J-03-117
Droit commercial général – Bail commercial – Arriérés de loyers – Demande en expulsion – Mise en demeure préalable (non) – Règlement des loyers litigieux – Expulsion (non).
C'est à tort que le premier Juge a cru devoir ordonner l'expulsion du locataire des lieux qu'il occupe, dès lors que d'une part, les arriérés de loyers ont été payés, et que d'autre part, le bailleur n'a pas servi de mise en demeure pour les loyers impayés postérieurs à la saisine du Juge.
[Cour d'Appel d'Abidjan. Arrêt N° 331 du 20 mars 2001Clinqiue des Lagune c/ G.H.B., le Juris Ohada, n° 1/2003, janvier-mars 2003, p. 51 et note).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant exploit en date du 24 janvier 2001 comportant ajournement au 06 février 2001, la Société "CLINIQUE DES LAGUNES ", SARL ayant son siège social à Abidjan Zone 4C, représentée par son Directeur, le Docteur Bruno CLAVER, ayant pour Conseil la SCPA ADJE - ASSI - METAN, Avocats près la Cour d'Appel d'Abidjan, a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 4088, rendue le 18 octobre 2000 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, 1aquelle juridiction, en la cause, s'est prononcée en ces termes :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Ordonnons l'expulsion de la Société "CLINIQUE DES LAGUNES", des lieux qu'elle occupe, tant de sa personne, de ses biens, que de tous occupants de son chef, pour non-paiement de loyers, sous réserve de l'article 10 de la loi N° 77-995 du 18 décembre 1977, réglementant les rapports des bailleurs et des locataires, des locaux à usage d’habitation ou à usage commercial;
– Disons que faute par elle de le faire volontairement, elle y sera contrainte par tous les moyens de droit;
– Ordonnons l’exécution provisoire de la présente ordonnance;
– Condamnons la défenderesse aux dépens;
Il ressort des énonciations de l'ordonnance querellée, que par exploit daté du 23 juin 2000, Monsieur G.H.B. a assigné la "CLINIQUE DES LAGUNES" à comparaître par-devant le Juge des référés d’Abidjan, pour obtenir son expulsion des lieux qu'elle occupe, tant de sa personne, de ses biens, que de tous occupants de son chef;
Monsieur G.H.B. a exposé au soutien de son action devant le Premier Juge, qu'il a loué à la Clinique des Lagunes, un local sis à Abidjan Zone 4 C, moyennant un loyer mensuel de 1.380.000 F, et que faute de s’acquitter régulièrement dudit montant, la Clinique des Lagunes reste lui devoir la somme de 9.660.000 F, représentant 07 mois de loyers échus et impayés, allant de janvier à juillet 2000;
Il a indiqué que cette situation lui cause un préjudice qui s’aggrave de jour en jour, et dont il sollicite la cessation par l’expulsion de la société Clinique des Lagunes;
Le premier Juge a, pour statuer comme il l’a fait, relevé que la société Clinique des Lagunes est représentée par ses Conseils, et qu’elle n’a pas rapporté à l’audience, la preuve qu'elle a payé les sommes qui lui sont réclamées;
En cause d’appel et au soutien de son recours, la Société Clinique des Lagunes affirme que, bien que l’ordonnance querellée ne le mentionne pas, elle s’est acquittée du règlement de la somme de 11.040.000 F, incluant ainsi le loyer du mois de septembre 2000;
Elle ajoute qu’elle n’a cependant pas reçu de commandement pour les loyers de septembre et octobre 2000, et qu’au surplus, s’agissant d’un bail à usage professionnel, elle ne peut être expulsée, en application de l’article 101 du Traité OHADA, que pour les loyers pour lesquels elle a reçu commandement de payer, ce qui, précise-t-elle, n’est pas le cas;
L’appelante en déduit que non seulement l’ordonnance querellée n'est pas conforme à la réalité, mais qu’elle a été de surcroît, rendue au mépris de la loi;
La Société Clinique des Lagunes sollicite par conséquent, l’infirmation de la décision dont appel;
Quant à l'intimé, Monsieur G.H.B., il a déposé des écritures par le canal de son Conseil, Maître Ibrahima DOUMBIA, Avocat près la Cour d'Appel d'Abidjan;
Il y conclut à l’irrecevabilité de l’appel de la Société CLINIOUE des LAGUNES, pour non- respect des dispositions des articles 200 et 251 du Code de procédure civile;
Il indique, en effet, que l'exploit d'appel ayant été délivré à l'étude du Conseil de Monsieur G.H.B., l’huissier instrumentaire aurait dû adresser à celui-ci une lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour l'informer de cette remise, ce qui n'a pas été le cas;
S'agissant du fond, l’intimé sollicite la confirmation pure et simple de l’ordonnance querellée;
Monsieur G.H.B. déclare qu’en date du 18 octobre 2000, la Société CLINIQUE des LAGUNES restait lui devoir la somme totale de 3.040.000 F, représentant les loyers échus et impayés de septembre et octobre 2000, et un reliquat du loyer d'août 2000;
L'intimé précise que1a somme 11.040.000 F dont s'est acquittée la locataire couvre les arriérés antérieurs à septembre 2000;
Il demande par conséquent à la Cour, de débouter la Société Clinique des Lagunes de son appel;
Les parties sont représentées par leurs Conseils respectifs; elles ont produit des écritures et déposé des pièces; il y a donc lieu de statuer contradictoirement;
DES MOTIFS
EN LA FORME
La Société CLINIQUE DES LAGUNES a fait servir son exploit d'appel en l'étude du Conseil de Monsieur G.H.B., lequel Conseil le représentait déjà devant le premier Juge;
C'est d'ailleurs ce même Conseil qui a présenté des observations orales en faveur de son client à la barre de la Cour, et qui a pris et déposé des écritures et pièces dans la présente instance;
Il est en outre de principe, que la constitution d'avocat emporte élection de domicile chez l’avocat constitué;
Ainsi, en l’espèce, l’huissier instrumentaire qui a régulièrement servi l'exploit d'appel en l'étude de 1'Avocat constitué de Monsieur G.H.B., n’était nullement concerné par les dispositions des articles 250 et 251 du code procédure civile;
Il s'ensuit que l'appel de la Société CLINIQUE des LAGUNES est recevable, pour être intervenu selon les forme et délai légaux;
AU FOND
Il est acquis aux débats et non contesté par les parties, que Monsieur G.H.B. a, aux termes de l'exploit du 23 juin 2000, assigné la Société CLINIQUE des LAGUNES en expulsion pour non-paiement des loyers de janvier à juillet 2000;
Par ailleurs, aux termes de l’article 101 du Traité OHADA relatif au bail commercial, le bailleur ne peut solliciter l’expulsion d’un locataire qu'après une mise en demeure à lui servie;
En l'espèce, Monsieur G. H. B. ne conteste pas avoir perçu avant le 18 octobre 2000, la somme de 11.040000 F courant, comme il l'a lui-même précisé dans ses écritures d'appel, les loyers antérieurs à Septembre2000;
Il reconnaît également qu'au moment où l'ordonnance d'expulsion était rendue, il n'avait pas servi de mise en demeure à sa locataire pour des loyers impayés postérieurs à septembre 2000;
Il suit de ce qui précède, que c'est à tort que le premier Juge a cru devoir ordonner l'expulsion de la Société CLINIQUE des LAGUNES, des lieux qu'elle occupe;
Il échet par conséquent, d'infirmer la décision querellée en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de déclarer Monsieur G.H.B. mal fondé en son action;
L'intimé ayant succombé à la présente instance, il y a lieu de le condamner aux dépens, en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare la Société CLINIQUE des LAGUNES recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé N° 4088, rendue le 18 octobre 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
– L’y dit bien fondée;
– Infirme l’ordonnance entreprise;
Statuant à nouveau :
– Déclare Monsieur G. H.B. mal fondé en son action, et l'en déboute;
– Président : M. TOURE Ali.
Note
Le bailleur doit servir préalablement une mise en demeure au locataire, avant toute demande en expulsion (voir Ohadata J-03-113).