J-03-12
Saisie-attribution – PLURALITE DE Saisies dont L’UNE couvre le montant de la dette – NOUVELLE SAISIE DE CARACTERE ABUSIF (NON).
L’article 154 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution n’interdit pas au créancier saisissant de procéder à plusieurs saisies contre le même débiteur, même si le montant de l’une d’entre elles suffit à éponger la dette.
[Cour d’Appel d’Abidjan - Arrêt N° 585 du 3 mai 2002 - Mobil Oil Côte d’Ivoire (Me Agnès OUANGUI) c/ Société Les Centaures Routiers et Autres (FDKA)].
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 03 mai 2002
La cour,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Suivant exploit en date du 27 février 2002, la Société MOBIL OIL – CI, ayant pour conseil Me Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 3672 du 10 septembre 2001, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui a :
– déclaré la Société MOBIL OIL-CI irrecevable en son action;
– constaté que les saisies pratiquées sont justifiées et régulières;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes;
A travers son exploit d’appel, MOBIL OIL expose que pour avoir paiement de la somme de 1.109.000.000 F suite à l’arrêt N° 1117 du 14 juin 1996 rendu par la Cour d’Appel, la Sté Les Centaures Routiers a pratiqué le 12 décembre 2000, une saisie entre les mains de la Compagnie AIR AFRIQUE, laquelle lui a permis d’immobiliser la somme totale de 4.061.566.850 F, au point qu’au sens de l’article 154 de l’Acte uniforme, les saisies des 28 juillet et 1er août 2001 pratiquées entre les mains de la S.C.B. et la CIE, sont sans aucun fondement – la première saisie étant largement suffisante pour garantir le paiement du montant de la condamnation;
Par ailleurs, poursuit-elle, il y a eu violation de l’article 87 du décret 75-51 du 29 janvier 1975, portant tarification des émoluments des Huissiers de Justice – en ce sens que les frais qui en découlent sont plafonnés à 20 000 F;
Par conséquent, il y a violation de l’article 157-3 de l’Acte uniforme, les frais inexacts réclamés correspondant à un défaut d’indication de ceux-ci;
De ce qui précède, elle conclut à l’infirmation de l’ordonnance;
Pour sa part, la Société Les Centaures Routiers, représentée par ses conseils Mes FADIKA, DELAFOSSE, KACOUTIE, ANTONY, Avocats à la Cour, articule sur le caractère excessif des frais et émoluments de l’huissier, qu’elle ne peut supporter des critiques, à propos d’acte qui n’engage que son auteur;
Les sommes à lui verser indiquées par elle ne comportent aucune erreur;
Sur la portée de l’article 154 de l’Acte uniforme, l’intimée critique l’argumentaire de la société appelante, suivant lequel, « la saisie pratiquée entre les mains de la Compagnie AIR AFRIQUE le 12-12-2000 est largement suffisante pour garantir le paiement »;
Elle précise, à ce propos, que ce texte ne fait pas obstacle à d’autres saisies mais énonce le principe « qu’entre les mains d’un tiers, la saisie ne peut avoir d’effet que pour le montant pour lequel elle est pratiquée »;
Poursuivant, elle précise que la saisie attribution est une mesure d’exécution qui doit se solder par un paiement, la confusion étant à éviter avec la saisie conservatoire, encore qu’il est loisible à MOBIL OIL CI, d’ordonner le paiement des sommes qu’elle doit à l’un ou l’autre des tiers saisis, à l’effet de mettre un terme aux procédures judiciaires; la Société AIR AFRIQUE étant du reste incapable de nos jours à payer la somme saisie entre ses mains, elle conclut donc à la confirmation de l’ordonnance.
DES MOTIFS
De la violation de l’article 154 du traité ohada (sic)
Ce texte dispose que : « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers;
Les sommes saisies sont rendues indisponibles par l’acte de saisie. Cet acte rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation »;
Il ne résulte nulle part après analyse, que cet article ait fait défense au créancier de procéder à des saisies multiples, même si le montant d’une d’entre elles suffit à éponger la dette;
C’est donc sans fondement juridique que MOBIL OIL reproche à la société Les Centaures Routiers d’avoir procédé ainsi;
Il échet dès lors de rejeter son moyen;
De la violation de l’article 157 du traité ohada (sic)
Pour établir cette violation, l’appelante fait état du montant des émoluments de l’Huissier Instrumentaire, en contradiction avec celui prévu par le décret N° 75-51 du 29 janvier 1975; il convient de relever qu’à supposer ces anomalies avérées, elles ne peuvent être imputées qu’à son auteur bénéficiaire, de sorte qu’il convient de rejeter ce second moyen;
La Société MOBIL OIL succombe ainsi en la cause; il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
Reçoit la Société MOBIL OIL en son appel relevé de l’ordonnance de référé n° 3672 du 10 septembre 2001, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
– L’y dit mal fondée;
– L’en déboute;
– Confirme en toutes ses dispositions ladite ordonnance;
– Condamne l’appelante aux dépens;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (1ère Chambre Civile), a été signé parle Président et le Greffier.
Voir les observations sous Ohadata J-03-11.
On peut regretter que la cour emploie encore l’expression de Traité Ohada à la place d’Acte uniforme.