J-03-112
RECOUVREMENT DE CRÉANCE – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – AUTO-SAISINE DU TRIBUNAL – NULLITÉ DU JUGEMENT (OUI).
En statuant sur l'opposition alors que c’est la juridiction présidentielle qui a été saisie, le Tribunal de Première Instance, qui n'a jamais été saisi, s'est auto saisi. Cette circonstance entache de nullité le jugement déféré. Par conséquent, il y a lieu de renvoyer la cause et les parties devant la juridiction présidentielle normalement saisie, afin qu'elle vide sa saisine.
[Cour d'Appel de Bouaké, Arrêt N° 52 du 21 mars 2001, Y.T et S. c/ A, Le Juris Ohada, n° 1/2003, janvier-mars 2003, p. 39 et note.].
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs prétentions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que suivant exploit en date du 28 décembre 2000 de Me Bouaké BAKAYOKO, Huissier de justice à Boundiali, Messieurs Y., T. et S, ont régulièrement interjeté appel du jugement civil contradictoire N° 81 rendu sur opposition le 30 novembre 2000, par le Tribunal de Première Instance de Korhogo, leque1 jugement a :
– Déclaré l'opposition de A. partiellement fondée
– Débouté Y., T. et S. de leur demande en paiement de sommes d'argent comme mal fondée;
– Débouté A. de sa demande reconventionnelle;
– Condamné Y. et autres aux dépens;
Considérant que les appelants exposent au soutien de leur recours, que le premier Juge, en annulant l'ordonnance N° 596 du 29 octobre 1999, n'a tenu compte ni des observations relatives à la violation de l'article 9 de l'Acte Uniforme du Traité OHADA relatif à la procédure de recouvrement simplifiée des créances et des voies d'exécution, ou de la mise en état ordonnée le 22 juin 2000 et réalisée;
Qu'ils indiquent que conformément à l'article précité, l'opposition est portée devant la juridiction compétente dont le Président a rendu la décision d'injonction de payer; qu'il ressort de cet article, que la juridiction compétente est le Tribunal de Première Instance de Korhogo;
Qu'en l'espèce, l'acte d'opposition a saisi Mr. le Président du Tribunal et non… le Tribunal de Première Instance de Korhogo; que cet acte doit donc être déclaré irrecevable voire nul et la décision rendue par le Tribunal de Première Instance, qui s'est autosaisi, doit être déclarée nulle; que par ailleurs, selon les intimés, A. a reconnu sa qualité de membre de la structure COOPAG-CI et a affirmé avoir présidé cette structure de Korhogo de 1994 à 1996; que le Tribunal aurait dû, en s'appuyant sur sa mauvaise foi, le débouter de ses prétentions;
Qu’ils soutiennent aussi que les signatures qui figurent sur les mémoires de A. sont les mêmes que celles qui figurent sur les documents de prêts contestés par ce dernier; qu'en outre, le jugement N° 35 du 20 mai 1999 qui les a condamnés au paiement de certaines sommes d'argent à la Direction de la COOPAG-CI, les a subrogés dans les droits de cette dernière quant aux poursuites à engager pour le recouvrement des prêts qu'ils ont octroyés;
Qu'ils sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la restitution à l'ordonnance d'injonction de payer, de son plein et entier effet;
Considérant que A., par le biais de son Conseil Me Etienne KPAMBI, a relevé appel incident, en application de l’article 170 du Code de procédure civile; qu’il sollicite, d'une part, que les appelants soient déboutés de leur appel; et d’autre part, que le jugement entrepris soit partiellement infirmé, en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts; qu'il fait valoir que les appelants, en affirmant que son acte d'opposition est irrecevable, font un amalgame de l'exception de nullité et de la fin de non-recevoir; que pour lui, la seule condition de forme prévue par l'article 9 susvisé est que l'acte d'opposition doit être formé par acte extrajudiciaire; que cette condition ayant été respectée, c'est à tort que les appe1ants demandent la nullité dudit acte d'opposition; que par ailleurs, la fin de non-recevoir concerne la demande, en l'espèce, l'action en paiement et non l’acte qui introduit la demande; que c'est à tort que les appelants parlent d'irrecevabilité de l'acte d'opposition; que le premier Juge a rendu une saine décision, alors qu'aucune exception n'avait été soulevée in limine litis, conformément à l'article 125 du code de procédure civile, en se déclarant compétent pour connaître du présent litige; qu’il demande à la Cour de confirmer la décision sur ce point; qu’il a, à la COOPAG-CI, qui est seule habilitée à en exiger le paiement; que c'est en vain que les appelants, pour justifier la recevabilité de leur action, s'appuient sur le jugement N° 35 du 20 mai 1999, qui1es a condamnés en paiement de la somme de 42.486.490 F et 5.000.000 F à titre de dommages et intérêts; que ladite décision a précisé que le montant de la condamnation représente la valeur des produits phytosanitaires vendus et non remboursée à la COOPAG-CI;
Qu'enfin, il soutient que le préjudice qu'il a subi résu1te du fait que les appelants, qui ont reconnu que les sommes réclamées appartiennent à la COOPAG-CI, ont engagé une procédure contre lui, sachant qu'ils n'ont aucune qualité pour représenter cette structure; que les appelants persistent à salir sa réputation, en faisant croire dans le milieu des paysans, qu'il a détourné la somme de dix millions réclamée; qu'il sollicite, pour toutes ces raisons, que sa demande reconventionnelle soit déclarée bien fondée, et que, infirmant partiellement le jugement entrepris, la Cour condamne les appelants à lui payer la somme 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts, et confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que le jugement objet du présent appel a été rendu le 30 novembre 2000 par le Tribunal de Première Instance de Korhogo; que l'appel dudit jugement relevé par T., Y. et S., est intervenu dans les forme et délai légaux; qu'il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
DE LA NULLITE DE L’ACTE D’OPPOSITION
Considérant qu’il résulte de l'article 9 de l'Acte Uniforme du Traité OHADA relatif à la procédure d'injonction de payer, que l'opposition est portée devant la juridiction compétente dont le Président a rendu la décision d’injonction de payer; qu’en l'espèce, alors que c'est la juridiction présidentielle qui a été saisie de l'opposition, ce n'est pas cette juridiction qui a statué, mais plutôt le Tribunal de Première Instance de Korhogo, qui n'a jamais été saisi; que ce faisant, le Tribunal de Korhogo s’est autosaisi; que cette circonstance entache de nullité le jugement déféré; qu'aussi, convient-il de le déclarer comme tel et de renvoyer la cause et les parties devant la juridiction présidentielle de Korhogo normalement saisie, afin qu'elle vide sa saisine.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare T., Y. et S. recevables et bien fondés en leur appel relevé du jugement N° 81 rendu le 30 novembre 2000 par le Tribunal de Première Instance de Korhogo;
AU FOND
– Annule le jugement entrepris en ce qu'il a été rendu par une juridiction qui en l'espèce, n'a jamais été saisie;
– Renvoie la cause et les parties devant la juridiction présidentielle de Korhogo, normalement saisie;
– Président : M. N'GNAORE Kouadio.
Note
En matière de procédure d'injonction de payer, l'opposition est portée devant la juridiction compétente dont le Président a rendu la décision d'injonction de payer.
C'est pourquoi la Cour d’Appel sanctionne le Tribunal, qui statue sur une opposition à une ordonnance d'injonction de payer, alors qu'il n'a pas été saisi.
En le faisant, il s'est autosaisi.
D'où l'annulation du jugement rendu par le Tribunal.