J-03-01
SAISIE IMMOBILIERE – SAISIE D’IMPENSES IMMOBILIERES – DECISION STATUANT EN AUDIENCE EVENTUELLE SUR UN MOYEN FONDE SUR LA REGULARITE FORMELLE DE LA PROCEDURE – APPEL – CAUSES D’APPEL LIMITEES – RECEVABILITE (NON) – ARTICLE 300 AUPSRVE.
COMMANDEMENT TENDANT A SAISIE RELLE – DEFAUT DE VISA DU GOUVERNEUR – SOMMATION DE PRENDRE CONNAISSANCE DU CAHIER DES CHARGES.
Doit être déclaré irrecevable l’appel dirigé contre la décision par laquelle le juge des criées, en audience éventuelle, a statué sur les moyens tirés de la nullité du commandement pour défaut de visa du gouverneur et de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges, l’appel n’étant admis que contre les décisions qui ont statué sur le principe même de la créance ou sur les moyens de fond tirés de l’incapacité de l’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis.
Article 300 AUPSRVE
(Cour d’Appel de Dakar, Chambre civile et commerciale 1, arrêt n° 496 du 28 novembre 2000, Ibrahima Khalil Guèye c/ Abdourahmane Diop).
LA COUR
« Vu les pièces du dossier;
« Oui les parties en toutes leurs demandes;
« Après en avoir délibéré conformément à la loi ».
Considérant que par acte d’huissier du 12 juillet 2000, Ibrahima Khalil GUEYE a interjeté appel du jugement du 04 juillet 2000 du Tribunal Régional de Dakar qui, dans la cause l’opposant à Abdourahmane DIOP, a rejeté ses dires et dit que la vente des peines et soins saisis sur lui sera poursuivie à l’audience éventuelle d’adjudication du 29 août 2000;
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Considérant que par écritures en date du 02 août 2000, Abdourahmane DIOP a conclu à l’irrecevabilité de l’appel de Ibrahima K. GUEYE sur le fondement de l’article 300 de AU/PSRVE;
Considérant que, selon cet article, en matière de saisie immobilière, l’appel n’est recevable que contre les décisions qui ont statué sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis;
Considérant qu’à l’audience éventuelle du 04 juillet 2000, le juge des criées du Tribunal Régional de Dakar, dans la procédure opposant Ibrahima K. GUEYE à Abdourahmane DIOP, a statué sur des moyens tirés de la nullité du commandement pour défaut de visa du gouverneur de la Région de Dakar s’agissant de saisie d’impenses immobilières et de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges qui n’a pas indiqué la date exacte de l’audience d’adjudication puisqu’il y est seulement mentionné que celle-ci aurait lieu à l’audience de vacation du mois d’août 2000;
Considérant que de tels moyens n’étant pas fondés sur les catégories juridiques visées par l’article 300 susvisé et ne touchant qu’à la régularité formelle de la procédure, il y lieu de déclarer irrecevable l’appel de Ibrahima Khalil GUEYE;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de saisie immobilière, en appel et en dernier ressort;
« Déclare irrecevable l’appel de Ibrahima K. GUEYE;
« Le condamne aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 24 novembre 2000 séant au palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME & Mamadou DIAKHATE, conseillers et avec l’assistance de Maître Hélène DIOP, Greffier.
Et ont signé le Présent Arrêt
Le Président et le Greffier
Observations par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de droit,
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
En droit commun, les voies de recours ordinaires que sont l’appel et l’opposition sont ouvertes dans tous les cas sauf si la loi en dispose autrement.
Les voies de recours en matière de saisie immobilière sont soumises à un régime très particulier. Le législateur, soucieux de limiter les causes de retard, a adopté une démarche radicalement différente. En effet, l’opposition est proscrite alors que l’appel n’est ouvert que dans les seuls cas limitativement énumérés : décisions statuant sur le principe même de la créance et décisions statuant sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une partie, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis. C’est ce qui résulte de l’article 300 AU/RVE.
Par l’arrêt rendu le 28 novembre 2000, la Cour d’Appel de Dakar fait une exacte application de ces règles spéciales qui sont en marge des principes généraux du déroulement du procès civil.
Dans le cadre d’une procédure de saisie portant sur des impenses immobilières, la débiteur a déposé des dires tendant à faire juger qu’il y avait à la fois nullité du commandement (pour défaut de visa du gouverneur de la Région) et nullité de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges (pour défaut d’indication de la date exacte de l’audience d’adjudication).
Le tribunal ayant, au cours de l’audience éventuelle, rejeté les dires, le débiteur a fait appel. La Cour d’appel a déclaré l’appel irrecevable aux motifs que la décision attaquée ne fait pas partie de celles contre lesquelles l’appel peut être formé, suivant en cela l’intimé qui avait conclu à l’irrecevabilité de cette voie de recours. Cette décision doit être approuvée puisque l’Acte uniforme écarte l’appel lorsque la décision en cause a, comme c’est le cas en l’espèce, statué sur des incidents concernant la régularité formelle de la procédure.
La question qu’il faut se poser maintenant est de savoir quelle devrait être l’attitude de la juridiction d’appel si l’intimé n’avait pas conclu à l’irrecevabilité ? En d’autres termes, la juridiction d’appel avait-elle le pouvoir de relever d’office la fin de non-recevoir fondée sur l’absence d’ouverture de l’appel ?
L’Acte uniforme ne comportant aucune disposition relative à l’office du juge, il faut, à notre avis, appliquer les règles de droit commun. Or, en droit commun, la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’ouverture d’une voie de recours a un caractère d’ordre public et doit, de ce fait, être relevée d’office. C’est la solution qui a été retenue en France par la 2e Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 avril 1999 (D. 2000, 2e espèce p. 23, note Beaubrun).
Les règles spéciales prévues par l’article 300 précité ne s’appliquent cependant que dans la mesure où il s’agit d’un incident de saisie immobilière c’est-à-dire d’une contestation qui est née de la procédure de saisie ou qui s’y réfère et qui est de nature à exercer une influence immédiate et directe sur elle. Certes contrairement à la législation française, l’article 300 ne parle pas expressément de décision rendue en matière d’incidents (il parle de manière générale de décision en matière de saisie immobilière), mais sa place dans le chapitre 5 intitulé “Les incidents de la saisie immobilière” autorise une telle interprétation.