J-03-09
SAISIE IMMOBILIERE – DIRES – COMMUNICATIONS A L’ADVERSAIRE – DELAI – DETERMINATION (NON) – COMMUNICATION LA VEILLE DE L’AUDIENCE – VIOLATION DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE (NON) – EXCEPTION DE COMMUNICATION DE PIECES – REJET.
SAISIE D’IMPENSES IMMOBILIRES – CONDITIONS – POURSUITES FONDEES SUR UNE PROMESSE DE NANTISSEMENT OU GAGE PORTANT SUR DES IMPENSES IMMOBILIERES – NULLITE – (OUI).
L’article 272-1 de l’AU/ PSVRE n’ayant prévu aucun délai pour l’échange des dires des conclusions, il y a lieu de rejeter l’exception de communication de pièces dès lors que l’adversaire du disant avait la latitude de prendre connaissance des dires déposés au greffe au moins 15 jours avant et qu’il n’a pas contesté en avoir reçu connaissance la veille de l’audience.
Les impenses immobilières ne pouvant faire l’objet de nantissement, encore moins de gage, des poursuites qui se fondent sur une promesse de nantissement ou de gage portant sur de telles impenses doivent être annulées.
(Tribunal Régional hors classe de Dakar, jugement n° 1.651 du 27 septembre 2000, Moustapha Gaye c/ Banque Islamique du Sénégal).
LE TRIBUNAL STATUANT SUR LES DIRES
ATTENDU que par écritures en date du 07 septembre 2000 reçues au greffe du Tribunal de céans le 11 septembre 2000, Moustapha GAYE a déposé des dires pour s’opposer à la vente prévue le 14 novembre 2000, du permis d’occuper n° 16.665 du lot n° 770 lui appartenant et saisi par la banque islamique du Sénégal dite B.I.S;
SUR L’EXCEPTION DE NON COMMUNICATION DE PIECES
ATTENDU qu’in limine litis, la défenderesse a soulevé l’exception de non communication sur la base de l’article 272 aux motifs que les dires ne lui ont pas été communiqués;
QU’il y a eu violation du principe contradictoire
QUE les dispositions de l’article précité étant d’ordre public, elle sollicite que les dires déposés par Me BA soient écartés;
ATTENDU qu’en réponse, le demandeur a rétorqué que les dires sont déposés au Greffe du Tribunal en double exemplaire;
QUE cela non seulement a été fait mais en plus, il a communiqué les dires une deuxième fois à la B.I.S, la veille de l’audience;
ATTENDU que l’article 272-1 de l’AU/ PSRVE dispose que les « dires et observations sont jugés après échange de conclusions motivées des parties, qui doit être effectué dans le respect du principe du contradictoire »;
ATTENDU qu’en l’espèce, la B.I.S avait la latitude de prendre connaissance des dires déposés au greffe depuis le 11 septembre 2000 au moins 15 jours avant l’audience;
Qu’elle n’a pas non plus contesté avoir reçu communication la veille de l’audience (le matin du jour d’audience);
ATTENDU qu’ainsi le principe du contradictoire a été respecté même si la communication s’est faite avec une certaine tardiveté;
QU’IL échet de rejeter l’exception comme mal fondée;
ATTEDNDU que les dires ont été déposés conformément aux forme et délai prévus par l’article 270-3 de l’AU/ PSRVE; qu’il échet de les déclarer recevables;
AU FOND
ATTENDU que pour parvenir à l’annulation de la vente le sieur GAYE a soulevé dans ses dires cinq arguments :
– le défaut de qualité à agir de la B.I.S;
– la prescription de la créance;
– la déchéance de l’article 266-2 de l’AU/ PSRVE;
– l’illégalité de la promesse de nantissement ou de gage;
– le défaut de visa du conservateur sur le commandement valant saisie réelle et l’absence de celui-ci au moment du dépôt du cahier des charges;
I. SUR LA QULITE A AGIR DE LA BIS
ATTENDU que le demandeur a soutenu que dans les différents actes d’huissier, la BIS dit être dénommée anciennement Massraf Fayçal Al Islami (MFAI);
Qu’à aucun moment, il n’a reçu notification du changement de dénomination de la société MFAI;
QUE la BIS a l’obligation légale de justifier sa qualité pour agir au nom de M.F.A.I.
ATTENDU qu’il résulte des pièces versées au dossier, notamment de l’acte d’ouverture de crédit avec nantissement, que la BIS était anciennement dénommée Massraf Fayçal Al Islami;
QU’il y a lieu de rejeter ce moyen comme mal fondé
II. SUR LE NANTISSEMENT
ATTENDU que le demandeur a soutenu que le gage ou nantissement fait sur les impenses immobilières est nul aux motifs que les dispositions des articles 48 et 46 de l’AU/ PSRVE s’y opposent;
ATTENDU que la BIS n’a pas déposé de dires en réponse;
ATTE NDU qu’il y a lieu d’abord de préciser qu’au regard de l’article 150 de l’Acte Uniforme sur les sûretés, la garantie offerte en 1986 reste soumise aux règles du Code des Obligations Civiles et Commerciales jusqu’à son extinction;
QUE l’appréciation de sa validité devra se faire sur la base desdites règles;
ATTENDU que l’article 872 du COCC a limitativement énuméré les catégories pouvant faire l’objet de nantissement;
QU’il s’agit des véhicules, de l’outillage et du matériel professionnel et des stocks de marchandises;
QU’au regard de ce texte, les impenses ne peuvent faire l’objet de nantissement, encore moins de gage;
ATTENDU qu’en l’espèce, les poursuites se fondent sur une promesse de nantissement ou gage portant sur des impenses immobilières;
Qu’il y a lieu de dire et juger que cette garantie n’est pas valable et d’annuler les poursuites;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière de criée et en premier ressort;
EN LA FORME
REJETTE l’exception de non communication de pièces ,
DECLARE les dires recevables;
AU FOND
ANNULE les poursuites;
AINSI fait, jugé, et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus;
ET ont signé le président et le Greffier.
Observations par Ndiaw DIOUF,
Agrégé des Facultés de droit,
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA),
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
Ce jugement du tribunal Régional hors classe de Dakar attire l’attention en ce qu’il apporte un éclairage nouveau sur une question controversée, celle des nantissements des impenses immobilières.
Les faits qui ont donné lieu à ce jugement sont relativement simples. La Banque Islamique du Sénégal avait déclenché une procédure d’expropriation forcée d’un immeuble faisant l’objet d’un permis d’occuper et sur lequel avaient été réalisées des impenses consistant en trois chambres, une chambrette, un salon, une cuisine et une salle de bain.
Le saisi a déposé des dires pour faire juger que la procédure de vente est nulle. Il invoque entre autres moyens, la nullité du gage s’appuyant sur les dispositions de l’article 872 du COCC déclaré applicable compte tenu de la date de la sûreté consentie en 1986, le Tribunal rappelle à juste raison que les impenses immobilières ne peuvent faire l’objet de nantissement.
La solution serait exactement la même si la décision était intervenue sous l’empire de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés.
Toutefois, la conséquence que le tribunal tire de sa constatation ne paraît pas satisfaisante. En effet, le Tribunal semble dire que le nantissement n’étant pas possible sur les impenses immobilières, les poursuites qui se fondent sur une promesse de nantissement ou de gage portant sur des impenses immobilières sont nulles.
C’est comme si la validité d’une saisie d’impenses était subordonnée au caractère de la créance. Pourtant, il a toujours été admis que le caractère chirographaire d’une créance n’enlève pas à son titulaire le droit de poursuivre l’expropriation forcée d’un immeuble (voir sur cette question Assi – ESSO et Ndiaw DIOUF, Ohada - Le Recouvrement des créances, Bruylant, Collection Droit Uniforme Africain, Bruxelles 2002 n° 435, p. 193). Dès lors, si seule la sûreté est contestée, les poursuites pourront être valablement engagées, puisque le créancier pourra toujours les exercer en qualité de créancier chirographaire. Il sera certes possible de lui opposer les dispositions de l’article 28 alinéa 2, qui prévoient que « Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie d’abord sur les biens meubles et, en cas d’insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles », mais c’est un autre problème.