J-03-100
BANQUEROUTE SIMPLE ET FRAUDULEUSE – COMPLICITE – COMMERCANT AYANT ORGANISE DE CONCERT AVEC SA FAMILLE SON INSOLVABILITE – LES SOMMES VERSEES A LA MERE SONT DES REMBOURSEMENTS DE PRETS – ABSENCE DE SITUATION DE CESSATION DE PAIEMENT – PROCES VERBAL DE CARENCE SUR LES BIENS.
INAPLICATION DE L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES LES FAITS ETANT POSTERIEURS – PREUVE DE LA QUALITE DE COMMERCANT PAR TOUT MOYEN.
Est commerçant de par ses activités, lorsque cette qualité résulte de façon implicite des déclarations du prévenu et des pièces de procédure, notamment la décision correctionnelle et la requête aux fins de défense à exécution provisoire.
La condamnation de banqueroute simple ou frauduleuse peut être prononcée même si la cessation de paiement n’a pas été constatée judiciairement.
Le fait de se trouver devant l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et de n’avoir pas fait sa déclaration de cessation de paiement dans les trente jours sans excuse légitime est une omission constitutive du délit de banqueroute simple.
Les commandements de payer de sommes dues en vertu de reconnaissances de dettes qui, à l’analyse, sont fictives puisque ne correspondant à aucun élément du patrimoine ou de l’activité à titre de contrepartie sont constitutifs d’un concert frauduleux manifeste de s’être frauduleusement reconnu débiteur de sommes non dues
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement du 4 décembre 2001, Ministère public et héritiers Yally FALL contre Cheikh Talibouya DIBA, Mané DIENG et Astou FALL).
TRIBUNAL RÉGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Audience publique du 04 décembre 2001
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï le prévenu DIBA en son interrogatoire;
Ouï les parties civiles en leurs conclusions, le Ministère Public en ses réquisitions;
Le prévenu DIBA et ses défenseurs en leurs moyens de défense;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte en date du 13 juin 2001, les héritiers de feu Yally FALL, à savoir Saër FALL, Ndèye Coumba NDIAYE, Samba FALL, Oumou Khayri FALL, Coumba FALL, Marième FALL, Khady FALL, El Hadj Salla FALL, Awa NDIAYE, Ndiogou NDIAYE, Aïssatou NDIAYE, Awa NDIAYE, Diodio NDIAYE, Matar NDIAYE, Massamba NDIAYE et Demba NDIAYE ont cité devant le Tribunal de céans, Cheikh Talibouya DIBA, des chefs de banqueroutes simple et frauduleuse, et Mané DIENG et Astou FALL, des chefs de complicité de ces délits, infractions prévues et punies par les articles 227 et 228 de l’Acte Uniforme, 45, 46 et 376 du code pénal;
Attendu qu’il y a lieu de statuer par défaut réputé contradictoire à l’égard de Mané DIENG et Astou FALL, qui n’ont pas comparu bien que citées à personne;
AU FOND
SUR L’ACTION PUBLIQUE
Attendu que les plaignants ont fait soutenu que Cheikh Talibouya DIBA, commerçant de son état, condamné par le Tribunal correctionnel à leur payer la somme de 35.000.000 F, a, de concert avec sa mère Mané DIENG et son épouse Astou FALL, organisé son insolvabilité en détournant son actif, ainsi que l’établit le procès-verbal de carence en date du 22 juillet 2000;
Attendu que DIBA a soutenu que son épouse n’est pas prénommée Astou mais plutôt Ndèye; que les sommes versées à sa mère constituent un remboursement de prêt; qu’il n’est pas en cessation de paiements et s’emploie à payer ses dettes;
Attendu que les conseils de DIBA ont soutenu que la question de la qualité de commerçant de DIBA est préjudiciable.
Que la cessation des paiements ne peut être établie que par le juge civil;
Que les textes de l’OHADA ne s’appliquent pas aux faits, pour leur être postérieurs;
Attendu que la qualité de commerçant se prouve par tout moyen;
Attendu qu’il ressort, d’une part, de façon implicite des déclarations de DIBA et des pièces de la procédure, notamment le jugement correctionnel précité et la requête aux fins de défense à exécution provisoire du 24 juillet 2000, que le prévenu est commerçant par ses activités;
Attendu que l’article 32 de l’Acte Uniforme sur les procédures collectives dispose : « une condamnation pour banqueroute simple ou frauduleuse (……) peut être prononcée, même si la cessation des paiements n’a pas été constatée dans les conditions prévues par le présent Acte Uniforme »;
Attendu qu’à la date du 18 juillet 2000, DIBA a reçu commandement de payer la somme due en vertu du jugement correctionnel;
Qu’antérieurement, procès-verbal de carence avait été dressé;
Que DIBA se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible;
Qu’il aurait dû dès lors, dans le délai de (30) trente jours, faire sa déclaration de cessation des paiements;
Que cette omission, sans excuse légitime, le rend coupable du délit de banqueroute simple;
Attendu que DIBA a reçu commandement de payer :
– à Mané DIENG, la somme de 32.650.000 FCFA due depuis le 05 janvier 1993, suivant reconnaissance de dette;
– à Astou FALL, la somme de 5.600.000 FCFA, suivant reconnaissance de dette en date du 08 janvier 1992;
Attendu qu’à l’analyse, ces dettes sont fictives puisque ne correspondant à aucun élément du patrimoine ou de l’activité de DIBA à titre de contrepartie; que le concert frauduleux est ainsi manifeste;
Attendu que l’article 229 de l’Acte Uniforme punit le fait de s’être frauduleusement reconnu débiteur de sommes non dues;
Qu’il y a lieu de déclarer les prévenus coupables de banqueroute frauduleuse et complicité;
Attendu qu’il y a lieu de condamner DIBA à 6 mois avec sursis, Mané DIENG et Astou FALL à 2 mois avec sursis chacune;
Attendu qu’il y a lieu de condamner solidairement les prévenus à payer aux héritiers FALL, la somme de cinq millions à titre de dommages intérêts, sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu qu’il y a lieu de fixer la contrainte par corps au minimum et de condamner les prévenus aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut réputé contradictoire à l’égard de Mané DIENG et Astou FALL, contradictoirement à l’égard des autres parties, en matière correctionnelle et en premier ressort;
– Déclare Cheikh Talibouya DIBA coupable de banqueroute frauduleuse et de banqueroute simple;
– Le condamne à six mois avec sursis;
– Déclare Mané DIENG et Astou FALL coupables de complicité de banqueroute frauduleuse;
– Les condamne chacune à 2 mois avec sursis;
– Condamne Cheikh DIBA, Mané DIENG et Astou FALL à payer aux héritiers FALL la somme de cinq millions de francs à titre de dommages intérêts;
– Ordonne l’exécution provisoire;
– Fixe la contrainte par corps au minimum;
– Condamne les prévenus aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.