J-03-116
Droit commercial général – Bail commercial – Non paiement des loyers – Expulsion – Juridiction compétente – Tribunal (oui) – Incompétence du juge des référés.
Article 101 AUDCG
Article 102 AUDCG
Le Juge des référés n’étant compétent que pour connaître des contestations relatives au montant des 1oyers d’un bail révisé ou renouvelé, il est incompétent pour connaître d’une demande d’expulsion pour non-paiement de loyer, qui est de la compétence du Tribunal, en application de l'article 36 al.1 de la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 sur les baux commerciaux.
En décidant autrement, le Juge des référés a violé ledit article, et son ordonnance encourt l'annulation.
[Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt N° 1129 du 15 décembre 2000. (H. c/ A), le Juris Ohada, n° 1/2003, janvier-mars 2003, p. 48 et note].
La cour,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes et fins;
Le Ministère Public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit d'huissier de justice en date du 22 juin 2000, comportant ajournement au 03 juillet 2000, H. a relevé appel de l’ordonnance N° 2120 rendue le 31 mai 2000 par le Juge des référés du Tribunal d’Abidjan, laquelle a ordonné son expulsion avec exécution provisoire, pour non-paiement de loyer;
Considérant que les parties ont conclu et comparu; qu’il y a lieu de se prononcer contradictoirement;
EN LA FORME
Considérant que l'appe1 est régulier et recevable;
AU FOND
Considérant que dans son acte d'appel valant premières conclusions, H. demande l'infirmation de l'ordonnance de référé entreprise, en exposant que le 1er février 1998, il a pris en location un 1ocal à usage commercial, appartenant à la succession de feu Y., moyennant un loyer mensuel de 50.000 F; que suite au décès intervenu à Paris (France) de son fils, ainsi que de celui d'une de ses employées en janvier 2000, il a accumulé des arriérés d'un montant de 560.000 F; qu'ayant déjà réglé la somme de 300.000 F, il s'organise pour solder le reliquat;
Considérant que par écritures datées du 29 juin 2000 et déposées au greffe le 27 juillet 2000, l'intimé A. conclut au débouté de l'appelant, en soutenant que celui-ci reste lui devoir les loyers des mois postérieurs à la décision déférée, outre la somme reliquataire de 260.000 F
SUR CE
Considérant qu'aux termes de l'article 228 nouveau alinéa 3 du Code de procédure civile, « dans le délai de huit (8) jours au plus à compter de la signification de l'appel, les parties doivent, à peine de forclusion, faire parvenir au greffe de la Cour :
1- les conclusions et pièces dont elles entendent se servir en cause d'appel;
2- une déclaration faisant connaître si elles entendent présenter ou faire présenter devant la Cour, des explications orales »;
Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que l'intimé A. a déposé ses conclusions au greffe de la Cour, le 27 juillet 2000, alors que la signification de l'appel date du 22 juin 2000;
Qu'en application du texte susvisé, il convient de déclarer l'intimé susnommé forclos et, en conséquence, d'écarter ses écritures des débats;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure, que H. a pris en location un local à usage commercial appartenant à la succession de feu Y., à raison de 50.000 F par mois, à titre de loyer; que le locataire doit des arriérés d’un montant de 260.000 F; que c'est ainsi que sur saisine, le Juge des référés a prononcé son expulsion pour non-paiement de loyer;
Considérant qu'à l'audience du 17 novembre 2000, la Cour a d'office soulevé la nullité de l'ordonnance déférée, pour violation de l’article 36 alinéa 1er de la loi ivoirienne N° 80-1069 du 13 septembre 1980 sur les baux commerciaux, et renvoyé la cause à huitaine, soit au 24 novembre 2000, pour recueillir les observations des parties sur ce moyen;
Considérant qu'à l'audience de renvoi, aucune partie n'a fait valoir des observations;
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de l'Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 portant sur le droit commercial général, les dispositions d'un certain nombre d'articles limitativement énumérés sont d'ordre public; que c'est le cas de l'article 101;
Considérant que cet article stipule notamment qu'à défaut de paiement de loyer, le bailleur peut demander l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, à la juridiction compétente;
Considérant que ce texte ne précise pas la juridiction compétente; que pour déterminer cette juridiction, il convient de recourir aux conditions du droit national de chaque Etat partie;
Considérant que l’article 36 de la loi ivoirienne N° 80-1069 du 13 septembre 1980 sur les baux, précitée, dispose :
« Les contestations relatives à la fixation du prix du loyer du bail révisé ou renouvelé sont portées devant le Président du Tribunal de Première Instance ou le Juge de section qui statue comme en matière de référé;
Les autres contestations sont portées devant le Tribunal ou la Section de Tribunal qui statue suivant la procédure de droit commun, et qui peut accessoirement se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent;
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble »;
Considérant qu’il résulte de cet article que 1ejuge des référés n'est compétent que pour connaître des contestations relatives au montant des loyers d'un bail révisé ou renouvelé;
Or, considérant, en l'espèce, que l’objet de la demande de A. était l'expulsion de H. pour non- paiement de loyer;
Considérant que la juridiction compétente était donc le Tribunal; qu'en statuant alors qu'il était incompétent, le Juge des référés a violé l’article 36, alinéa 1er de la loi ivoirienne susvisée; que dès lors, sa décision encourt annulation, les règles de compétence d'attribution étant, selon l'article 9 du Code de procédure civile, d'ordre public;
Considérant qu’il échoit de mettre les dépens à la charge de l’intimé susnommé;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME :
– Reçoit l'appel de H.;
AU FOND :
– Annule l'ordonnance N° 2120 rendue le 31 mai 2000 par le Juge des référés du Tribunal d’Abidjan, pour violation de l’article 36 alinéa 1er de la loi ivoirienne N° 80-1069 du 13 septembre 1980 sur les baux commerciaux;
– Condamne l'intimé A. aux dépens.
– Président : M. SEKA ADON Jean-Baptiste.
Note
Quelle est la juridiction compétente pour connaître de la demande d'expulsion du locataire qui ne paie pas ses loyers ?
L'intérêt de la question réside dans le fait que l’Acte Uniforme portant droit commercial général renvoie au Droit national de chaque Etat partie pour déterminer la juridiction compétente.
C'est donc par rapport à la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 sur les baux commerciaux, qu'il faut rechercher la réponse à la question, notamment l'article 36, qui en-dehors des contestations relatives à la fixation du prix du loyer du bail révisé ou renouvelé, qui sont de la compétence du Juge des référés, fait ressortir les autres de la compétence du Tribunal ou de la section du Tribunal.
Il en résulte que la demande d’expulsion du locataire pour non-paiement de loyer, ressort de la compétence du Tribunal et non du Juge des référés.
C'est ce qui explique l'annulation de l'ordonnance attaquée, le Juge des référés ayant violé l'article 36 de la loi précitée.