J-03-106
PROCEDURES COLLECTIVES – LIQUIDATION JUDICIAIRE (AUJOURD’HUI LIQUIDATION DES BIENS) – JUGEMENT DE CLÔTURE DES OPERATIONS DE LIQUIDATION – APPEL CONTRE LE JUGEMENT DE CLÔTURE POUR PRETENDUES VIOLATIONS GRAVES DE LA LOI – NON COMPARUTION NI CONCLUSIONS DE L’APPELANT – CONFIRMATION DU JUGEMENT DE CLÔTURE.
Article 147 AUPCAP
Article 169 AUPCAP
Article 170 AUPCAP
Article 183 AUPCAP
Doit être confirmé le jugement de clôture d’une procédure de liquidation judiciaire dont il a été fait appel pour plusieurs prétendues violations graves tant du code des activités économiques que de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif si l’appelant ne comparaît pas ni ne prend de conclusions
(Cour d’appel de Conakry, arrêt n° 267 du 10 décembre 2002, Société Bablexim c/ Société COGIP S.A).
République de Guinée
Cour Suprême de Guinée
Cour d’Appel de Conakry
Chambre Présidentielle
Audience du 10 décembre 2002
Affaire : Société BABLEXIM
c
Société COGIP S.A.
Le dix décembre deux mil deux, la Cour d’Appel de Conakry, Chambre Présidentielle, statuant en matière de liquidation judiciaire, a rendu l’arrêt contradictoire suivant, prononcé en audience publique;
La cause ayant été débattue en audience publique et mise en délibéré, pour arrêt être rendu le 10/12/2002;
DEVANT :
– Mme Hadja Aïssatou TOURE, Premier Président de la Cour d’Appel de Conakry, Présidente;
– Mr Zouty Zaoro BEAVOGUI, Conseiller;
– Mr Hassane II DIALLO, Conseiller;
En présence de Monsieur Amara DOUKOURE, Substitut Général près la Cour d’Appel de Conakry;
Avec l’assistance de Maître Mamadou SOUMAH, Greffier à ladite Cour;
Et ces mêmes Magistrats en ayant délibéré, conformément à la loi, hors la présence du Ministère Public et du Greffier, dans la cause :
ENTRE :
La Société BABLEXIM,
APPELANTE;
Et comparante à l’audience par l’organe de son Conseil Maître Charlotte LAURENCE, Avocat à la Cour;
D’UNE PART;
ET :
La Société COGIP-SA, ayant son siège social au Port Autonome de Conakry,
INTIMEE;
Comparante à l’audience par l’organe de son Conseil Maître Mounir HOSSEIN Mohamed, Avocat à la Cour;
D’AUTRE PART;
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï le Conseiller en son rapport;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Ouï le Ministère Public en ses observations;
Considérant que dans la cause en liquidation judiciaire sollicitée par la Société COGIP, le Tribunal de Première Instance de Conakry, en son audience du 13 juillet 2001, a rendu le jugement N° 213 dont le dispositif est ainsi libellé :
« Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant en premier ressort :
– Prononce la clôture de la procédure de liquidation de la Compagnie Guinéenne des Produits de la Mer dite COGIP, société anonyme au capital de un (1) milliard de francs guinéens, dont le siège social est au Port Autonome de Conakry, B.P. 4371, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Conakry, sous le N° 89A-0379/TPI/CKRY/89 du 23 septembre 1989 sur le rapport en date du 12 juillet 2001 du Syndic liquidateur, Mr Antoine Hadjimalis SYLLA, Expert Comptable agréé, rapport que le Tribunal adopte pour être exécuté selon ses forme et teneur;
– Dit que le présent jugement sera notifié en extrait à tous les créanciers et à tous intéressés, par les soins du Greffier en chef et par lettres ordinaires;
– Met les dépens en frais privilégiés de liquidation;
Jugement prononcé par Mr. Fodé BANGOURA, vice-Président du Tribunal, assisté de Maître Alsény FOFANA, Greffier d’audience.
Considérant que par acte en date du 17 juillet 2001, reçu au Greffe du Tribunal de céans le 19 juillet 2001, la Société BABLEXIM, par l’organe de son Conseil Maître Charlotte LAURENCE, Avocat à la Cour, a interjeté appel du jugement N° 213 du 13 juillet 2001;
EN LA FORME
Considérant que cet appel doit être recevable en la forme, dès lors qu’il a été interjeté dans les forme et délai légaux;
AU FOND
I.- FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que la Société BABLEXIM expose qu’elle est créancière de la Société COGIP-SA, de la somme de 4.182.719.165 FG;
Que cette créance résulte de plusieurs transactions commerciales, notamment d’un protocole d’accord du 30 octobre 1997;
Que par jugement N° 318 du 14 décembre 2000, le Tribunal de Première Instance de Conakry a prononcé la liquidation judiciaire de la Société COGIP-SA, et que Mr. Charles Victor MAKA a été désigné Juge Commissaire et mr. Antoine Hadjimalis SYLLA, Syndic Liquidateur;
Qu’à la grande surprise des créanciers, le rapport du Syndic Liquidateur sur l’état des opérations de liquidation a été déposé et validé par le Tribunal, sans avoir été communiqué ni discuté par les créanciers;
Que les opérations de liquidation ont été clôturées et validées par le jugement contre lequel appel est interjeté, sans information des créanciers, non appelés ni entendus à la procédure, contrairement aux énonciations de la décision;
La Société BABLEXIM, continuant son exposé, ajoute qu’elle relève également de nombreuses irrégularités, notamment la violation des Actes Uniformes de l’OHADA et celle de nombreuses dispositions du code des activités économiques portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif;
Qu’il y a eu violation de l’article 1557 du code des activités économiques et 169 alinéa 1 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, ainsi que des articles 170, 147, 183 alinéa 1 dudit Acte Uniforme;
Qu’en conséquence, la Société BABLEXIM demande d’infirmer en toutes ses dispositions, le jugement N° 213 querellé; d’annuler les cessions d’actifs effectuées par les dirigeants de la Société COGIP-SA au profit de la Société COTRAGUI;
Qu’elle demande également de réintégrer dans le patrimoine de la Société COGIP, toutes les cessions d’actifs effectuées depuis le 30 octobre 1997;
Qu’elle demande enfin de dire et juger que les dirigeants de la Société COGIP ont commis des fautes graves de gestion et qu’en vendant les actifs de la société, ils ont organisé l’insolvabilité de ladite société, avant de demander son admission à la liquidation des biens.
II.- DISCUSSIONS
1°) SUR LE BIEN-FONDE DE LA CONFIRMATION DU JUGEMENT QUERELLE :
Considérant que c’est suivant ordonnance N° 258/CAB/PP/CAC/02 du 15 mai 2002 de la Première Présidente de la Cour d’Appel de Conakry que la Société BABLEXIM a servi avenir à la Société COGIP-SA, pour comparaître à l’audience du 04 juin 2002 devant la Cour d’Appel de Conakry;
Que le 04 juin 2002, l’affaire a été effectivement évoquée par la Chambre Présidentielle de la Cour d’Appel et renvoyée au 18 juin 2002 pour dépôt des conclusions de l’appelante, à savoir la Société BABLEXIM;
Considérant que par suite de contretemps, l’audience n’a été reprise que le 16 juillet 2002 et renvoyée au 23 juillet 2002 pour les mêmes motifs, c’est-à-dire le dépôt des conclusions de l’appelante, la Société BABLEXIM;
Qu’à l’audience du 23 juillet 2002, ladite affaire a été renvoyée pour une dernière fois au 06 août 2002 pour les motifs sus-indiqués;
Considérant que c’est justement à l’audience du 06 août 2002, pour donner une dernière chance à la Société BABLEXIM, l’affaire a été renvoyée au 27 août 2002 pour comparution des parties;
Considérant que c’est justement à l’audience du 27 août 2002 que l’affaire a été mise en délibéré pour arrêt être rendu le 17 septembre 2002;
Considérant que le délibéré a été prorogé plusieurs fois pour arrêt être rendu enfin le 10 décembre 2002;
Considérant par contre que c’est le 16 septembre 2002, soit la veille du jour où le délibéré devait être vidé, que la Société BABLEXIM a déposé au Greffe de la Chambre Présidentielle ses conclusions en appel enregistrées sous le N° 102;
Considérant qu’il est établi et constant que du 04 juin 2002, date d’évocation de l’appel par la Cour d’Appel, au 27 août 2002, date de la mise en délibéré de ladite affaire, la Société BABLEXIM, en tant qu’appelante, n’a pas daigné déposer ses conclusions en appel, pour éventuellement permettre à l’intimée, la COGIP, de faire ses conclusions en réplique;
Qu’il est également établi et constant que l’appelante susnommée n’a déposé ses conclusions que longtemps après la mise en délibéré de l’affaire, soit la veille du jour du vidé du délibéré;
Considérant qu’en pareil cas, ce sont des notes en cours de délibéré que la Société BABLEXIM aurait dû déposer à la Cour, avec bien entendu l’indispensable autorisation de celle-ci;
Que pour pouvoir déposer des conclusions à cette étape de la procédure, la Société BABLEXIM aurait dû demander et obtenir d’abord le rabattement du délibéré et la réouverture des débats;
Que mieux, pour que ces conclusions aient leurs effets juridiques escomptés, la Société BABLEXIM, après le rabattement du délibéré et la réouverture des débats, aurait dû déposer lesdites conclusions à la Cour, après les avoir communiquées à la partie adverse, pour le respect du principe élémentaire du contradictoire;
Considérant qu’il n’est d’ailleurs versé au dossier aucune preuve de la communication desdites conclusions de BABLEXIM à son contradicteur;
Considérant cependant que l’article 22 du code de procédure civile, économique et administrative dispose : « Pour être à même de se défendre, les parties doivent mutuellement se faire connaître les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les moyens de preuve qu’elles produisent, ainsi que les moyens de droit qu’elles invoquent.
Elles sont tenues de le faire en temps utile. »;
Considérant que l’article 23 du même code, quant à lui, fait obligation au Juge de ne retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties, que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement;
Considérant que la Société BABLEXIM n’ayant pas respecté ces règles, il y a lieu d’écarter purement et simplement des débats, ses écritures dites conclusions en appel déposées au Greffe de la Chambre Présidentielle de la Cour d’Appel le 16 septembre 2002, et ce faisant, considérer que ladite société appelante a été carente devant la Cour d’Appel;
Qu’il convient également de déclarer que c’est à bon droit que la Société COGIP-SA n’a pas fait ses conclusions en réplique, ne pouvant répliquer que par rapport aux écritures de l’appelant contradicteur;
Considérant qu’il n’est plus opportun de discuter du bien ou du mal-fondé du jugement attaqué, dès lors que la partie appelante s’est abstenue de conclure au fond;
Qu’il échet dès lors, de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement N° 213 du 13 juillet 2001 du Tribunal de Première Instance de Conakry;
2.- SUR LES DEPENS
Considérant que la Société BABLEXIM a succombé au procès;
Qu’il échet, en application des dispositions de l’article 741 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative, de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière économique, en dernier ressort et sur appel :
EN LA FORME :
– Reçoit l’appel;
AU FOND :
– Le déclare non fondé;
En conséquence :
– Confirme le jugement N° 213 du 13 juillet 2001 du Tribunal de Première Instance de Conakry, en toutes ses dispositions;
– Déboute Rustal Trading Guinée de toutes ses prétentions, ainsi que l’appelant de sa demande reconventionnelle;
– Met les dépens à la charge de l’appelante;
Le tout, en application des dispositions des articles 741 et 880 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé la Présidente et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut approuver cette décision qui confirme un jugement de clôture de liquidation judiciaire, appellation retenue par le code guinéen des activités économiques pour désigner l’actuelle liquidation des biens organisée par l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif.
En effet, les procédures collectives, tant du code guinéen que de l’acte uniforme, sont d’ordre public. Il appartenait donc à la cour d’appel d’apprécier la véracité et la gravite des violations de la loi commises lors des opérations de liquidation et que dénonçait l’appelant au lieu de le débouter de sa demande pour non comparution et défaut de conclusions comme s’il s’agissait d’un simple et seul conflit d’intérêts privés.