J-03-10
SAISIE IMMOBILIRE – ADJUDICATION – COMPETENCE – CLAUSE DONNANT COMPETENCE A UN NOTAIRE – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL –CONSEQUENCE – NULLITE DES POURSUITES.
ARTICLE 96 DU CODE SENEGLAIS DES OBLIGATIONS CIVILES ET COMEMRCIALES.
Article 267 AUPSRVE
Article 270-3 AUPSRVE
Article 276 AUPSRVE
Article 287 AUPSRVE
Il y a lieu d’annuler les poursuites pour violation d’une clause substantielle du contrat ainsi que des articles 96 et suivants du COCC et 267 AU/RVE lorsque le saisissant, face à une stipulation prévoyant que l'expropriation aura lieu par devant notaire, saisit le tribunal.
(Tribunal Hors classe de Dakar jugement n° 1.653 du 27 septembre 2000, Emmanuel Senghor c/ BICIS).
LE TRIBUNAL STATUANT SUR LES DIRES
ATTENDU que par écritures en date du 21 septembre 2000, reçues au Greffe du Tribunal de céans le même jour, Emmanuel SENGHOR & Colette DIOKH ont déposé des dires pour s’opposer à la vente prévue le 14 novembre 2000 du T.F. n° 19.971/DG, saisi sur le sieur SENGHOR, à la requête de la BICIS;
ATTENDU que les dires ont été déposés conformément aux forme et délai prévus par l’article 270-3 de l’AU/PSRVE; Qu’il échet de les déclarer recevables;
ATTENDU que les demandeurs ont sollicité à titre principal, l’annulation des poursuites pour incompétence rationae temporis du Tribunal de céans, la nullité du commandement valant saisie réelle du 1er avril 2000, la nullité de la sommation d’avoir à prendre connaissance du cahier des charges et l’extinction de la dette du débiteur principal et à titre subsidiaire, la remise de l’audience pour cause grave et justifiée;
SUR L’INCOMPETENCE
ATTENDU que, sur ce point, les demandeurs ont soutenu qu’il résulte de l’acte de crédit des 09 et 10 janvier 1992, en son article 6, que les parties ont expressément convenu que l’expropriation du T.F n° 12.971/DG sera poursuivie par devant notaire;
QU’il s’agit là d’une prorogation conventionnelle de compétence admise en droit processuel et qui a pour effet de soustraire la présente procédure à la compétence de droit commun du Tribunal des criées de Dakar;
QUE cette incompétence entache la régularité de tous les actes de poursuites notamment le cahier des charges en ce qu’ils visent une juridiction autre que celle choisie par les parties (Article 287 de l’AU/ PSRVE);
ATTENDU qu’après avoir relevé l’impropriété de la notion d’incompétence ratione temporis, la BICIS a soutenu qu’en raison de la matière (compétence ratione materiae), les parties ne peuvent pas, par leur convention, proroger la compétence;
QUE la BICIS conclut au rejet du moyen soulevé;
ATTENDU que, contrairement aux allégations de la BICIS, l’AU/ PSVRE a prévu la vente par devant notaire, comme cela résulte clairement des dispositions des articles 267 et 276 qui parlent de vente devant le Tribunal territorialement compétent ou devant le notaire convenu;
ATTENDU qu’en vertu de l’article 96 du COCC, le contrat est la loi des parties;
QUE l’article 267 de l’AU/ PSVRE prévoit qu’à peine de nullité, le cahier des charges doit contenir la désignation du Notaire convenu;
ATTENDU qu’en l’espèce, il était clairement spécifié dans l’acte notarié que la vente devait se faire devant Maître Daniel Sédar SENGHOR;
Qu’ en décidant de procéder à la vente devant le Juge, la BICIS a violé non seulement les clauses de son contrat mais également les dispositions de l’article 96 du COCC et 267 de l’AU/ PSRVE;
Qu’il y a lieu, en conséquence, d’annuler les poursuites pour violation d’une clause substantielle du contrat et des textes précités;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière de criées et en premier ressort;
EN LA FORME
DECLARE les dires recevables
AU FOND
ANNULE LES POURSUITES;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ont signé le Président et le Greffier.
Observations par Ndiaw DIOUF,
Agrégé des Facultés de droit,
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA),
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
La vente par expropriation forcée des immeubles a fréquemment lieu à la barre du tribunal en la forme des criées. Cependant, il ne faut pas déduire de cette fréquence une compétence exclusive du juge des criées.
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a également donné compétence, en la matière, au notaire. Il prévoit en effet la possibilité de convenir que la vente sera effectuée en l’étude d’un notaire.
C’est ce que rappelle le tribunal régional hors classe de Dakar dans l’affaire qui a donné lieu au jugement ci-dessus reproduit.
A la suite d’une saisie immobilière engagée devant le tribunal, le débiteur a déposé des dires tendant à faire juger que la nullité est encourue comme conséquence de l’incompétence du juge des Criées en raison de l’existence d’une convention prévoyant expressément que la vente sera poursuivie par devant notaire.
Le tribunal a donné gain de cause au débiteur sur le fondement du principe de la force obligatoire des contrats. Selon cette juridiction, en décidant de procéder à la vente devant le juge, alors qu’il est spécifié, dans l’acte notarié d’ouverture de crédit, que la vente devait se faire devant notaire, le créancier saisissant a violé non seulement les clauses du contrat mais aussi les dispositions de l’article 96 du Code sénégalais des obligations civiles et commerciales (qui prévoit que le contrat légalement formé crée un lien irrévocable entre les parties) et de l’article 267 de l’AU/ RVE.
L’Acte uniforme n’indique pas la forme que peut prendre la convention permettant de donner compétence au notaire, contrairement aux dispositions aujourd’hui abrogées de certains Codes de procédure civile.
L’article 493 du Code sénégalais de procédure civile avait prévu (comme l’article 211 de l’ancien Code malien de procédure civile) la possibilité pour les parties de convenir, soit dans l’acte constitutif de l’hypothèque, soit dans un acte postérieur, à la condition que cet acte soit publié, que la vente de l’immeuble aura lieu par le ministère d’un notaire commis par simple ordonnance du président du tribunal où les biens sont situés (Voy sur cette question Youssoupha NDIAYE, Encyclopédie Juridique de l’Afrique, NEA, 1982, page 288).