– "Déclarons l'action de la B.O.A. recevable;
– L'y disons bien fondée;
– Ordonnons la rétractation de l'ordonnance n° 320 du 07 novembre 2000;
– Condamnons la Société AIR CONTINENTAL aux dépens »;
L'appelant expose qu'étant bénéficiaire d'un jugement n° 52 en date du 25 juillet 2000 portant règlement préventif et fixant la durée du concordat à trois ans à compter du 30 octobre 2000, il a sollicité et obtenu, compte tenu de la situation socio-politique en Côte d'Ivoire, empêchant les financements, une ordonnance de prorogation de l'exécution dudit concordat;
Il fait grief au Juge des référés d'avoir rétracté cette ordonnance de prorogation, aux motifs d'une part, que le syndic n'a pu exécuter sa mission pour rendre compte de la bonne marche de l'exécution du concordat; d'autre part, qu'aucun allongement du délai ne pouvait être accordé, surtout que le texte de l'article 139 auquel se réfère l'article 21 ne concerne que les cas de résolution du concordat, alors que, sur le premier point, en ne prenant pas soin d'ordonner la comparution du syndic, le Juge a erré; sur le second point, il est manifeste que la prorogation est une mesure de nature à favoriser l'exécution du concordat, puisqu'aussi bien les articles 21 alinéa 2 et 139, non seulement ne s'appliquant pas qu'à la résolution et à l'annulation du concordat préventif, mais encore s'intègrent dans les délais accordés;
Aussi, conclut-il à l'infirmation de la décision attaquée;
En réplique, l'intimé, concluant par Mes AHOUSSOU et KONAN, Avocats à la Cour, fait observer que l'appelant, en indiquant dans sa requête aux fins de prorogation, que le syndic a été entendu, a manifestement fait une fausse déclaration, puisqu'aussi bien par courrier en date du 20 novembre 2000, le syndic soulignait :
« Faisant suite à notre entretien, je vous informe que le jugement d'homologation du concordat ne m'a pas été signifié, ce qui ne me permet pas de prendre de décision dans ce dossier »; ce qui montre que les termes de l'article 21 de l'Acte uniforme OHADA n'ont pas été respectés;
En répondant, la société AIR CONTINENTAL réitère le fait tenant au caractère favorable de la prorogation qui, selon elle, épouse la lettre et l'esprit des dispositions de l'article 21 précité;
Il soutient, ensuite, que la loi n'a pas prévu de forme particulière pour le rapport du syndic, lequel n'a jamais été interrogé sur le fait qu'il ait été établi un rapport relativement à la demande de prorogation de délai;
Les parties ayant conclu, il convient de statuer contradictoirement.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel ayant été relevé dans les conditions et délai de la loi, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
Aux termes des dispositions de l'article 21 de l'Acte uniforme de l'OHADA relatif au règlement préventif et à la liquidation judiciaire (sic), "à la demande du débiteur et sur rapport du syndic chargé du contrôle de l'exécution du concordat préventif, s'il en a été désigné un, la juridiction compétente peut décider toute modification de nature à abréger ou à favoriser cette exécution ».
Il est constant, dans l'espèce, que pour accéder à la demande de prorogation du débiteur, le Juge statuant sur ordonnance à pied de requête n'a pas eu connaissance du rapport du syndic dûment désigné;
Aussi, est-ce à bon droit que, constatant la violation des règles susvisées, le juge des référés a rétracté l'ordonnance n° 320 du 7 novembre 2000 accordant la prorogation;
Ainsi, sans égard pour les autres moyens, convient-il de confirmer l'ordonnance n° 33/2 CH. du 03/01/2001;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit la Société AIR CONTINENTAL en son appel;
AU FOND
– L'y dit mal fondé;
– L'en déboute;
– Confirme l'ordonnance N° 33/01/2001 en toutes ses dispositions.
Observations anonymes
L'article 21 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif subordonne les modifications à apporter à l'exécution du concordat préventif à deux conditions cumulatives : la demande du débiteur et le rapport du syndic.
Dans notre espèce, la prorogation du concordat a été obtenue du juge, sans que celui-ci ait pris connaissance du rapport du syndic. Cette décision a été à juste titre censurée.
Elle donne cependant l'occasion de s'interroger sur l'applicabilité de la procédure de rétractation aux ordonnances sur requête prévue par l'article 237 du code de procédure civile aux ordonnances de ce type, rendue dans les matières de l'OHADA. En effet, l'article 232 dudit code dispose que "toute requête non prévue par un texte particulier ou une disposition spéciale, lorsqu'elle tend à voir ordonner toutes mesures propres à sauvegarder les droits et intérêts qu'il n'est pas permis de laisser sans protection, est présentée au Président du Tribunal de première instance ou à son délégué ou au juge de section du Tribunal qui y répond, à charge de lui en référer en cas de difficulté ». Ce sont ces genres d'ordonnances qui sont susceptibles d'être rétractées par le juge qui les a rendues, notamment lorsqu'elles portent atteinte aux droits des tiers; dans ce cas, il statue comme en matière de référé (article 237 du code de procédure civile).
Il est permis, dès lors, de dire que si l'ordonnance sur requête a été prévue par un texte spécial, c'est à ce texte qu'il faut recourir pour découvrir les modalités de présentation de la requête et les voies de recours pouvant être exercées contre cette ordonnance.
Observations complémentaires de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, consultant
On peut même se demander si une telle ordonnance de prorogation n’était susceptible que des voies de recours organisées spécialement et exclusivement par l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif.