J-03-02
SAISIE IMMOBILIERE – TITRE EXECUTOIRE – ACTE NOTARIE – FORCE PROBANTE – PLEINE FOI DE LA CONVENTION QU’IL RENFERME (OUI) – ANNULATION – PROCEDURE INSCRIPTION DE FAUX (OUI).
SAISIE IMMOBILIERE – SOMMATION D’AVOIR A PRENDRE CONNAISSANCE DU CAHIER DES CHARGES. – SIGNIFICATION – FORMALITE – SOMMATION REÇUE AU DOMICILE DU SAISI – RESPECT (OUI).
SAISIE IMMOBILIERE – ADJUDICATION – SURSIS A LA VENTE – ARTICLE 4 DU CODE SENEGALAIS DE PROCEDURE PENALE – APPLICATION – PREUVE DE LA PLAINTE NON RAPPORTEE – REUNION DES CONDITIONS (NON).
COMMANDEMENT DE PAYER – SIGNIFICATION A DOMICILE – SIGNIFICATION A PERSONNE OBLIGATOIRE (NON) – NULLITE DE LA PROCEDURE (NON) – ARTICLE 254 AUPSRRVE.
Les actes établis par le notaire font pleine foi, en justice, de la convention qu’ils renferment entre les parties et leurs héritiers et leur annulation ne peut être poursuivie que par la procédure d’inscription de faux.
Doit être écarté le moyen de nullité fondé sur la violation de l’article 254 de l’AUPSRVE dès lors que la sommation d’avoir à prendre connaissance du cahier des charges a été reçue dans le domicile du saisi, les formalités prévues par ledit article devant être considérées comme observées avec la signification à domicile.
Le sursis à la vente ne pouvant être ordonné en application de l’article 4 du Code de pénale que si l’action publique est mise en mouvement, doit être rejeté le moyen du disant tendant à cette fin et fondé sur le dépôt d’une plainte dès lors que la preuve de cette plainte n’est pas rapportée.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n°1725 du 27 septembre 2000, Cheikh Gadiaga c/ Banque islamique du Sénégal.).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que suivant acte reçu au Greffe le 24 août 2001, la Banque Islamique du Sénégal dite BIS a saisi la juridiction de Céans afin de vendre le titre foncier n° 28.953/DG saisi sur Cheikh GADIAGA;
ATTENDU que les héritiers de Cheikh GADIAGA ont sollicité, à titre principal, l’annulation de la procuration du 10 juin 1998, la radiation du commandement et la main levée de l’hypothèque et, à titre subsidiaire, l’annulation de la procédure ou le sursis à la vente;
EN LA FORME
ATTENDU que par écritures en réponse, la BIS a soulevé l’exception d’irrecevabilité des dires aux motifs que les disants n’ont pas établi leur qualité d’héritiers de Cheikh GADIAGA;
ATTENDU qu’il y a lieu de souligner qu’en l’espèce, la qualité d’héritiers est suffisamment établie par l’expédition du jugement d’hérédité certifiée conforme par le greffier en Chef du tribunal départemental de Diourbel; qu’il s’ensuit que l’exception n’étant pas fondée, elle doit être rejetée;
ATTENDU que les dires présentés dans les formes et délais requis sont recevables.
AU FOND
Sur la nullité de la procédure fondée sur la nullité de la procuration du 10 juin 1998;
ATTENDU que les disants ont affirmé qu’il est fait mention dans la procuration que le 10 juin 1998, Cheikh GADIAGA a comparu devant le notaire alors qu’il était décédé depuis le 06/05/1997; qu’en conséquence ces mentions sont fausses et la procédure doit être annulée;
ATTENDU qu’en réponse la saisissante a estimé que les héritiers GADIAGA ne peuvent demander l’annulation de la procuration notariée que par la procédure de faux conformément au décret 79.1029 du 05/04/1979 fixant le statut des notaires;
ATTENDU qu’il résulte des dispositions de l’article 70 du texte précité que les actes établis par les notaires font pleine foi en justice de la convention qu’ils renferment entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayant cause; qu’il s’infère de l’article 2 du même texte que l’annulation ne peut être obtenue que par la procédure d’inscription de faux;
ATTENDU qu’il ressort de ce qui précède que le moyen fondé sur la nullité de la procuration doit être rejeté;
Sur la nullité de la procédure fondée sur la violation de l’article 254 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution;
ATTENDU que les disants ont fait observer que les poursuites sont dirigées contre Cheikh GADIAGA alors qu’aucun commandement ne lui a été signifié puisqu’il est décédé depuis le 06 mai 1997; que c’est en qualité de tiers occupant que Mamadou Kébé GADIAGA a reçu les actes signifiés; qu’en conséquence, les formalités de l’article 254 précité n’ont pas été observées;
ATTENDU qu’en réponse la saisissante a soutenu que l’Acte uniforme sur les voies d’exécution n’exige pas une signification à personne; que les héritiers ont affirmé avoir reçu les actes, que cette signification à domicile est suffisante;
ATTENDU qu’il ressort de l’acte du 24 août 2001 que la sommation de prendre connaissance du cahier des charges a été reçue au domicile de Cheikh GADIAGA; qu’il s’ensuit que les formalités de l’article 254 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution ont été observées; qu’en conséquence le moyen d’annulation invoqué doit être rejeté;
SUR LE SURSIS A LA VENTE
ATTENDU que les héritiers GADIAGA ont estimé qu’il doit être sursis à la vente aux motifs que Mamadou GADIAGA a déposé une plainte contre le notaire et la dame Fatou GUEYE;
ATTENDU que la BIS a fait observer que les conditions d’application à la règle tirée de l’article 4 du code de procédure pénale ne sont pas réunies; qu’elle a indiqué que la preuve de la plainte n’est pas rapportée et qu’il n’y a pas identité de parties puisque l’action pénale est dirigée contre d’autres personnes :
ATTENDU qu’il ressort des dispositions de l’article 4 du code de procédure pénale et 70 du décret 79.1029 du 05 novembre 1979 fixant le statut des notaires que le sursis ne peut être accordé que s’il y a mise en mouvement de l’action publique;
ATTENDU qu’en l’espèce, la preuve de la plainte n’est pas rapportée, qu’il échet de rejeter ce moyen;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière de Criées et en premier ressort;
EN LA FORME
« Déclare les dires recevables;
AU FOND
« Les déclare mal fondés
Renvoie la cause et les parties à l’audience d’adjudication du 13 novembre 2001.
ET ont signé le Président et le Greffier.
Observations par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
L’article 336 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution comporte la formule d’abrogation la plus radicale (V. Issa Sayegh , La portée abrogatoire des Actes Uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats parties, Revue Burkinabé de Droit, n°5, 2001, p. 51). D’après ce texte, « le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties ».
En ne se contentant pas d’abroger, comme dans les autres textes, les dispositions contraires du droit interne, mais en abrogeant toutes les dispositions ayant le même objet, cet article conduit à faire de l’Acte uniforme un ensemble complet qui se suffit à lui-même.
Il ne faut cependant pas exagérer la portée de cette abrogation. Si les règles de procédure prévues dans cet Acte Uniforme sont les seules à pouvoir s’appliquer aux voies d’exécution, il n’en demeure pas moins que les principes fondamentaux de la procédure appelés principes directeurs du procès et consacrés dans les Codes de procédure continuent à s’appliquer en la matière. Ces principes semblent avoir été méconnus par le tribunal régional de Dakar dans le jugement ci-dessus rapporté.
Une procédure de saisie immobilière étant engagée contre une caution hypothécaire, les héritiers de celle-ci ont déposé des dires dans lesquels ils font valoir que la procédure doit être annulée puisqu’il est fait mention, dans une procuration du 10 juin 1998, que ladite caution a comparu devant le notaire alors que celle-ci était décédée depuis le 6 mai 1997, donc un an auparavant.
En décidant que le moyen fondé sur la nullité de la procuration doit être rejeté, aux motifs que les actes établis par les notaires font pleine foi de la convention qu’ils renferment entre les parties contractantes et leurs héritiers et que leur annulation ne peut être obtenue que par la procédure d’inscription de faux, le tribunal a modifié l’objet de la demande en violation du principe dispositif qui veut que le juge statue dans la limite des conclusions des parties. En effet, au lieu de répondre au moyen dont il était saisi (nullité de la procédure en raison de l’inexactitude des mentions), le tribunal a rejeté le dire en déclarant non fondé un moyen dont il n’était pas saisi (la nullité de l’acte notarié). Il ne faut pas perdre de vue que, dans cette affaire, les disants ne demandaient pas la nullité de l’acte notarié, mais celle de la procédure de saisie en contestant le contenu de l’acte notarié qui est argué de faux.
Il faut souligner, au passage, que le tribunal semble confondre la procédure d’inscription de faux et la procédure tendant à faire déclarer nul un acte notarié. La procédure d’inscription de faux n’a pas pour finalité, comme semble le dire le tribunal, l’annulation de l’acte notarié; elle est plutôt destinée à faire la preuve que les énonciations correspondant aux constations personnellement effectuées par le notaire ne sont pas l’expression de la vérité.
Le tribunal a également violé le principe dispositif en se prononçant sur la validité de la signification de la sommation d’avoir à prendre connaissance du cahier des charges alors que les disants invoquaient la nullité du commandement.
Ces errements se justifient certainement parce qu’à l’époque le Code de procédure civile ne déterminait pas avec précision le rôle respectif du juge et des parties dans la délimitation de la matière litigieuse.
Cette lacune est aujourd’hui comblée avec l’adoption du Décret n° 2001-1151 du 31 décembre 2001 (J.O.R.S n° 6052 du 22 juin 2002 p. 1288) qui a ajouté au Code de procédure civile de nouvelles dispositions dont certaines sont consacrées aux principes directeurs du procès civil (les articles 1-4 à 1-6 nouveaux).