J-03-111
Voies d'exécution – Saisie vente – Saisie opérée sur la base d'un jugement revêtu de la formule exécutoire – Certificat de non – appel – Observation des exigences légales (oui) – Validité – Contestations recevables – Nullité de la saisie (oui) – Rejet du sursis à la vente des objets saisis.
La saisie vente ayant été opérée en respectant notamment les dispositions des articles 91 et 92 de l'Acte Uniforme portant voies d’exécution, les seules contestations relatives à la validité de 1adite saisie, ouverte, sont celles prévues par l'article 144 du même Acte.
(CCJA, Arrêt N° 003/2002 du 30 janvier 2003, Agence BAZZI Voyage c/ Société WEDOUWEL, Le Juris Ohada, n° 1/2003, janvier-mars 2003, p. 29 et note . Voir Actualités juridiques, n° 38/2003, p. 16, observations François KOMOIN.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 1, janvier-juin 2003, p. 41).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 30 janvier 2003, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président, rapporteur,
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l'affaire Agence BAZZI VOYAGE contre Société WEDOUWEL, par arrêt N° 448/01 du 12 juillet 2001 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d'un pourvoi initié le 12 décembre 2000 par Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour, demeurant 17, boulevard Roume, Résidence Roume, 2ème étage porte 22 - 23 BP1274 Abidjan 23, agissant au nom et pour le compte de l’Agence BAZZI VOYAGE, enregistré sous le N° 00-495 CIV du 12 décembre 2000 contre l’ordonnance N° 111 rendue le 09 octobre 2000 par le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan au profit de la société WEDOUWEL, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, en référé et en dernier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront; mais dès à présent, vu l'urgence;
EN LA FORME
– Déclarons la Société WEDOUWEL recevable en son action;
AU FOND
– L'y disons bien fondée;
– Ordonnons la restitution des objets saisis et enlevés au préjudice de la Société WEDOUWEL, sous astreinte comminatoire de 100.000 F par jour à compter de la signification de la présente décision;
– Condamnons l’Agence BAZZI VOYAGES aux dépens;
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu'ils figurent à « l'exploit à fin de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt;
SUR LE RAPPORT DE MONSIEUR LE JUGE MAÏNASSARA MAÏDAGI :
Vu les articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l’OHADA;
Attendu que par lettre N° 126/2002/G5 du 19 avril 2002 et reçue le 24 avril 2002, le Greffier en chef de la Cour a informé la Société WEDOUWEL, défenderesse au pourvoi, de l'enregistrement du dossier à 1a Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, sous le N° 012/2002/PC du 28 mars 2002, à la suite du dessaisissement de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, et l’a, par la même occasion, informée de ce que le ministère d'avocat est obligatoire et qu'elle dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de la lettre, pour faire d'éventuelles observations; que plus d’un mois après la réception de ladite lettre, la Société WEDOUWEL n'a toujours pas communiqué le nom de son Conseil et n'a pas non plus fait parvenir ses observations; que1e dossier étant en état, il y a lieu de passer outre et d'examiner le recours;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure, que l'entreprise EGB avait endossé, au profit de l'Agence BAZZI VOYAGES, dont elle était débitrice, des traites émises à son profit par sa propre débitrice, la Société WEDOUWEL; que présentées à l'encaissement, lesdites traites étaient revenues impayées; qu'avant de les faire protester, l'Agence BAZZI VOYAGES en informait la Société WEDOUWEL, laquelle offrait de les retirer et de les remplacer par de nouvelles traites émises directement à l'ordre de l'Agence BAZZI VOYAGES; que ces dernières traites présentées à l’encaissement revenaient à nouveau impayées, pour "opposition du tiré"; qu’afin de recouvrer rapidement sa créance, l'Agence BAZZI VOYAGES obtenait, par ordonnance d’injonction de payer N° 1241 du 16 février 2000, la condamnation de la Société WEDOUWEL à lui payer la somme de 10.248.080 FCFA en principal, outre les intérêts et frais; que suite à l'opposition formée par la Société WEDOUWEL contre l’ordonnance sus-indiquée, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan avait, par jugement N° 350 CIV-2/B2 du 10 avril 2000, déclaré la Société WEDOUWEL mal fondée en son opposition et restitué à l'ordonnance d'injonction de payer, son plein et entier effet; que muni d’un certificat de non-appel et d'une copie du jugement sus-indiqué revêtu de la formule exécutoire, et après avoir servi une signification commandement le 08 août 2000, l'Agence BAZZI VOYAGES faisait pratiquer saisie vente sur les biens meubles de la Société WEDOUWEL les 21 et 30 août 2000; que le 06 septembre 2000, la Société WEDOUWEL relevait appel du même jugement, et parallèlement, demandait et obtenait du Premier Président de la Cour d'Appel, par ordonnance N° 1289/2000 du 08 septembre 2000, "sursis à l’exécution du jugement N° 350 CIV-2/B2 rendu le 10 avril 2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, jusqu'à ce qu'il soit statué, sur l'appel interjeté"; que néanmoins, l’Agence BAZZI VOYAGES continuait l'exécution de la décision attaquée, et à cet effet, les objets saisis étaient enlevés et transmis à un commissaire priseur, en vue de procéder à leur vente; que pour s'opposer à la vente desdits objets, la Société WEDOUWEL saisissait le Premier Président de la Cour d'Appel d'Abidjan, lequel, par ordonnance N° 111 du 19 octobre 2000, dont le pourvoi ordonnait la restitution des objets saisis et enlevés au préjudice de la Société WEDOUWEL, sous astreinte comminatoire de 100.000 F par jour à compter de la signification de l'ordonnance;
SUR LE TROISIÈME MOYEN
Attendu qu'il est reproché à l’ordonnance attaquée, un défaut de base légale, en ce que "la motivation est non seulement insuffisante, mais qu’elle manque manifestement de fondement légal"; qu'en effet, la requérante soutient que "pour ordonner la restitution des objets régulièrement saisis et enlevés, le Juge des référés de la Cour d'Appel d'Abidjan s'est contenté d'affirmer sans fondement légal, que l’appel dont le jugement 350 CIV-2/B2 du 10 avril 2000 a été frappé, est suspensif, alors qu’une décision de justice est d'abord et avant tout la mise en pratique d'un texte de loi, et qu’en l’espèce, l’ordonnance critiquée n'a visé aucune disposition légale »;
Attendu que pour déclarer l’exécution entreprise irrégulière et en conséquence ordonner la restitution des objets saisis et enlevés, sous astreinte comminatoire de 100.000 F par jour de retard à compter de la signification de la décision, le Premier Président de la Cour d’Appel s'est borné à dire que « … le jugement non assorti de l'exécution provisoire, bien que constitutif de titre exécutoire en ce qu’il comporte la formule exécutoire, n'est cependant pas un titre exécutoire par provision. Dès lors, c'est par méprise que l'Agence BAZZI VOYAGES a entrepris d'exécuter le jugement dont elle est bénéficiaire, l'appel dont il se trouve frappé étant suspensif », alors que ladite exécution était poursuivie en vertu d'un jugement contradictoire revêtu de la formule exécutoire, après production d'un certificat de non-appel émanant du Greffier du Tribunal de Première Instance d'Abidjan; qu'en statuant ainsi, le Premier Président n'a pas mis la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage en mesure d'exercer son contrô1e; qu'en conséquence, il y a lieu de casser l'ordonnance N° 111 rendue le 19 octobre 2000, et d'évoquer, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les premier et deuxième moyens;
SUR L'ÉVOCATION
Attendu qu’à la suite d’une saisie vente pratiquée sur ses biens, en exécution du jugement N° 350 du 10 avril 2000, la Société WEDOUWEL a, suite à un appel interjeté contre ledit jugement, et après avoir obtenu du Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan, par ordonnance N° 1289/2000 du 08 septembre 2000, « sursis à l’exécution du jugement N° 350 CIV-2/B2 rendu le 10 avril 2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel interjeté", saisi le même Premier Président à l'effet d'ordonner le sursis à la vente projetée de ses objets saisis, et de les lui restituer immédiatement, sous astreinte comminatoire de 10.000.000 F par jour de retard, aux motifs qu'en exécutant un jugement non assorti de l’exécution provisoire et frappé d'appel, l'Agence BAZZI VOYAGES a procédé de manière irrégulière à la saisie attribution de créance; que selon elle, suite à un appel interjeté le 06 septembre 2000 contre un jugement civil contradictoire N° 350 CIV-2/B2 du 10 avril 2000 l’ayant déclarée mal fondée à l'opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer, elle obtint une ordonnance suspendant l’exécution du jugement frappé d'appel; que cependant, l’Agence BAZZI VOYAGES procédait à une saisie attribution de créance à son préjudice, entre les mains de Maître SACKO Blanche, Notaire à Abidjan, et l’invitait à assister à la vente prévue pour le 11 octobre 2000; que l’Agence BAZZI VOYAGES procédait également à l’enlèvement forcé de ses biens le 12 octobre 2000, lesquels à ce jour, se trouvent entreposés en l'étude de Maître Joséphine N’GBICHI, Commissaire priseur; que de même, la somme de 7.800.000 F, recette de la journée du 11 octobre 2000, a été emportée au cours de l’opération de saisie et d'enlèvement;
Attendu que l'Agence BAZZI VOYAGES demande à la Cour de constater que le jugement civil contradictoire N° 350 CIV-2/B2 rendu le 10 avril 2000 par le Tribunal de Première Instance est passé en force de chose jugée, et d'ordonner la continuation des poursuites, aux motifs, d'une part, que ledit jugement, qui n’a pas fait l’objet d’appel dans les trente (30) jours de son prononcé, est passé en force de chose jugée, et, d'autre part, que le Premier Président ne peut, sur la base de l’article 181 du code de procédure civile, ordonner le sursis à l'exécution de ce jugement;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que l'Agence BAZZI VOYAGES opérait une saisie vente au préjudice de la Société WEDOUWEL, les 21 et 30 août 2000, en exécution du jugement N° 350 CIV-2/B2 du 10 avril 2000 du Tribunal de Première Instance d'Abidjan; que le 08 septembre 2000, la Société WEDOUWEL obtenait du Premier Président de la Cour d'Appel d’Abidjan, l’ordonnance N° 1289/2000 accordant sursis à l'exécution du jugement sus-indiqué, après avoir préalablement relevé appel dudit jugement le 06 septembre 2000; que néanmoins, l'Agence BAZZI VOYAGES continuait l’exécution de la décision attaquée, et à cet effet, les objets saisis furent enlevés et transmis au Commissaire priseur, en vue de procéder à leur vente; que s'opposant à la vente desdits objets saisis, la Société WEDOUWEL sollicitait qu le Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan ordonne le sursis à leur vente et leur restitution immédiate, sous astreinte comminatoire de 10.000.000 F par jour de retard;
Attendu que 1a saisie vente opérée les 21 et 30 août 2000 par l’Agence BAZZI VOYAGES a été faite sur la base du jugement N° 350 CIV-2/B2 du 10 avril 2000 du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, lequel était revêtu de la formule exécutoire, après que le saisissant se fût fait délivrer un certificat de non-appel, et après qu’il eût fait une signification commandement dudit jugement le 08 août 2000;
Attendu que cette saisie vente ayant été faite en respectant notamment les dispositions des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, à savoir sur la base d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et après signification d’un commandement de payer, au moins huit jours avant la saisie au débiteur et l’ordonnance N° 1289/2000 étant sans effet en l’espèce, les seules contestations relatives à la validité de ladite saisie, ouvertes à la Société WEDOUWEL, sont celles prévues à l’article 144 du même Acte Uniforme, qui dispose que « la nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité des biens compris dans la saisie, peut être demandée par le débiteur, jusqu’à la vente des biens saisis… »;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que la demande de la Société WEDOUWEL tendant à obtenir le sursis à la vente projetée des objets saisis et leur restitution immédiate sous astreinte comminatoire de 10.000.000 F par jour de retard, doit être rejetée;
Attendu que la Société WEDOUWEL ayant succombé, doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Casse l'ordonnance N° 111 rendue le 19 octobre 2000 par le Premier Président de la Cour d'Appel d'Abidjan;
Evoquant et statuant sur le fond;
– Rejette la demande de la Société WEDOUWEL tendant au sursis à la vente projetée des objets saisis, et leur restitution, sous astreinte comminatoire de 10.000.000 F par jour de retard;
– Président : M. Seydou BA.
Note
Quelles sont les conditions relatives à la validité de la saisie vente ?
Telle est la question de fond soumise à la CCJA.
Sur la base du jugement rendu sur opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, l'Agence BAZZI VOYAGES, créancière de la Société WEDOUWEL, a fait pratiquer saisie vente sur les biens meubles de celle-ci.
Malgré l'appel interjeté contre ce jugement et le sursis à exécution du jugement sur la base duquel la saisie a été pratiquée, l'Agence a continué l'exécution de la décision attaquée.
Les objets saisis ont été enlevés en vue de leur vente par un commissaire priseur. Pour s'opposer à la vente, la Société Wedouwel a saisi le Premier Président de la Cour d’Appel d'Abidjan, qui ordonna la restitution des objets saisis.
A/ La cassation de l’ordonnance du Premier Président
L’ordonnance du Premier Président a été déférée à la censure de la CCJA par l'Agence BAZZI Voyages, non seulement pour motivation insuffisante, mais également pour manque manifeste de fondement légal, la juridiction présidentielle de la Cour d'Appel s'étant contentée d'affirmer sans fondement légal, que l'appel qui a frappé le jugement à la base de la saisie, est suspensif.
Après examen, la CCJA casse l’ordonnance, motif pris de ce que l’exécution entreprise était poursuivie en vertu d'un jugement contradictoire revêtu de la formule exécutoire, après production d'un certificat de non appel émanant du Greffier du Tribunal.
En déclarant irrégulière l'exécution parce que le jugement, bien que comportant la formule exécutoire, n'était pas cependant pas un titre exécutoire par provision, le Premier Président de la Cour d'Appel n'a pas mis la CCJA en mesure d'exercer son contrôle.
Evoquant après cassation, la CCJA a rejeté la demande de la Société Wedouwe1 tendant à obtenir le sursis à la vente projetée des objets saisis, pour ne pas être comprise dans les contestations relatives à la validité de la saisie vente.
B/ Les contestations relatives à la saisie vente.
Pour rejeter la demande tendant au sursis à la vente projetée, la CCJA a fait d’abord constater que la saisie vente était régulière.
En effet, la saisie a été faite conformément aux articles 91 et 92 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Ce qui signifie qu'elle repose sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, en l'espèce le jugement n° 350 du 10 avril 2000 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel était revêtu de la formule exécutoire. Par ailleurs, la saisie a été pratiquée après signification d’un commandement de payer, huit jours avant la saisie au débiteur.
Il convient de préciser que la formule exécutoire a été apposée sur le jugement, après que le créancier saisissant, en l'espèce l'Agence BAZZI Voyages, se soit fait délivrer un certificat de non appel.
Ainsi, l’ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel du 08 septembre 2000, intervenant seulement après la saisie opérée les 21 et 30 août 2000, est sans effet, la saisie vente ayant été régulièrement pratiquée.
C'est donc par rapport à la validité de la saisie que la Société Wedouwel doit élever la contestation. Or, les seules contestations prévues dans ce cas, sont celles de l'article 144 de l'Acte Uniforme précité, qui ne vise nullement le sursis à la vente projetée, mais la nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond, qui peut être demandée par le débiteur jusqu'à la vente des biens saisis.
Autrement dit, le sursis sollicité n'entre pas dans le champ des contestations légales relatives à la validité de la saisie vente.
Le sursis ayant été rejeté, le commissaire priseur peut procéder à la vente des objets saisis.