J-03-11
SOCIETES COMMERCIALES – ACTION EN JUSTICE – REPRESENTATION PAR LE DIRECTEUR GENERAL – ACTION RECEVABLE (OUI) – ARTICLE
435 AUSCGIE – ARTICLE
487 AUSCGIE.
SAISIE ATTRIBUTION – Pluralité de saisies attributionS – non paiement – nouvelle saisie – caractère abusif (non) – ARTICLE
154 AUPSRVE.
Par combinaison des articles 435 et
487 AUSCGIE, le conseil d’administration peut valablement déléguer son président à l’effet d’agir pour le compte de la société anonyme; en conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance de référé qui a déclaré que la société ne pouvait être représentée que par son directeur général.
Lorsqu’il y a eu plusieurs saisies sans qu’un paiement corrélatif ait été effectué par le débiteur saisi, la nouvelle saisie opérée par le créancier saisissant sur les comptes de celui-ci ne revêt aucun caractère abusif.
[Cour d’Appel d’Abidjan Arrêt n° 744 du 14 juin 2002 / Société MOBIL OIL COTE D’IVOIRE (Me Agnès OUANGUI) c/ Société les Centaures Routiers (SCPA FDKA)].
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 14 juin 2002
La cour,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédures, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit du 26 février 2002, la Société MOBIL OIL a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 215/2002 rendue le 15 janvier 2002 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan qui, en la cause, l’a déboutée de sa demande de mainlevée de saisie attribution;
Toujours par exploit du 26 février 2002, la Société MOBIL OIL a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 5316/2001 rendue le 18 décembre 2001 par la même juridiction présidentielle qui, en la cause, avait déclaré irrecevable son action;
Ces appels ont donné lieu respectivement aux procédures nos. 241/02 et 243/02 du rôle général;
Cependant, compte tenu de leurs liens de connexité, il y a lieu d’ordonner leur jonction;
La société MOBIL OIL soutient en cause d’appel et relativement à l’ordonnance du 18 décembre 2001, que c’est à tort que le premier juge l’a déclarée irrecevable au motif qu’elle ne pouvait être représentée que par son Directeur Général;
Elle fait valoir qu’une telle interprétation des textes est erronée au regard des dispositions de l’article 487 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales, qui énonce que le Directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus, sous réserve de ceux expressément attribués aux assemblées générales ou spécialement réservés au conseil d’administration par les dispositions légales ou statuaires;
Elle précise que l’article 435 du même Acte dispose que le conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la Société et, en l’espèce, poursuit-elle, les administrateurs ont décidé que le Président du Conseil d’Administration pouvait, cumulativement avec le Directeur Général, exercer toute action en justice;
En conséquence, c’est à tort, estime-t-elle, que le juge des référés a déclaré irrecevable l’action;
Au fond et s’agissant des deux ordonnances, elle fait valoir que la saisie du 13 novembre 2001 pratiquée entre les mains de la CARPA a été faite en violation de l’article 154 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution;
Elle rappelle que, conformément à ce texte, la saisie ne doit être faite qu’à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée et seulement pour ces sommes,
Or, fait-elle observer, en l’espèce, la société LES CENTAURES ROUTIERS avait déjà fait diverses saisies d’un montant total de 6.601.154.776 F, alors que la créance telle qu’elle résulte de l’arrêt de condamnation n° 1107 du 14 juin 1996 est seulement de 1.109.000.000 F;
Elle estime en conséquence que la saisie du 13 novembre 2001 portant sur la somme de 838.127.231 F est abusive; elle en demande la mainlevée sous astreinte de 10 millions de francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision;
La société LES CENTAURES ROUTIERS, citée à son siège et représentée par son conseil, n’a pas conclu;
Il convient de statuer par arrêt contradictoire; le Ministère Public a, pour sa part, conclu à la nullité de l’ordonnance au motif que la procédure, dont l’intérêt excède 25 millions, n’a pas été communiquée au Ministère Public;
DES MOTIFS
Sur la recevabilité de l’action de la société MOBIL OIL, représentée par le Président de son Conseil d’Administration.
Il résulte des dispositions combinées des articles 487 et 435 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales, que le conseil d’administration a pu valablement déléguer son Président à l’effet d’agir pour le compte de la société; il convient, en conséquence, d’infirmer l’ordonnance n° 5316/2001 du 18 décembre 2001 qui a, à tort, déclaré l’action irrecevable.
Sur la demande de mainlevée.
Il résulte des productions que s’il y a eu plusieurs saisies, il n’apparaît nullement qu’il y a eu paiement corrélatif; dès lors, la saisie du 13 novembre 2001 n’est pas abusive et ne viole pas les dispositions de l’article 154 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution;
Il convient de dire que la demande de mainlevée formulée par MOBILI OIL n’est pas fondée; elle doit être en conséquence rejetée;
Il y a lieu de confirmer l’ordonnance n° 215/2002 du 15 janvier 2002, qui, à bon droit, a débouté MOBIL OIL de sa demande.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la société MOBIL OIL en son appel relevé de l’ordonnance de référé ° 3672 du 10 septembre 2001, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND :
– L’y dit mal fondée;
– L’en déboute;
– Confirme en toutes ses dispositions ladite ordonnance;
– Condamne l’appelante aux dépens;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (1ère Chambre civile), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu’approuver la cour d’appel d’avoir déclaré valable la représentation de la société par le président de son conseil d’administration et non par le seul directeur général. En effet, si le directeur général représente la société vis à vis des tiers et a les pleins pouvoirs à cet effet, c’est sous réserve des pouvoirs attribués aux assemblées générales ou spécialement réservés au conseil d’administration par des dispositions légales ou statutaires. Or, en l’espèce, les statuts permettaient au conseil d’administration de déléguer son président pour agir au nom et pour le compte de la société.
Mais on ne peut être que réservé sur le second point . L’article
154 AUPSRVE visé par la Cour d’appel ne traite absolument pas de la pluralité de saisies; on ne peut donc en tirer aucune règle autorisant ou interdisant la pluralité de saisies. Si la pluralité de saisies est prévue par l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, c’est uniquement dans le cas où plusieurs créanciers saisissent les mêmes biens de leur débiteur, qu’il s’agisse de saisies conservatoires ou d’exécution (Voir ASSI ESSO Anne-Marie et DIOUF Ndiaw, Recouvrement des créances, éd Bruylant, 2002, n° 151, 175 et s. (saisie conservatoire); 286 et s. (saisie vente); 369 et s. (saisie attribution); 389 et s. (saisie des rémunérations)). Mais lorsque la pluralité de saisies et, particulièrement, de saisies exécution (ce que sont des saisies attributions qui supposent des titres exécutoires) est le fait d’un seul créancier contre le même débiteur, il faut éviter :
– que le débiteur voit ses biens immobilisés pour une valeur supérieure à la somme qu’il doit;
– ou que le poursuivant obtienne la réalisation de tous les biens saisis ou le paiement de toutes les sommes saisies attribuées au risque, pour le débiteur, de payer plus que ce qu’il doit et de devoir recourir ensuite contre un créancier devenu…insolvable.
Aussi, pensons-nous que le débiteur peut élever une contestation au sens des articles 164 à
167 AUPSRVE pour demander la désignation d’un séquestre des sommes saisies attribuées jusqu’à établissement et apurement des comptes entre les parties ou mainlevée des saisies devenues inutiles par reconnaissance par le tiers saisi de sommes disponibles suffisantes entre ses mains en faveur du saisi (dans le cas de saisie attribution ou de saisie conservatoire de créances).