J-03-109
Recouvrement de créance – Procédure d'injonction de payer – Conditions d'exercice – Créance – Nature – Engagement résultant de l'acceptation d'effet de commerce – Créance remplissant les conditions d'exercice de la procédure (oui) – ARTICLE 1 AUPSRVE.
Le recours à la procédure d'injonction de payer est amplement justifié, dès lors qu’il y a bien un engagement de la part du demandeur résultant de l'acceptation par lui, des deux traites dont la provision s'est révélée inexistante du fait de l'opposition au paiement faite par lui-même.
En conséquence, la créance matérialisée par deux traites, répond aux conditions exigées par l'article 1er de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, qui ne sont pas cumulatives, mais plutôt alternatives.
[Arrêt N° 001/2003 du 30 janvier 2003, Société NEGOCE IVOIRE c/ BICICI, Le Juris Ohada, 1/2003, janvier-mars 2003, p. 19 et note]. Voir Actualités juridiques n° 38/2003, p. 19, obs. François KOMOIN.- Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 1, janvier-juin 2003, p. 22).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 30 janvier 2003, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président, rapporteur,
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le pourvoi en date du 31 janvier 2002 et enregistré au greffe de la Cour de céans le 01 février 2002, sous le N° 006/2002/PC formé par Maître SAMASSI Mamadou, Avocat à la Cour, demeurant 17, avenue Marchand, Immeuble Longchamp, escalier B, 1er étage, 05 BP 982 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de la Société NEGOCE IVOIRE, société à responsabilité limitée, dans une cause l'opposant à la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Côte d'Ivoire dite BICICI, ayant pour Conseil Maître N. ADJOUSSOU-THIAM, Avocat à la Cour, demeurant 13, avenue Docteur Crozet, immeuble le Stade Il, 2ème étage, 01 BP 7877 Abidjan 01;
En cassation de l'Arrêt N° 99 rendu le 19 janvier 2001 par la 3ème Chambre civile et commerciale de la Cour d'Appel d'Abidjan, dont le dispositif est le suivant :
EN LA FORME
– Déclare la société NEGOGE IVOIRE recevable en son appel relevé du jugement civil contradictoire N° 343/CIV/2 rendu le 10/03/2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit mal fondée; l'en déboute;
– Confirme ledit jugement;
– Condamne la Société NEGOCE IVOIRE aux dépens distraits au profit de Maître Ndeye ADJOUSSOU THIAM, Avocat aux offres de droit..";
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt;
SUR LE RAPPORT DE MONSIEUR LE JUGE MAÏNASSARA MAIDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de 1’OHADA;
Attendu qu'il résu1te des pièces du dossier de la procédure, que la Société NEGOCE IVOIRE avait passé auprès de la Société IVOIRE IMPORT-EXPORT, une commande de plusieurs cartons de tomate; que pour le paiement de ladite commande, deux traites d'un montant total de 23.183.858 FCFA étaient tirées sur la Société NEGOCE IVOIRE et acceptées par celle-ci; que la Société IMPORT-EXPORT remettait les deux traites à la BICICI par l’effet de l’escompte; qu’à l’échéance, les traites revenaient impayées, à la suite d'une opposition au paiement faite par la Société NEGOCE IVOIRE, au motif que la Société IVOIRE IMPORT EXPORT n’aurait pas honoré la commande; que la BICICI sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, par ordonnance d'injonction de payer N° 361/2000 du 17 janvier 2000, la condamnation de la Société NEGOCE IVOIRE à payer la somme de 23.182.838 FCFA, outre les frais et intérêts; que sur opposition de la Société NEGOCE IVOIRE, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a, par jugement N° 343 du 10 avril 2000, restitué à 1’ordonnance querellée, son plein et entier effet, et que sur appel de la même Société NEGOGE IVOIRE, la Cour d'Appel d'Abidjan a, par arrêt N° 99 du 19 janvier 2001 dont pourvoi, confirmé le jugement ci-dessus spécifié;
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu qu’il est reproché à l'arrêt attaqué un défaut de base légale résu1tant de l’insuffisance de motifs et de la violation des dispositions des articles 1er et suivants de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées et des voies d'exécution, en ce que « la Cour d'Appel, suivant le premier Juge, a cru devoir condamner la Société NEGOCE IVOIRE à payer1a somme de 23.182.838 FCFA à 1a BICICI, en s'appuyant sur les dispositions de l’article 121 du code de commerce", alors que, d'une part, "les dispositions dudit article 121 ne s'appliquant pas au tireur, mais plutôt au tiré, celui-ci ne pouvant opposer au porteur les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le tiré, tandis que dans le cas d’espèce, c’est elle, tireur qui, ayant constaté que la Société IVOIRE IMPORT-EXPORT n'avait pas honoré son engagement, et étant en droit de lui opposer l'exception d'inexécution, avait fait opposition au tiré de payer les deux traites au bénéficiaire; que c'est donc à tort que la BICICI, endossataire et créancière de la Société IVOIRE IMPORT-EXPORT, veut passer outre cette exception pour se faire payer"; que d'autre part, toujours selon la Société NEGOCE IVOIRE, "la procédure d'injonction de payer est initiée lorsque la créance a une cause contractuelle.., en l’espèce, il n'existe pas de relation contractuelle entre elle et la BICICI, ni d'engagement résultant de l'émission ou de l'acceptation d'un effet de commerce »;
Mais attendu qu'aux termes des articles 1 et 2 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, "le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible, peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer" et « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1) la créance a une cause contractuelle;
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d'un chèque dont la provision s'est révélée inexistante ou insuffisante »;
Attendu que les deux conditions prévues à l'article 2 sus-énoncé ne sont pas cumulatives, mais plutôt alternatives, et il suffit que l'une d'entre elles soit satisfaite pour que la procédure d'injonction de payer puisse être introduite par le détenteur d'une créance remplissant les conditions fixées à l'article 1er du même Acte Uniforme;
Attendu qu'en l’espèce, 1a créance de la BICICI, matérialisée par deux traites d’un montant total de 23.182.838 FCFA, répond aux conditions exigées par l'article 1er de l’Acte Uniforme sus-indiqué; que par ailleurs, il y a bien un engagement de la part de la Société NEGOCE IVOIRE résultant de l’acceptation par elle des deux traites dont la provision s’est révélée inexistante, du fait de l’opposition au paiement faite par lui-même; que dès lors, le recours à la procédure d'injonction de payer était amplement justifié, sans qu'il y ait lieu de rechercher l'existence d'une quelconque relation contractuelle entre la Société NEGOCE IVOIRE et la BICICI, et par voie de conséquence, de rechercher si l'article 121 du code de commerce est applicable ou non en l'espèce;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède, que la Cour d'Appel d'Abidjan, en confirmant le jugement N° 343 du 10 avril 2000, qui a restitué à l'ordonnance N° 361/2000 du 17 janvier 2000 son plein et entier effet, a fait une saine application des articles 1er et suivants de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et relatifs à la procédure d’injonction de paye; qu'il s’ensuit que le pourvoi de la Société NEGOCE IVOIRE n'est pas fondé et doit être rejeté;
Attendu que la Société NEGOCE IVOIRE ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Rejette le pourvoi formé par la Société NEGOCE IVOIRE contre l’arrêt N° 99 rendu le 19 janvier 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan;
– Condamne la Société NEGOCE IVOIRE aux dépens.
– Président : M. Seydou BA.
Note
La créance dont le recouvrement est poursuivi sur la base de la procédure d'injonction de payer, remplit-elle les conditions exigées par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures de recouvrement et des voies d'exécution ?
En effet, la procédure d'injonction de payer nécessite l'existence d'une créance qui obéit à des caractéristiques précises, et ne peut provenir que des causes limitativement énumérées par l'Acte.
Aux termes de l’article 2 de l’Acte, la créance ne peut provenir que de deux types d’engagement.
La créance peut avoir soit une cause contractuelle, soit être le fait d'un engagement résultant d'un effet de commerce ou d'un chèque (sur la cause de la créance, voir BROU Kouakou Mathurin : La procédure d'injonction de payer en droit Ivoirien, l'apport du Droit OHADA. Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif - Presse universitaire d'Aix-Marseille - 2001 - 2 (2) p. 1146 et 1147). Situation que conteste le demandeur au pourvoi. En effet, selon lui, la créance dont le recouvrement est poursuivi n'a ni une cause contractuelle, ni ne trouve sa cause dans un engagement résultant de l'émission ou de l'acceptation d'un effet de commerce, de sorte qu'il ne peut être fait recours a la procédure d'injonction de payer.
Après avoir rappelé que les conditions relatives à la cause ne sont pas cumulatives, la CCJA a établi qu'il y avait bel et bien un engagement résultant de l'acceptation d'un effet de commerce.
En l'espèce, il résulte des faits que pour le paiement d'une commande de marchandises passée auprès de la société Ivoire Import-Export, deux traites étaient tirées sur Négoce Ivoire et acceptées par elle. Remises à la BICICI par l'effet d’escompte, les traites sont revenues impayées, suite à une opposition de Négoce Ivoire.
I1 en résulte que l'engagement de Négoce Ivoire procède de l'acceptation des deux traites tirées par la société Ivoire Import-Export. Les traites ayant été escomptées auprès de la BICICI, celle-ci en demeurait le bénéficiaire à l'échéance
Dès lors, on se trouvait dans l'un des cas visés par l'article 2 de l'Acte Uniforme, à savoir l’engagement résultant de l'acceptation de tout effet de commerce.
Ainsi, l'acceptation des deux traites suffit en cas de non-paiement à l'échéance, à recourir à la procédure d'injonction de payer pour le recouvrement de la créance. En conséquence, le recours de la BICICI était justifié.