J-02-97
voies d'exécution – saisie – contestation de la propriété des biens saisis – personnes susceptibles d'agir en nullité et en distraction – débiteur – action en distraction (non) – action en nullité (oui).
En matière de saisie, le débiteur ne peut, aux termes de l'article 140 de l'Acte uniforme portant organisation des voies d'exécution, initier que l'action en nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire.
En conséquence, est irrecevable, pour défaut de qualité, l'action en distraction d'objets saisis initiée par le débiteur.
(Cour d'Appel de Bouaké, Arrêt n° 77/2001 du 16 mai 2001, CNDJ, Le Juris-OHADA, CNDJ, Z…c/ K…, n° 2/2002, avril-mai-juin, p. 29)
lA COUR,
Vu les pièces au dossier;
Vu l'arrêt civil contradictoire n° 46 du 14/03/2001 qui a déclaré recevable l'appel de Z. régulièrement interjeté du jugement civil contradictoire n° 515 du 17/03/2000 rendu par le Tribunal de première instance de Bouaké;
Ouï les parties en leurs mémoires;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit d'huissier en date du 06/07/1999, Z. a assigné K. devant le Tribunal de première instance de Bouaké, pour :
– voir dire que les objets saisis le 27/05/1999 par le ministère de Maître AHOU Yao ne sont pas la propriété du saisi;
– entendre ordonner la mainlevée de ladite saisie;
– entendre ordonner l'exécution provisoire et condamner K. aux dépens;
Considérant qu'au soutien de son action Z. expose que, suite à une ordonnance n° 292/96 du 03/06/96 rendue par le Président du Tribunal de première instance de Bouaké le condamnant à payer la somme de 375.000 F à K., une saisie-vente a été pratiquée à son domicile le 27/05/1999;
Que cependant, ladite saisie a été pratiquée sur des biens qui ne lui appartiennent pas;
Que le jour de la saisie, il se trouvait hors de Bouaké, dans son village, pour des funérailles;
Que, malgré le fait qu'il ait produit, dès son retour du village, des reçus et cartes grises attestant qu'il n'est pas propriétaire des objets saisis, l'Huissier instrumentaire s'est opposé à la mainlevée de la saisie;
Considérant que, pour sa part, K. fait valoir que Z. ne saurait valablement nier la réalité de la dette dont paiement lui est réclamé;
Qu'en effet, lui, K., a remis en mains propres la somme de 300.000 F le 16/08/1989 à Z., en présence de témoins;
Que cet argent a été remis à titre de prêt matérialisé par une reconnaissance de dette que Z. a lui-même rédigée et signée;
Que K. ajoute que suite à de nombreuses (démarches) amiables demeurées vaines en raison de la mauvaise foi de Z., il a décidé de saisir un huissier pour le recouvrement de la créance;
Considérant que le premier Juge a rejeté comme mal fondée, la demande en distraction d'objets saisis présentée par Z., au motif que celui-ci ne produit au dossier aucun procès-verbal de la saisie attestant que les objets dont il est question ont été effectivement saisis;
Considérant que Z. a relevé appel de cette décision;
Considérant qu'à l'appui de son appel, il explique qu'en 1989, un entrepreneur béninois du nom de M. lui a demandé de l'accompagner au domicile de K., un lieutenant de police, qui pratiquait des prêts à usure;
Que M. a obtenu de celui-ci, un prêt d'un montant de 300.000 F avec intérêt de 25 %;
Que K. a demandé que ce soit lui, Z., qui signe la reconnaissance de dette en lieu et place du débiteur M.;
Que par naïveté, il a consenti à le faire et a été par la suite condamné à payer 375.000 F à K.;
Qu'en exécution de cette condamnation, une saisie a été pratiquée à son domicile;
Que, parmi les objets saisis, se trouvait le véhicule de marque NISSAN SUNNY immatriculé 991 CH 04 appartenant à une amie à lui;
Qu'ayant formulé une demande de distraction d'objets saisis, il ne comprend pas pourquoi le premier Juge a rejeté ladite demande, en lui reprochant de n'avoir pas produit au dossier un procès-verbal de la saisie contestée;
Qu'en effet, ledit procès-verbal se trouvait nécessairement au dossier de la procédure en première instance, car le Greffe ne peut pas enrôler un tel dossier si le procès-verbal de saisie n'y est pas joint;
Qu'en ce qui le concerne, il a fait toutes les diligences pour obtenir une copie dudit procès-verbal, mais en vain, car Maître AHOU Yao, l'Huissier qui a pratiqué la saisie, est en prison et ses collaborateurs ont été expulsés de leur lieu de travail, pour loyers impayés;
Que c'est donc à tort que le premier Juge en a décidé ainsi et que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions;
Considérant que l'intimé, quant à lui, reprend, pour l'essentiel, ses écritures de première instance;
SUR CE
Considérant que l'Acte uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement des créances et voies d'exécution précise, en ses articles 140 et 141, les personnes qui peuvent initier les actions en nullité et en distraction d'objets saisis;
Qu'aux termes précisément de l'article 140, c'est le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien qui peut en demander la distraction à la juridiction compétente;
Que le débiteur ne peut, aux termes de l'article 140, initier que l'action en nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire;
Qu'en l'espèce, Z., le débiteur saisi, qui dit que les biens saisis ne sont pas sa propriété, plutôt que de demander la nullité de la saisie, a demandé la distraction des objets saisis;
Que son action est donc irrecevable pour défaut de qualité;
Qu'il convient donc de la déclarer comme telle;
PAR CES MOTIFS
Vu l'arrêt civil contradictoire n° 46 du 14/03/2001 qui a déclaré recevable l'appel de ZOKO Boga Lazare régulièrement interjeté du jugement civil contradictoire n° 515 du 17/03/2000 rendu par le Tribunal de première instance de Bouaké;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Dit Z. bien fondé en son appel;
Infirme le jugement déféré en ce que le premier Juge a déclaré recevable l'action déférée en distraction d'objets saisis de Z. (qui est le débiteur saisi);
statuant à nouveau :
– Déclare irrecevable l'action en distraction d'objets saisis initiée par Z., pour défaut de qualité;
– Condamne Z.
– Président : M. N'GNAORE Kouadio.
Observations anonymes
Quelles sont les personnes susceptibles d'initier les actions en nullité et en distraction d'objets saisis, lorsque la contestation porte sur la propriété des biens saisis ?
L'arrêt de la Cour d'Appel de Bouaké a le mérite de clarifier, à travers les actions, les personnes qui peuvent initier les différentes actions, car de la réponse dépendra le sort de l'action.
En effet, selon la Cour, il n'y a pas à confondre l'action en distraction d'objet saisi, qui appartient au tiers qui se prétend propriétaire dudit bien, avec l'action en nullité de la saisie portant sur un bien. Cette seconde action appartient au débiteur saisi et non au tiers qui prétend être propriétaire du bien saisi. Ainsi, le tiers qui se prévaut de la propriété du bien objet de la saisie, ne peut demander la nullité de la saisie. Inversement, le débiteur saisi ne peut initier une action en distraction d'objet saisi, mais plutôt en nullité de la saisie.
La confusion est lourde de conséquence, car l'action sera déclarée irrecevable, pour défaut de qualité. Et les articles 140 et 141 de l'Acte uniforme portant organisation des voies d'exécution sont très explicites, et la confusion n'est pas permise.