J-02-98
procédure D’INJONCTION DE PAYER – opposition – non signification au greffier en chef de la juridiction ayant rendu l'ordonnance de condamnation – sanction – déchéance (oui).
Est irrecevable pour cause de déchéance l'opposition à injonction de payer qui n'a pas été notifiée au Greffier en chef de la juridiction ayant rendu l'ordonnance de condamnation, comme l'exige l'article 11 de l'Acte uniforme portant recouvrement simplifié de créance.
Article 11 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt n° 655/2000 du 16 mai 2001, Scierie d’Agnibilékrou c/W.N et H.S, Le JurisOHADA, CNDJ, n° 2/2002, avril-mai-juin, p. 31).
lA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs demandes, conformément à la loi;
Exposé du litige
Par une ordonnance d'injonction de payer rendue sous le N° 212/99 en date du 14 avril 1999, la Scierie d'Agnibilékrou et N.W. étaient condamnés à payer à H. S. la somme de 52.120.468 F;
Ladite ordonnance était, par la suite, confirmée sur opposition, motif pris de ce que ladite voie de recours était irrecevable;
Aussi, par acte d'huissier en date du 19 août 1999, la SCIERIE D'AGNIBILEKROU et W.N. relevaient alors appel du jugement n° 72 en date du 29 juillet 1999, rendu par le Tribunal de première instance d'Abengourou, à l'effet de voir la Cour d'Appel de céans;
L'annuler;
Après évocation, déclarer l'opposition à injonction de payer qu'ils avaient formulée recevable;
La dire bien fondée;
En conséquence, rétracter l'ordonnance d'injonction de payer N° 212/99;
Au soutien de leur acte d'appel, la SCIERIE D'AGNIBILEKROU et W.N. faisaient grief au jugement querellé, d'avoir dans un premier temps, violé les dispositions de l'article 106 du code de procédure civile, en ce que le Ministère Public n'avait pas pris de réquisition écrite dans la cause, alors que l'intérêt du litige excédait la somme de 25.000.000 F;
Après évocation, les appelants entendaient voir déclarer recevable l'opposition à injonction de payer qu'ils avaient formulée devant le Premier Juge;
En effet, selon eux, contrairement à la motivation retenue par la décision querellée, la signification de l'acte d'opposition au Greffier en chef de la juridiction qui avait statué ne devait nécessairement être faite dans le délai de 15 jours après la signification;
Pour justifier ledit moyen, ils soutenaient qu'en droit processuel, la recevabilité d'une action ne s'appréciait qu'à l'égard des parties au procès, en l'occurrence celles entre lesquelles se créait un lien d'instance;
Or, selon eux, le Greffe du Tribunal d'Abengourou n'était pas partie au procès qui les opposait à H. S.; ainsi, quand bien même la signification de l'opposition au Greffe dudit Tribunal était intervenue au-delà du délai de 15 jours imparti à l'article 11 de l'Acte uniforme sur le recouvrement de créance, il n'en demeurait pas moins que ladite voie de recours était recevable, d'autant que la partie adverse avait reçu sa signification dans le délai;
Sur le fond, les appelants faisaient valoir que la requête aux fins d'injonction de payer de H. S. comportait des irrégularités, dont la sanction donnait lieu à l'irrecevabilité de sa demande;
Selon eux, en effet, le requérant H. S. n'avait pas indiqué dans son acte, la forme de la société SCIERIE D'AGNIBILEKROU, sa dénomination, ainsi que son siège social, alors qu'il n'ignorait que ladite société était constituée sous la forme d'une société anonyme;
Bien plus, poursuivaient-ils, à aucun moment H. S., dans sa requête, n'avait indiqué le décompte du montant qu'il leur réclamait;
Ainsi, au vu de ce qui précédait, les appelants estimaient que H. S. avait, de la sorte, violé l'article 4 alinéa 2 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance;
Par ailleurs, ils invoquaient la nullité de l'ordonnance d'injonction de payer rendue à leur encontre pour violation de l'article 142 nouveau du code de procédure civile, dans la mesure où ladite décision ne comportait (pas) le nom et le prénom du Magistrat qui l'avait rendue;
En outre, ce ne fut (pas) à bon droit, selon eux, qu'ils avaient fait l'objet d'une condamnation solidaire, alors que la Scierie d'Agnibilékrou et W.N. avaient deux personnalités distinctes et que seule ladite SCIERIE était prétendument débitrice de H. S.;
Enfin, toujours sur le fond, les appelants entendaient contester l'existence même de la créance dont se prévalait l'intimé, d'autant que H. S. était un employé de ladite Scierie, ensuite les factures dont celui-ci se prévalait, reposaient sur des contrats qui n'avaient reçu l'accord du représentant légal de celle-ci;
Au demeurant, arguaient-ils, lesdites factures n'avaient à aucun moment, été présentées au paiement par H. S., et comportaient en leur sein, des contradictions telles que leur bien-fondé en était affecté;
En réponse, l'intimé H. S. concluait pour sa part, à la confirmation du jugement querellé;
Relativement au moyen de nullité dudit jugement pour violation de l'article 106 du code de procédure civile, l'intimé faisait remarquer qu'à aucun moment, l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance issu du Traite OHADA, n'avait exigé la formalité de communication des causes au Ministère Public;
S'agissant de la recevabilité de la requête qu'il avait présentée au Tribunal de Première Instance d'Abengourou, H. S. estimait que l'exigence tendant à l'indication des renseignements concernait la personne dont la condamnation était sollicitée, ne devrait (pas) être péremptoirement perçue;
En effet, selon lui, seuls les appelants étaient les mieux placés pour fournir lesdits renseignements, dans la mesure où sa débitrice se faisait indifféremment appeler tantôt SDA, tantôt Scierie d'Agnibilékrou W.N.;
Pour ce qui est de la précision de la forme sociale de ladite scierie, l'intimé relevait que son omission n'avait causé à celle-ci aucun préjudice;
En ce qui concernait le moyen d'appel tiré de la violation de l'article 142 du code de procédure civile, H. S. observait que l'ordonnance querellée qu'il avait en sa possession et qu'il produisait, comportait bel et bien l'indication du Magistrat qui l'avait rendue;
De fait, selon lui, la copie signifiée aux appelants était un extrait des minutes du Greffe établi suivant la procédure prévue par l'Acte uniforme régissant la matière;
Enfin, sur le moyen de fond tiré de la non-existence de la créance dont il se prévalait, l'intimé observait qu'aucune disposition légale n'interdisait à un employé de contracter avec la société au sein de laquelle il travaillait;
En l'espèce, il avait bel et bien offert ses prestations de services pour la mise à la disposition de la SDA, de véhicules de transport, ce qui, du reste, avait donné lieu à l'établissement de quatre contrats de location;
Au reste, poursuivait H. S., le conflit qui avait existé entre les responsables de la scierie d'Agnibilékrou ne lui était (pas) opposable, dès lors que les contrats qu'il avait conclus avaient été contresignés par un représentant légal de ladite société, à l'instar des factures qu'il avait émises;
Le Ministère Public, dans ses réquisitions écrites, concluait pour sa part, à la confirmation du jugement querellé;
SUR CE,
H. S. ayant régulièrement été intimé, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
Il n'a été produit au dossier aucun acte de signification de la décision querellée;
Ainsi, l'acte d'appel de la SDA et de W.N. a-t-il été entrepris dans les forme et délai légaux;
Il y a donc lieu de le déclarer irrecevable;
AU FOND
Sur la recevabilité de l'acte d'opposition de la sda et w. n. à l'ordonnance d'injonction de payer
Il résulte des dispositions de l'article 11 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance que l'opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l'opposition, de signifier son recours à toutes les parties et au Greffe de la juridiction ayant rendu la décision d'injonction de payer;
Il apparaît à la lumière des pièces produites au débat, que la SDA et W.N. ont signifié à H.S. leur acte d'opposition, le 19 mai 1999, après que l'ordonnance d'injonction de payer leur a été notifiée le 3 mai 1999;
Dans ledit exploit d'opposition, bien que le Greffier en chef de la juridiction ayant rendu l'ordonnance susvisée, a été visé, aucune notification ne lui a été adressée;
Ledit constat est corroboré par les écritures mêmes de la SDA et W.N. qui ont méconnu les dispositions du texte de loi plus haut cité, en ce que l'acte d'opposition a été non seulement entrepris dans des exploits séparés, mais également, à une date excédant le délai de 15 jours;
Le faisant, la SDA et W.N. ont méconnu les dispositions du texte de loi plus haut cité, en ce que l'acte d'opposition a été non seulement entrepris dans des exploits séparés, mais également, à une date excédant le délai de 15 jours imparti pour tous les destinataires, légalement désignés; ce n'est (pas) à juste titre, que le SDA et W.N. entendent opérer une distinction quant au délai de notification, de l'opposition, aux parties et au Greffe;
En effet, tous les destinataires de l'acte d'opposition énumérés à l'article 11 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance, doivent recevoir leur notification dans le même délai de 15 jours, sauf à faire application du délai de distance, ce qui, en l'espèce, en fut (sic) le cas pour le Greffier en Chef;
Ainsi, en déclarant irrecevable la SDA et W.N. en leur opposition pour cause de déchéance, le Premier Juge a statué en conformité avec la règle de droit, en sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement querellé;
Les appelants ayant succombé, il leur faut supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare la SDA et W.N. recevables en leur appel régulièrement relevé du jugement civil n° 72/99 en date du 29 juillet 1999, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abengourou;
AU FOND
– Les y dit mal fondées;
– Les en déboute;
– Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions.
– Président : M. KHOUADIANI Kouadio Kouakou Bertin.
Observations anonymes
Quelle est la sanction de la non-signification de l'opposition au Greffier de la juridiction qui a rendu la décision d'injonction de payer par l'opposant ?
En déclarant irrecevable l'opposition pour cause de déchéance, la Cour d'Appel a confirmé le jugement querellé.
En effet, selon la Cour, les opposants ont méconnu les dispositions pertinentes de l'article 11 de l'Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, en ce que l'acte d'opposition a été entrepris d'une part dans des exploits séparés, et, d'autre part, à une date excédant le délai légal imparti.
L'inobservation de cette obligation étant sanctionnée par la déchéance, l'action engagée par l'opposant ne peut être déclarée recevable. (Contra-T.P.I. Gagnoa, jugement n° 08 du 20 janvier 2000,Ohadata.J-02-102).
Ce qu'il faut relever, c'est que le Greffier en chef de la juridiction qui a rendu l'ordonnance a été visé dans l'exploit d'opposition. Mais aucune notification ne lui a été adressée. C'est dire que les opposants n'ont pas respecté leur obligation, comme le prévoit l'article 11 de l'Acte uniforme.
La sanction prévue par le législateur OHADA est salutaire, car elle permet d'éviter le dilatoire de la part du débiteur de mauvaise foi, tenté d'abuser des voies de recours édictées (cf. dans ce sens, BROU Kouakou Mathurin, La procédure d’injonction de payer en droit ivoirien : l’apport du droit OHADA, Revue de la recherche juridique. Droit prospectif. Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2001-2, p. 1153).