J-02-99
saisie conservatoire – motif – mauvaise foi du débiteur – recouvrement en péril – absence d'élément sérieux et objectif – rétractation de la saisie (oui).
L'autorisation de saisir le compte du débiteur doit être rétractée dès lors qu'aucun élément sérieux et objectif ne permet d'affirmer que le recouvrement de la créance est en péril.
Article 54 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt n° 690 du 30 mai 2000, MCA c/ STI et La Nationale, Le Juris-OHADA, CNDJ, n° 2/2002, avril-mai-juin, p. 35. – Ohada jurisprudences nationales, n° 1, p. 164).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
exposé DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit en date du 19 avril 2000, la Mutuelle Centrale d'Assurances dite MCA a relevé appel de l'ordonnance n° 1235 rendue le 6 avril 2000 par la juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan, qui en la cause a ordonné la mainlevée des saisies;
La Mutuelle Centrale d'Assurances dite MCA a rappelé au soutien de son appel, que suite à un incendie survenu le 6 février 1992 à l'usine UNICAO, elle a dû payer la somme de 147.665.255 frs;
Elle a ajouté qu'elle a assigné la société STI et son assureur la Nationale d'Assurances devant le Tribunal qui, par jugement avant-dire-droit du 11 décembre 1996, a déclaré la STI entièrement responsable du sinistre à hauteur de 125.585.555 frs et nommé un expert à l'effet d'évaluer la partie d'exploitation;
Ce jugement, poursuit-elle, a été confirmé par la Cour d'Appel qui, en plus, a retenu la garantie de l'assureur, la Nationale d'Assurances;
L'appelante explique que dans l'attente d'une décision définitive, elle a été autorisée à pratiquer saisie conservatoire sur les comptes de la Nationale d'Assurances;
Elle reproche au premier Juge d'avoir rétracté cette autorisation et estime que la mauvaise foi de la Nationale met en péril le recouvrement de sa créance;
Elle fait observer que c'est à tort que le juge des référés a rétracté l'ordonnance n° 999 du 14 mars 2000 l'autorisant à pratiquer saisie conservatoire; elle sollicite en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée;
La Nationale d'Assurances, pour sa part, fait remarquer que l'arrêt n° 1112 du 17 juillet 1998 n'a condamné ni la STI, ni elle-même à payer une quelconque somme d'argent;
Elle précise qu'elle avait proposé un échéancier parce qu'elle avait cru qu'elle était condamnée à payer une somme d'argent, ce qui n'est pas le cas;
Elle ajoute même que la question de sa garantie n'a pas été tranchée par les décisions déjà rendues;
Elle fait observer qu'en tout état de cause, la créance n'est pas en péril, d'autant qu'elle ne connaît aucune difficulté financière;
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
L'appelante sollicite l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la Nationale, au motif que celle-ci est de mauvaise foi et que le recouvrement de sa créance est en péril;
Cependant, aucun élément sérieux et objectif ne permet d'affirmer que ce recouvrement est en péril;
En statuant comme il l'a fait, le premier juge a fait une juste application des dispositions de l'article 54 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution du Traité OHADA;
Il convient de confirmer cette décision;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la Mutuelle Centrale d'Assurances en son appel;
AU FOND
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
Président : M. SEKA ADON Jean Baptiste.
Observations anonymes
A quelle condition une personne, dont la créance paraît fondée en son principe, peut-elle être autorisée à pratiquer une mesure conservatoire ?
C'est à cette question que devait répondre la Cour d'Appel. En l'espèce, il est reproché au premier juge d'avoir rétracté une autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de l'assureur, dont la garantie a été retenue dans le règlement d'un sinistre, motif pris de ce que la mauvaise foi de l'assureur met en péril le recouvrement de la créance.
En effet, selon l'appelante, l'intéressé (l'assureur) avait reconnu sa dette et proposé un échéancier qu'elle n'a pas respecté.
Il apparaît sans équivoque que l'appelante se prévaut de l'article 54 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qui ouvre cette possibilité, si le créancier justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement. Autrement dit, l'autorisation de pratiquer la saisie conservatoire des biens mobiliers corporels ou incorporels, en l'espèce des comptes du débiteur, peut être ordonnée par le juge si le recouvrement de la créance est en péril (cf. Anne-Marie Assi Esso. Commentaire de l'Acte uniforme portant organisation des voies d'exécution, in Juriscope. 1999, p. 735).
Y avait-il péril en l'espèce ?
En effet, l'intéressé, en l'occurrence la Compagnie d'Assurances, connaissait-elle des difficultés, notamment financières, de nature à mettre en péril la créance de l'appelante ?
Il semble qu'une réponse négative doit être donnée, en ce sens qu'aucun élément sérieux et objectif ne permet de l'affirmer, l'appelante, elle-même, ne pouvant donner le moindre indice susceptible de constituer la preuve des difficultés financières que rencontrerait la Compagnie d'Assurances.
Dès lors, c'est à bon droit que la Cour a confirmé le jugement entrepris qui a rétracté l'autorisation de pratiquer saisie conservatoire sur les comptes de la Compagnie d'Assurances.