J-03-118
Droit commercial général – Bail commercial – Ordonnance d'expulsion – Ordonnance ne concernant pas le local – Expulsion de fait (oui) – Absence de décision de justice d'expulsion – Maintien du locataire dans les lieux (oui).
Le locataire doit être maintenu dans le local à usage commercial, dès lors qu'il a été expulsé de fait, aucune décision de justice ne l'ayant expulsé dudit local.
[Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt n° 361 du 27 mars 2001, N c/ A), Le Juris Ohada, n° 1/2003, janvier-mars 2003, p. 54].
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties;
Considérant que par exploit d'huissier de justice en date du 23 février 2001, Monsieur N. a relevé appel de l'ordonnance rendue le 9 janvier 2001 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, qui a déclaré Mr. A. bien fondé en sa demande et a ordonné sa réintégration dans le local à usage commercial, sous astreinte comminatoire de 25.000 F par jour de retard;
Considérant qu'au soutien de son appel, N. expose qu’il avait loué à Mr. A., un local à usage d'habitation;
Que ce dernier, non seulement ne payait pas régulièrement ses loyers, mais qu'en plus, sans autorisation, il avait construit des dépendances dans la cour et un restaurant dit "maquis" sur une partie du terrain;
Considérant que Mr. N. explique qu'il est le représentant des ayants-droit de la famille N.;
Qu'à ce titre, il s'est toujours opposé verbalement à la construction et à l'exploitation du restaurant;
Que ce n'est pas lui qui a fixé le montant du loyer du restaurant, et qui en recueille le loyer;
Considérant que Mr. N. poursuit en expliquant que le 31 août 2000, il a obtenu l'expulsion de Mr A. des lieux qu'il occupait, par ordonnance N° 3378/2000 du 31 août 2000; qu'il a été procédé à cette expulsion;
Considérant que Mr. N prétend qu'il ne comprend pas pourquoi le Juge a, par ordonnance, ordonné la réintégration de Mr. A dans le restaurant, au motif que ce local était un local à usage commercial et n'était pas concerné par l'ordonnance d'expulsion;
Considérant que Mr N. sollicite en conséquence, l'infirmation de l'ordonnance entreprise et subsidiairement, l'expulsion de Mr A. du local à usage commercial et sa démolition, au sens des articles 551, 553 et 555 du code civil;
Considérant que Mr. A. répond qu'il est un locataire de bonne foi, parce qu'il a toujours régulièrement payé ses loyers;
Qu'il payait 10.000 F pour le local à usage d'habitation et 5.000 F pour le terrain nu sur lequel il a bâti le restaurant;
Qu'il explique qu’à l'époque, il avait obtenu d’un des frères, l'autorisation d'aménager ce restaurant et de faire la remise en état du local d’habitation;
Que la remise en état du 1ocal à usage d'habitation lui a coûté 515.565 F et que ce montant devait être déduit des loyers, comme il en avait été convenu avec les ayants-droit de la famille N.;
Que contrairement à son attente, ce montant n'avait pas encore été déduit des loyers;
Que concernant le local du restaurant, il a été construit à 25 mètres du local d'habitation et constitue un bâtiment tout à fait distinct;
Considérant que pour le paiement de ses loyers, A. fait valoir qu'il payait entre les mains des différents membres de la famille N., à savoir N., N.;
Considérant que par ailleurs, il explique qu'en exécution de l'ordonnance d'expulsion, l'huissier instrumentaire l'a expulsé de son local à usage d'habitation, mais aussi de son restaurant, lui faisant subir une voie de fait;
Que c'est la raison pour laquelle, il a demandé et obtenu, une ordonnance de réintégration dans son local, à usage commercial; qu'à ce jour, il a réintégré le local;
Qu'il sollicite dès lors, la confirmation de cette ordonnance;
DES MOTIFS
Considérant que les parties ont conclu, qu'il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
De la recevabilité de l’appel
Considérant que l'appel de Mr. N. a été introduit dans les forme et délai de la loi; qu’il y a lieu de le déclarer recevable;
De la recevabilité de la demande à la démolition du restaurant
Considérant que Mr. N. a demandé la démolition du restaurant;
Mais considérant que selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle;
Cette demande est une demande nouvelle, parce que formulée pour la première fois en cause d'appel;
Que dès lors, il y a lieu de la déclarer irrecevable, encore que le Juge des référés est incompétent pour ordonner une mesure de démolition d'une construction;
AU FOND
Considérant que le premier Juge a dans ses motifs, énoncé que "pour le maquis, les parties étaient liées par un contrat de bail commercial; que l'ordonnance d'expulsion n'a pas concerné ledit local; qu'en décidant d'étendre cette expulsion au maquis, les défendeurs commettent une voie de fait à laquelle il convient de mettre rapidement fin.. »;
Considérant que le local dont s'agit est un local à usage de restaurant; qu’il y a lieu de constater qu'il s'agit d’un 1ocal à usage commercial;
Considérant qu'un contrat de bail verbal existe entre un des membres de la famille N. et A., quand bien même ce membre ne serait pas N.;
Que A. produit des reçus de paiement pour le restaurant;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que A. a été expulsé de fait du local commercial;
Qu'il est évident qu'aucune décision de justice ne l'a expulsé de ce local-là;
Qu'il convient dès lors, de le maintenir dans le local à usage commercial, en confirmant sur ce point l'ordonnance de référé entreprise;
Considérant que A. a pu réintégrer sans résistance le restaurant; que l'astreinte comminatoire ne se justifiait pas; qu'il sied alors d'infirmer l'ordonnance entreprise sur ce point;
Considérant qu'il y a lieu de condamner les parties aux dépens, chacune pour moitié;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l'appel de Mr. N.;
– Déclare irrecevable, comme nouvelle, la demande tendant à la démolition du restaurant;
AU FOND
– Dit N. partiellement fondé;
Réformant l'ordonnance entreprise, déboute A. de sa demande d'astreinte;
– Confirme pour le surplus.
– Président : M. DEDOH DAKOURY.