J-03-130
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO – EX ZAÏRE – SOCIETES COMMERCIALES – ACTE MODIFICATIF DE LA REPARTITION DU CAPITAL – VICE DE CONSTITUTION DE LA SOCIETE (NON).
Droit congolais des sociétés :
Il n’y a pas vice de constitution d’une société si seuls les actes modificatifs, et non les statuts sociaux initiaux, violent les dispositions légales relatives à la modalité de répartition du capital social entre associés nationaux et étrangers.
(Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, R.C.A. 18.443/18.450, 30/04/1998, IMAGIN c/ SOZADECHANGES).
Arrêt :
Par sa déclaration faite et actée le 10 octobre 1995 au Greffe de la Cour de céans, Maître KENEM KATOT’ETA, Avocat au Barreau de Kinshasa et porteur de la procuration spéciale lui donnée par la SOZADECHANGES SPRL, poursuites et diligences de son Gérant M. Abraham SOUERY, a relevé appel du jugement sous RC 63.946 rendu contradictoirement par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe en date du 24 juillet 1995, lequel a déclaré irrecevable l’action de la SOZADECHANGES pour défaut de qualité, l’a condamnée pour action téméraire et vexatoire au paiement de la somme de 10.000 USD en faveur de la défenderesse la Société IMAGIN, et frais à charge de la condamnée.
Ce recours a été enrôlé sous le numéro RCA 18.443;
De son côté, M. Charles ENGELBERT, représentant permanent du Gérant de la même société, a relevé appel du même jugement par sa déclaration faite et actée le 13 octobre 1995 au même greffe. Cet appel a été enrôlé sous le RCA 18.450.
Par ses conclusions d’appel du 17 décembre 1997, Maître LUKOMBE NGHENDA, Avocat au Barreau de Kinshasa et porteur d’une procuration spéciale lui donnée le 20 décembre 1995 par la Société IMAGIN SPRL, poursuites et diligences de M. Philippe GERARD, son Gérant, a relevé appel incident du même jugement;
SUR LA RECEVABILITE DES APPELS
I. En ce qui concerne l’appel repris au RCA 18.443.
Dans ses conclusions, l’intimée IMAGIN SPRL soulève l’exception d’irrecevabilité de ce recours tirée respectivement du « défaut de qualité dans le chef de M. Abraham SOUERY qui a signé la procuration spéciale donnée à l’Avocat KENEM KATOT’ETA » - absence de date et lieu de l’établissement de cette procuration -, et de « la nullité et l’irrégularité dans la constitution de l’appelante principale »;
a) Quant au défaut de qualité
Pour ce qui est du défaut de qualité dans le chef de M. Abraham SOUREY, l’intimée développe son moyen comme suit :
Le procès-verbal désignant Abraham SOUERY n’a pas été établi en forme authentique; ce qui entraîne son irrégularité, sa nullité. En effet, explique-t-elle, contrairement au prescrit des articles 4, 6 et 7 de l’Ordonnance-Loi n° 66-344 du 09 juin 1966, les parties ne l’ont pas signé en présence du notaire et ce faisant, celui-ci n’a pas procédé à la vérification de l’identité des comparants, ni à la lecture de l’acte devant ces derniers;
Enfin, elle argue que contrairement au soutènement de l’appelante principale qui considère l’arrêt RCA 18.537/18.375 de la Cour de céans comme une jurisprudence à laquelle il faut se référer dans le cas d’espèce pour soutenir que les associés de l’appelante principale pouvaient, sans enfreindre la loi, signer le procès-verbal de l’assemblée générale du 25 janvier 1993 en l’absence du notaire et le transmettre à celui-ci par une personne interposée pour son authentification, - cet arrêt ne peut constituer en lui-même une jurisprudence, pour autant qu’il renferme un mal jugé flagrant qui a fait qu’il soit aujourd’hui déféré en cassation devant la Cour Suprême de Justice pour violation des dispositions légales;
Partant, la procuration spéciale établie par M. Abraham SOUERY en faveur de l’Avocat KENEM KATOT’ETA est nulle.
b) Quant à l’absence de date et du lieu de l’établissement de la procuration susdite
L’intimée Société IMAGIN soutient que l’omission d’indiquer les mentions nécessaires dont la « date » et le « lieu » où ladite procuration spéciale a été rédigée, rend cet écrit inopposable aux tiers; car, sans date certaine ni lieu sûr, il n’est pas possible de vérifier la conformité du document aux lois du pays où il a été rédigé.
Elle en tire comme conséquence que la procuration donnée à Maître KENEM ne peut, en droit, servir valablement à former appel. C’est pourquoi, aux regards des tiers, l’appel formé par cet avocat est sensé avoir été interjeté sans procuration spéciale. Partant, le recours sous RCA 18.443 est irrecevable faute de qualité dans le chef de l’Avocat KENEM.
c) Quant à la nullité et l’irrégularité dans la constitution de la Société SOZADECHANGES
L’appelante incidente IMAGIN allègue que la partie adverse a été irrégulièrement constituée; partant, celle-ci ne peut légalement ester en justice. Ces nullité et irrégularité, ajoute-t-elle, résultent du prescrit de l’article 2 de la Loi n° 77-027 du 17 novembre 1977 selon lequel : « Les participations des associés dans toute société congolaise exerçant ses activités au Congo, doivent être telles que les parts sociales des personnes physiques ou morales de nationalité étrangère n’excèdent pas 60% du capital social, les 40% ou plus devant revenir aux congolais »;
Dans le cas d’espèce, renchérit-elle, l’appelante principale qui est une société de droit congolais a deux associés dont la Société » HIPARFIN », S.A. de droit luxembourgeois avec 900 parts sociales, soit 99% du capital social et la Société congolaise « BURESMA » SPRL qui n’en détient que 10, soit 1% du capital social.
Qu’en vertu de l’article 126 du Décret du 23 juin 1960, « toute société dont l’existence est contraire à l’ordre public est nulle. Ainsi, l’existence juridique de la SOZADECHANGES est nulle et ses présents appels comme son action originaire demeurent irrecevables ».
L’appelante incidente ajoute que l’objet de cette dernière société étant notamment les opérations d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail, importation et exportation de tous produits et marchandises …, elle a enfreint encore les dispositions de la Loi n° 73/009 du 05 janvier 1973 telle que modifiée à ce jour, qui réserve l’exclusivité de l’exercice desdites activités aux seuls congolais, personnes physiques ou morales. Les étrangers ne peuvent exercer pareilles activités et être associés dans une société congolaise qui les exerce, que moyennant autorisation présidentielle. Ce qui fait défaut dans l’appelante principale.
A ces propos d’irrégularité de l’appel sous RCA 18.443, l’appelante principale rétorque comme suit dans la partie « discussion en droit » de ses conclusions :
1° Que le seul fait que le procès-verbal de l’assemblée générale du 25 janvier 1993 ait été présenté à l’Office Notarial par Maître Geneviève DECAMP en l’absence des associés, ne peut constituer une irrégularité entraînant la nullité de la nomination de M. Abraham SOUERY en qualité de Gérant;
Elle invoque la jurisprudence de la Cour de céans en son arrêt RCA 18.537/18.375, confirmé par l’arrêt RC 22 03 du 29 août 1997 de la Cour Suprême de Justice, pour dire que l’acte sous seing privé établi par les parties peut valablement être notarié (authentifié) à l’Office Notarial en vertu de l’article 4 alinéa 1° du Décret du 17. 11. 1953. En effet, aucune disposition au décret du 26 août 1938 et à l’Ordonnance-Loi n° 66-344 du 9 juin 1966 ne fait état ni ne mentionne à titre limitatif, exclusif, ou impératif les personnes chargées de présenter le procès-verbal d’assemblée générale d’une société à l’Office notarial pour son authentification.
Elle soutient qu’en application des dispositions susdites ainsi qu’à celles de l’article 200 du code civil livre III les associés d’une SPRL ont la latitude de rédiger et de signer l’acte avant son authentification par le notaire ou de le laisser rédiger par celui-ci avant qu’ils ne le signent ensemble ou avec lui. Ainsi la formule « Le comparant pré-qualifié a déclaré devant nous que l’acte susdit, tel qu’il est dressé, renferme bien l’expression de sa volonté », ne met pas en exergue la seule volonté du mandataire lui-même comme tel, mais plutôt la volonté dérivée des mandants (associés).
Elle invoque la doctrine selon laquelle « lorsque la nomination d’un gérant a été régulièrement publiée, ni la société ni les tiers ne peuvent se prévaloir d’une irrégularité dans l’acte de nomination pour se soustraire à leurs engagements » (voir George Ripert, Traité élémentaire de Droit commercial, éd. L.G.D.J., 1969, Paris, n° 696, p.378). Cela, pour dire que l’exception d’irrecevabilité de l’appel sous RCA 18.443, tirée du défaut de qualité dans le chef de M. Abraham SOUERY qui a signé la procuration donnée à l’avocat et pour qui le procès-verbal de désignation n’a pas été établi en forme authentique, est irrelevante.
En outre, affirme-t-elle, cette procuration ayant été légalisée régulièrement, ce moyen de l’intimée n’est rien d’autre qu’une violation de la foi due aux actes authentiques. En effet, quand bien même le greffier aurait repris ces mentions dans son acte d’appel du 10 octobre 1995, les conclusions de la Société IMAGIN SPRL n’iraient pas moins à l’encontre de cette foi due aux actes authentiques.
Que dès lors, la Cour déclarera tout simplement irrelevants ces moyens soulevés par la Société IMAGIN.
2° Que l’acte constitutif de l’appelante principale comme ses actes de modification issus de l’assemblée générale ont été déposés au greffe et publiés ou envoyés en publication au journal officiel. Ce qui a fait que sa constitution est régulière.
Rencontrant ces dires et moyens des parties autour de la recevabilité de l’appel sous RCA 18.443, la Cour dit le droit de la manière ci-après :
1) S’agissant de la procuration spéciale pour appel établie par M. Abraham SOUERY, la Cour la retient ou la considère comme étant régulière, conforme à la loi. En effet, pour qu’une procuration donnée à un avocat pour relever appel soit régulière, la loi, la doctrine et même la jurisprudence exigent la réunion d’éléments ci-après : le caractère spécial (elle doit être spéciale et non générale) et la qualité du mandant (article 68 al.1° du Code de procédure civile).
La Cour note en passant que pour revêtir le caractère spécial, l’acte ne doit contenir que les mentions relatives aux précisions sur le mandant, le mandataire, le mandat, les noms des parties au procès, l’identification de la juridiction qui a rendu la décision entreprise, la date du prononcé et le numéro du rôle, les lieu et date de sa rédaction (article 14 al.4° du Code de procédure civile; jurisprudence de la Cour d’Appel Kin/Gombe, RCA 37/9598 du 18.01.1990; RCA 13.880/12.904/12.905 du 13.07.1989; RCA 15.084/15.990 du 15.05.1992 inédit).
Elle relève que dans le cas d’espèce, la spécificité du mandat donné à Maître KENEM résulte du seul fait que celui-ci n’a été donné qu’aux fins de former appel. Comme on peut bien le constater dans son original versé au dossier de la cause, ce mandat ne comporte que les seules précisions sur le mandant, soit « la Société SOZADECHANGES », sur le mandataire soit « Maîtres KENEM et consorts, avec pouvoir de substitution… », sur le mandat, sur l’identification de la juridiction qui a rendu le jugement entrepris, le numéro du rôle et la date du prononcé, soit « relever appel du jugement rendu sous le n° RC 63.946 par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe en date du 24 juillet 1995 », et sur le lieu et la date de son établissement, soit « Bruxelles, le 02 octobre 1995 (voir verso du document) ».
Elle fait remarquer, quant à la qualité du mandat d’Abraham SOUERY, que celle-ci s’entend comme « le pouvoir en vertu duquel une personne exerce une action en justice ». Telle est donc la définition donnée par la doctrine (V.H. SOLUS et R. PERROT : Droit judiciaire privé, t.1, 1961, n° 262).
Dans le cas soumis à l’appréciation de la Cour de céans, c’est en vertu des pouvoirs lui conférés par l’assemblée générale de la SOZADECHANGES SPRL du 25 janvier 1993, dans son article 17, et ce conformément à l’article 17 de l’acte constitutif que M. SOUERY a été désigné ou nommé gérant pour une durée indéterminée.
Elle renchérit qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute d’affirmer que le procès-verbal de cette assemblée générale régulièrement notarié constitue un acte authentique par excellence. En effet, il a été soumis régulièrement aux formalités d’usage, conformément au prescrit de l’article 4 de l’O.L. n° 66-344 du 9 juin 1966.
Elle opine que le fait pour les actionnaires de n’avoir pas présenté eux-mêmes, en leurs mains propres, ce procès-verbal à l’Office Notarial pour le signer ou le contresigner avec le notaire, en présence de celui-ci, préférant le transmettre aux bons soins de l’Avocat Geneviève DECAMP, sa représentante, n’enlève en rien le caractère authentique et régulier de l’acte. Il en est de même de la formule stéréotypée reprise par le Notaire dans son acte notarié, laquelle reprend ces termes : « le comparant pré-qualifié a déclaré devant nous que l’acte susdit tel qu’il est dressé, renferme bien l’expression de sa volonté », qui ne peut être entendu que comme « l’expression de la volonté des associés qui l’ont mandaté pour ce faire ».
Ceci, pour la bonne raison que le rôle de l’avocat conseil d’une société ne se limite pas à la défense des intérêts de celle-ci en justice, mais il consiste également et entre autres à la représenter, moyennant mandat spécial, à l’office de certains services administratifs spécialisés, ou même parastataux pour des devoirs précis. Tel est le cas du mandat donné à Maître Geneviève DECAMP. Ce mandat spécial trouve son fondement dans la résolution n° 10 de l’assemblée générale extraordinaire susvisée (procès-verbal p. 5).
La Cour fait remarquer enfin, que dans son 2ème « tiret », la même résolution a donné mandat spécial à M. Abraham SOUERY d’effectuer les formalités de dépôt au greffe. Ce qui ne pourra pas faire l’objet de contestation par les tiers sous quelque prétexte que ce soit (article 2 du Décret du 27 février 1887).
Elle met en relief le prescrit de l’article 7 du décret du 27 février 1887 sur les sociétés commerciales, selon lequel « les sociétés agissent par leurs représentants dont les pouvoirs s’établissent par l’acte constitutif ou par les actes postérieurs faits en exécution de l’acte constitutif ». En l’espèce, par acte postérieur, l’assemblée générale sus-rappelée avait pris la résolution, en exécution des statuts de la société, de donner mandat à Maître DECAMP de présenter son procès-verbal à l’Office Notarial en vue d’un enregistrement sous forme authentique.
Elle rappelle que la Cour de céans a déjà décidé dans le même sens sous RCA 18.537/18.375 opposant la COGEVIA à M. Eric Bourgeois, laquelle décision a été confirmée par l’arrêt sous RC 2.203 du 29 août 1997 de la Cour Suprême de Justice.
Dans ce même ordre d’idées, il y a lieu de rappeler également que l’exposé des motifs du décret du 17 novembre 1953 sur les actes notariés, tel que modifié par l’Ordonnance-Loi n° 66-344 du 9 juin 1966, explicite en disant que le rôle du notaire se borne à donner l’authenticité aux actes lui présentés par les impétrants; il pourra cependant être amené à les rédiger lui-même, sur indications de ceux-ci;
Il résulte ainsi de l’économie de ce texte que le fait d’établir chez soi un texte, de le signer, puis le transmettre (par après) par une personne dûment mandatée, à l’Office Notarial pour son authentification ne peut entraîner l’irrégularité de l’authenticité de l’acte notarié (sanctionné par la formule apposée par le Notaire).
Ceci étant, la Cour dit que ces derniers moyens apportés aux débats par la Société IMAGIN restent sans fondement de droit.
2) S’agissant du moyen tiré de l’absence des mentions relatives au « lieu » et à la « date » de rédaction de la procuration spéciale dont question, la Cour estime que c’est par inadvertance que l’intimée IMAGIN SPRL n’a pu compulser toutes les mentions contenues audit document. En effet, le lieu et la date de l’établissement de ce mandat spécial se trouvent au verso du document, en haut. Ce moyen sera également écarté par la Cour comme étant ainsi sans fondement de droit;
3) S’agissant des moyens relatifs à la nullité et à l’irrégularité dans la constitution de la société SOZADECHANGES, la Cour opine qu’il est sans conteste vrai que celle-ci a été fondée (constituée) depuis le 24 décembre 1979. Elle a été, par conséquent, enregistrée à la même date à l’office notarial de Kinshasa sous le n° 45.775, folio 134-143, volume DXLXVI.
De par sa dénomination, la société s’appelle « Société Zaïroise de Développement des Echanges », en sigle « SOZADECHANGES ». A sa constitution, cette société qui avait trois actionnaires (SORIMEX, S.A., société de droit français, avec 51% d’actions; Renault-Zaïre, société de droit zaïrois avec 40% d’actions; et EFOM S.A., société de droit helvétique avec 9% d’actions), s’était conformée à la loi, spécialement à l’article 2 de la Loi n° 027 du 17.11.1977 (cote 10, dossier appelante principale). Partant, elle était régulièrement constituée, aucune nullité ne peut la frapper dans sa constitution.
Il est vrai que pour le moment cette société comprend deux actionnaires dont « HIPARFIN, S.A. » de droit luxembourgeois avec 99% d’actions et « BURESMA » de droit congolais avec 1% d’actions. Mais cette situation ne donne pas lieu à l’autorisation présidentielle avec paiement de la taxe sur celle-ci, étant donné que, dans le cas d’espèce, la société bénéficie d’une exemption conformément à l’article 2, point 1° de l’Arrêté ministériel n° 140/87-0001 du 8 janvier 1987 portant mesures d’exécution de l’Ordonnance n° 86-028 du 05.02.1986 fixant la taxe sur l’autorisation présidentielle. Cette exemption résulte du fait que la société exerce une activité agricole, entre autres.
La Cour relève par conséquent, que contrairement au soutènement de la société IMAGIN sur l’objet de la SOZADECHANGES et selon lequel cet objet est « notamment toutes opérations d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail, en ce compris l’importation de tous produits et marchandises… »
L’article 3 al.1° du titre I des statuts stipule que : « la société a pour objet, toute entreprise se rapportant directement ou indirectement à l’exportation, l’usinage, le traitement, la transformation, la commercialisation de tous les produits naturels (agricoles) du Zaïre, les produits du sol (agricoles), du sous-sol et dérivés, ainsi que la commercialisation de tous les autres produits et marchandises, tant au Zaïre qu’à l’étranger ».
L’alinéa second de cet article est ainsi libellé : « A cette fin, elle pourra effectuer, tant pour elle-même que pour le compte des tiers, toutes opérations généralement quelconques d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail… » (cote 9, dossier appelante principale et 70, dossier intimée).
La Cour dit qu’il appert de l’économie de cette disposition statutaire que l’objet principal ou tout simplement l’objet de la SOZADECHANGES se trouve renseigné dans l’alinéa 1er de l’article 3 susvisé; tandis que le texte de l’alinéa second n’est qu’à titre subsidiaire. En effet, il est bien renseigné que la société pourra effectuer… Ce qui suppose qu’à l’avenir elle pourra ou non effectuer ces opérations. C’est donc encore au niveau du projet.
Faut-il alors se borner à retenir ce que l’on envisage de faire dans un avenir incertain comme l’objet de la société et passer outre l’objet proprement dit stipulé clairement à titre principal ? La Cour déduit de ce qui précède que ce dernier moyen de l’intimée IMAGIN est aussi sans fondement de droit;
Elle considère qu’en vertu de tous ces éléments de droit qui venaient d’être étayés ci-dessus, et relatifs à la recevabilité de l’appel sous RCA 18.443, ce dernier recours doit être déclaré recevable.
II. En ce qui concerne l’appel sous RCA 18.450
L’appelante incidente et intimée au principal soulève également l’exception d’irrecevabilité de l’appel sous RCA 18.450, motif pris, il y a défaut d’objet et défaut de qualité dans le chef de M. Charles ENGELBERT qui l’a relevé.
Quant au défaut d’objet, l’appelante incidente IMAGIN argue que le recours RCA 18.443 relevé par la même SOZADECHANGES le 10 octobre 1995 contre le jugement RC 63.946 du 24 juillet 1995 est encore pendant devant cette Cour; un second appel sous RCA 18.450 du 13 octobre 1995, initié par la même société contre le même jugement entrepris (RC 63.946) est irrecevable faute d’objet.
Quant au défaut de qualité de M. ENGELBERT, l’intimée IMAGIN et appelante incidente, soutient que les qualités de « gérante et de représentant permanent » revêtues par M. ENGELBERT ont été acquises irrégulièrement, elles sont alors inopposables aux tiers. Elle avance quatre raisons :
– Le défaut de preuve de la « constitution régulière » de HIPARFIN au Grand Duché de Luxembourg suivie de la preuve statutaire de dirigeant social qu’avait M. ENGELBERT dans la Société HIPARFIN de pouvoir représenter celle-ci à l’assemblée générale du 11 octobre 1995;
– Le défaut de preuve de dépôt au greffe du registre du commerce de l’attestation de résidence au Zaïre (RDC) délivrée à M. ENGELBERT;
– Le défaut de « preuve de la conclusion régulière du contrat de délégation de gérance nommant ENGELBERT représentant permanent »;
– et le défaut de « preuve de dépôt au greffe du procès-verbal de l’assemblée générale du 11 octobre 1995 et de sa publication au journal officiel.
Elle conclut que la qualité de M. ENGELBERT de représenter l’appelante principale en justice ne peut pas être opposée aux tiers; partant, l’appel sous RCA 18.450 est irrecevable.
A cette exception, la SOZADECHANGES rétorque que contrairement au soutènement de l’intimée Société IMAGIN SPRL, l’article 70 du Décret du 27 février 1887 sur les sociétés commerciales invoqué par elle ne régit que le cas d’intérêts opposés du gérant et de la société.
Aussi, ajoute-t-elle, la société HIPARFIN se prévalant des statuts de la SOZADECHANGES dûment publiés, lesquels lui reconnaissent la qualité d’associé, il s’ensuit que la nomination de M. ENGELBERT en qualité de gérant est conforme aux statuts susvisés et à la loi (article 64 du Décret du 23 juin 1960 et article 17 des statuts…).
C’est encore à tort que l’intimée prétend que la société HIPARFIN était irrégulièrement constituée. En effet, la preuve de sa constitution conformément aux lois du Grand Duché de Luxembourg (Recueil spécial C) est produite au dossier de la cause sous cotes 87 à 92 des pièces de la SOZADECHANGES.
En outre, enchaîne-t-elle, le dépôt au greffe du registre du commerce de l’attestation de résidence de M. ENGELBERT a été effectivement fait comme le prouve la pièce ad hoc sous cote 95 versée au dossier. Elle continue en soutenant que conformément aux articles 70 du Décret du 23 juin 1960 et 17 al.3° des statuts de l’appelante principale, la Société HIPARFIN qui, par acte de convocation de l’assemblée générale, a pris connaissance de l’ordre du jour de celle-ci, s’est préparée en conséquence en se faisant représenter par son permanent au siège social de la SOZADECHANGES.
Ce dernier mandataire devait exercer le mandat de gérant au nom et pour le compte de la mandante HIPARFIN. Ce qui revient à dire que les deux mandats ne sont pas opposés, étant donné qu’ils sont réalisés au nom et pour le compte de la mandante. Elle conclut par dire que l’exception soulevée était irrecevable.
Pour ce qui est de la publication postérieure à la date d’appel du procès-verbal de l’assemblée générale précitée qui a porté par ailleurs nomination de M. ENGELBERT…, elle laisse entendre que le dépôt au greffe ayant été fait le 13 octobre 1995, l’appelante principale ne pourra pas être pénalisée pour tardiveté de publication de l’acte, rôle et responsabilité qui n’incombent qu’au greffier. Tel est l’avis de la jurisprudence qui tranche que la « preuve du mandat possédé par le gérant d’ester en justice peut être produite notamment par la référence au journal officiel dans lequel l’acte a été publié ».
Elle conclut que de ce qui venait d’être dit, l’appel sous RCA 18.450 reste recevable.
Rencontrant les moyens des parties ci-haut mis en exergue et relatifs à la recevabilité de cet appel repris au RCA 18.450, la Cour opine au préalable, pour ce qui est de son manque d’objet, que la doctrine admet que « l’objet du recours en appel est essentiellement de corriger le mal jugé constaté ou estimé existant dans l’œuvre du premier tribunal (1er juge) » (A. RUBBENS, Doit judiciaire zaïrois, tome II, p.171).
Elle relève que le motif retenu tant dans l’acte d’appel repris au RCA 18.443 que dans celui sous RCA 18.450 est commun, c’est-à-dire le même, soit « le mal jugé ». Ce motif qui n’est autre que « l’objet d’appel » consiste ici en une demande portée devant le juge d’appel de « corriger le mal jugé » constaté dans l’œuvre du premier juge. Elle note que dans le cas qui est soumis à son appréciation, il n’est pas contesté qu’il y a identité de parties, de demande et de faits. Ce qui a donné lieu, auparavant, à la jonction de ces deux recours, telle que sollicitée par les parties. Ainsi, en mettant en marche à la fois, pour une même cause, ses deux organes habilités à saisir la justice, l’appelante principale s’est répétée en surabondance.
Une telle répétition paraissant, dans le cas d’espèce, quelque peu superfétatoire, sans objet, la Cour dira à son humble avis que l’appel sous RCA 18.450 est sans objet.
Ceci étant, l’examen d’autres moyens apportés par les parties relatifs à la recevabilité de ce dernier appel sera sans objet.
Note d'Urbain BABONGENO
Avocat à la Cour de Kinshasa
Président du Club OHADA/RDC
L’arrêt sous examen prête flanc à la critique pour la simple raison qu’il a infirmé la décision du premier juge qui avait pourtant bien dit le droit.
En effet, cette œuvre d’appel a mal analysé deux moyens soulevés par l’intimée la Société IMAGIN en soutènement de l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la Société SOZADECHANGES.
Ces moyens qui démontraient des vices de constitution, tendaient à obtenir la nullité de l’acte constitutif de l’appelante principale.
Sous le RCA 18.443, la Société IMAGIN avait soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’appel de la Société SOZADECHANGES pour notamment vice de constitution de cette dernière, vice consécutif à la violation des dispositions de l’article 2 de la Loi n° 77-027 du 17 novembre 1977 portant mesures générales de rétrocession des biens zaïrianisés ou radicalisés (nationalisés), d’une part et de l’autre, au défaut d’autorisation présidentielle pour les opérations d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail, d’importation et exportation de tous produits et marchandises effectuées par l’appelante principale dans le cadre de son objet social.
I. En ce qui concerne le premier moyen visant la nullité des statuts de la SOZADECHANGES pour vice de constitution résultant de la violation de l’article 2 de la loi du 17 novembre 1977 précitée, la Cour a décidé que la régularité des statuts de l’appelante s’apprécie par rapport à sa situation lors de la constitution et non par rapport à celle modifiée en cours d’existence ou de fonctionnement; en conséquence, conclut-elle, l’article 2 susvisé n’a pas été violé.
Pour la Cour, une société n’est tenue au respect de la loi en vertu de laquelle elle s’est constituée, qu’au moment de sa constitution et qu’une fois cette étape franchie, elle peut impunément la violer en cours d’existence ou de fonctionnement, à l’occasion par exemple d’une cession de parts sociales entre associés ou à des tiers.
Nous ne partageons pas l’opinion de la Cour quant à ce. Contrairement à sa motivation, nous pensons qu’une société commerciale qui se constitue conformément à une loi donnée, doit continuer de la respecter au cours de son existence ou de son fonctionnement tant que celle-ci n’est pas abrogée ou modifiée.
En effet, les apports nouveaux qui sont souscrits et libérés dans le cadre de la cession des parts sociales ou de l’augmentation du capital, sont régis par les mêmes règles présidant en la matière lors de la formation de la société; de sorte qu’à moins que les statuts et les associés réunis en assemblée n’en disposent autrement, il y a ici application de la « loi de symétrie », c’est-à-dire lorsque la cession des parts sociales est accomplie en faveur des tiers ou l’augmentation de capital est alimentée par des apports extérieurs, elle est assimilée à la constitution partielle d’une société. Ainsi, les formalités et les conditions de fond sont les mêmes (Pierre COPPENS, cité par LUKOMBE NGHENDA, Droit congolais des sociétés, t. II, PUC, Kinshasa, 1999, p. 907).
Cette « loi de symétrie » est tirée en droit congolais des sociétés de l’article 46 du décret du 23 juin 1960 qui dispose : « Les formalités et conditions prescrites pour la constitution sont aussi requises pour toute augmentation de capital ».
De l’analyse des actes modificatifs de statuts de l’appelante principale produits au dossier, découle l’évidence de la violation de l’article 2 de la loi du 17 novembre 1977 précitée.
En effet, selon le prescrit de cet article, pour être valablement constituée, une société formée par des étrangers et des congolais comme associés et exerçant ses activités en République Démocratique du Congo, doit avoir un capital social réparti de telle sorte que les personnes physiques ou morales de nationalité étrangère disposent des parts sociales n’excédant pas 60%, et que les congolais, personnes physiques ou morales, aient au moins 40% du capital social.
Dans le cas sous examen, au moment de la constitution de la Société SOZADECHANGES, la répartition de son capital social se présente comme suit :
– SORIMEX, S.A. (société de droit français) : 51% de parts sociales;
– EFOM, S.A. (société de droit helvétique) : 9% de parts sociales;
– RENAULT-Congo (société de droit congolais) : 40% de parts sociales.
Il apparaît clairement qu’au moment de sa constitution, la SOZADECHANGES a respecté le prescrit de l’article 2 de la loi du 17 novembre 1977 en ce que les deux associées de nationalité étrangère, SORIMEX et EFOM, détenaient ensemble 60% de parts sociales tandis que l’associée de nationalité congolaise, RENAULT-Congo, en possédait 40%.
Cette répartition du capital social entre associées de nationalités étrangère et congolaise fut effectuée dans le respect des planchers arrêtés par l’article 2 sus-évoqué.
Mais au cours du fonctionnement de la SOZADECHANGES, toutes les associées originaires vont se retirer au profit de deux autres nouvelles associées, à savoir les Sociétés HIPARFIN, S.A., de droit luxembourgeois et détentrice de 99% de parts sociales, et BURESMA, de droit congolais et détentrice d’1% de parts sociales.
Cette dernière répartition qui viole l’article 2 sus-évoqué, est exactement la situation agréée par l’œuvre d’appel.
Le droit congolais des sociétés commerciales exige que, à l’occasion du retrait d’un ancien associé et/ou de l’entrée d’un nouveau, une assemblée générale extraordinaire doit être convoquée pour délibérer sur la question et par conséquent, procéder à la modification des statuts.
Etant donné le retrait des anciennes associées et l’arrivée de deux nouvelles, l’appelante principale devait et avait effectivement produit au dossier les actes modificatifs de ses statuts initiaux; et ceux-ci renseignaient que la SOZADECHANGES avait désormais deux nouvelles associées, les Sociétés HIPARFIN et BURESMA, avec la répartition illégale ci-dessus reprise.
A cet effet, l’article 3 du décret du 27 février 1887 sur les sociétés commerciales dispose : « Toute modification aux actes de société doit, à peine de nullité, être déposée comme les actes eux-mêmes ». Et l’article 49 du décret du 23 juin 1960 de renchérir : « Toute modification conventionnelle aux actes de la société privée à responsabilité limitée doit, à peine de nullité, être faite par acte authentique ».
La publication des actes authentiques modificatifs des statuts prescrite par la première disposition a pour conséquence juridique de rendre ceux-ci opposables aux tiers.
Et en application de l’article 3 sus-évoqué, seuls les statuts modifiés de la SOZADECHANGES étaient opposables à l’intimée IMAGIN.
Mais curieusement, la Cour a motivé son œuvre en se fondant sur les statuts initiaux de l’appelante principale pour déclarer la constitution de cette dernière valable, régulière et conforme au prescrit de l’article 2 de la loi du 17 novembre 1977 sous examen.
Cette confusion sur le cadre juridique social applicable et opposable aux tiers est l’original du mal jugé commis par les juges d’appel. Ceux-ci ont violé le prescrit de l’article 3 du décret du 27 février 1887 précité qui leur imposait de considérer le nouveau cadre juridique social issu de statuts
modifiés et publiés. Et par voie de conséquence, cette erreur les a conduits à déclarer recevable l’appel interjeté par une société ayant un vice de constitution.
La Cour devait plutôt prendre en considération les statuts modifiés de l’appelante principale, les frapper de nullité pour la violation ci-dessus démontrée (non-respect du prescrit de l’article 2 de la loi du 17 novembre 1977 sous examen), et déclarer irrecevable l’appel sous R.C.A 18.443, puisque les statuts nuls ne peuvent conférer aucune qualité (LUKOMBE NGHENDA, Droit congolais des sociétés, tome I, PUC, Kinshasa, 1999, p. 533).
Et en conséquence, elle devait confirmer le jugement entrepris quant à ce.
II. En ce qui concerne le second moyen reprochant à la Société SOZADECHANGES de s’être abstenu de demander l’autorisation présidentielle pour l’exercice de certaines activités de son objet social, l’œuvre d’appel s’est écartée de l’esprit des dispositions combinées des articles 1er, 2 et 5 de la Loi n° 73/009 du 05 janvier 1973 particulière sur le commerce et de celles de l’article 2, 1° de l’Arrêté Ministériel n° 140/87-0001 du 08 janvier 1987 portant mesures d’exécution de l’Ordonnance n° 86-028 du 05 février 1986 fixant la taxe sur l’autorisation présidentielle.
Précisons que l’article 1er de la loi du 5 janvier 1973 précitée réserve l’exclusivité de l’exercice des activités énumérées à l’article 5 de la même loi aux seuls congolais, personnes physiques ou morales.
L’article 2 de la même loi susvisée déroge à cette règle en ce qu’il reconnaît, moyennant une autorisation présidentielle, aux étrangers, personnes physiques ou morales et les sociétés congolaises citées par les ordonnances-lois n° 66-260 du 21 avril 1966 et n° 69-016 du 21 janvier 1969, remplissant les conditions prescrites par la loi particulière sur le commerce, le droit d’exercer les activités que le Président de la République détermine.
Les activités auxquelles ces sociétés peuvent se livrer, moyennant autorisation présidentielle, sont limitativement énumérées à l’article 5 de la loi précitée, à savoir : les commerces d’importation, d’exportation, de transit, de gros, de demi-gros, de détail et de services réputés commerciaux par la loi.
L’article 1er de l’Arrêté n° 140/87-0001 du 08 janvier 1987 portant mesures d’exécution de l’Ordonnance n° 86-028 du 05 février 1986 fixant la taxe sur l’autorisation présidentielle, place entre autres les sociétés privées à responsabilité limitée dont la majorité du capital appartient à des étrangers sous le régime de l’autorisation présidentielle.
L’ article 2, al.1° du même arrêté susvisé fait exempter du paiement de la taxe sur l’autorisation présidentielle, les personnes physiques et les sociétés étrangères ou de droit congolais définies à l’article 1er de l’arrêté sous examen exerçant notamment une activité agricole ou d’élevage.
La confrontation de la motivation de la Cour, pour rejeter l’exception de défaut d’autorisation présidentielle, au prescrit de ces deux articles suscite la question de savoir si la dispense au paiement de la taxe pour exercice d’une activité agricole ou d’élevage s’étend jusqu’à la demande de l’autorisation présidentielle elle-même.
En d’autres termes, une société congolaise à capital majoritairement étranger qui exerce une activité agricole ou d’élevage, peut-elle sur base de l’article 2, al.1° sus-évoqué s’abstenir de solliciter l’autorisation présidentielle devant lui permettre de se livrer à une activité réservée aux seuls congolais et aux sociétés à capital majoritairement congolais ?
Selon l’orthodoxie de l’article 2, al.1° sus-évoqué, l’exemption ou la dispense porte uniquement sur le paiement de la taxe sur l’autorisation présidentielle. Il s’ensuit que toutes les sociétés énumérées à l’article 1er de l’Arrêté Ministériel n° 140/87-0001 du 08 janvier 1987 précité sont obligées de solliciter l’autorisation présidentielle lorsque leur objet social comprend une des activités énumérées à l’article 5 de la loi du 5 janvier 1973 particulière sur le commerce.
La raison d’être de cette autorisation imposée à l’article 2 de la même loi est de permettre au Président de la République de déterminer les activités que la société requérante peut exercer.
Une fois cette autorisation obtenue, la société se verra dispenser de payer la taxe y afférente, si dans le cadre de son objet social, elle exploite une activité agricole ou d’élevage, en application de l’article 2, 1° de l’Arrêté n° 140/87-0001 du 08 janvier 1987.
Or, la Société SOZADECHANGES était en défaut de produire l’autorisation présidentielle en vertu de laquelle elle exerçait l’une des activités énumérées à l’article 5 de la loi du 5 janvier 1973 particulière sur le commerce.
En toute vraisemblance, cette société s’était d’office attribué l’exercice des activités d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail, d’importation et exportation de tous produits et marchandises, activités reprises dans ses statuts. Cette auto-attribution est une violation flagrante de la loi particulière sur le commerce dont l’article 2 conditionne un tel exercice à une autorisation présidentielle.
L’absence de cette autorisation présidentielle démontre à suffisance que la constitution de la Société SOZADECHANGES contenait des vices quant à son objet social, en dehors de ceux relatifs à la répartition du capital entre associés congolais et étranger, telle que contenue dans les actes modificatifs de ses statuts initiaux.
En conséquence, ces statuts (initiaux et modifiés) devraient être frappés de nullité et l’appel sous R.C.A 18.443 déclaré irrecevable.
Pour que pareil mal jugé ne fasse pas jurisprudence, nous espérons que la Cour Suprême de Justice va casser cet arrêt.
A l’heure du débat sur les pistes à suivre pour réformer notre législation des affaires, nous avons porté notre choix sur cet arrêt parce qu’il met en exergue quelques aspects de l’état actuel du droit congolais des affaires.
En effet, de tous les reproches que l’on peut adresser à notre législation des affaires, cet arrêt fait allusion à deux :
– la restriction de la liberté d’association des étrangers et l’imposition de la clé de répartition du capital social entre congolais et étrangers;
– le régime des autorisations présidentielles pour les sociétés où des étrangers sont associés, avant d’exercer les activités d’achat et/ou de vente en gros, demi-gros et détail, d’importation et d’exportation.
Plus rien ne justifiant aujourd’hui le maintien de ces lois obsolètes, nous suggérons avec LUKOMBE NGHENDA (Droit congolais des sociétés, tome I, PUC, Kinshasa, 1999, p. 533) que de lege ferenda, le législateur doit intervenir pour les abroger afin de mettre un terme à cette obligation pour les étrangers de s’associer impérativement au(x) congolais, de veiller à la clé de répartition du capital social (60% et 40%), d’obtenir au préalable l’autorisation présidentielle pour que la société où ils sont membres, puisse s’adonner aux activités d’achat et de vente en gros, demi-gros et détail, d’importation et d’exportation.
L’autorisation présidentielle qui engendre une grosse perte de temps du fait de la consultation du chef de l’Etat, est un élément du formalisme classique admis en droit civil. D’une manière générale, la spécificité des activités commerciales et des relations d’affaires justifie l’émergence et la consécration d’un droit des affaires, d’exception certes, mais autonome et indépendant du droit civil. Cette spécificité s’illustre notamment par la rapidité des opérations commerciales et l’importance du crédit dans la vie des affaires.
Le temps est un facteur précieux en affaires. Et le droit des affaires tient compte de cet élément en se distinguant nettement du droit civil. Justifié en droit civil où toute précipitation comporte des risques juridiques et économiques pour des contractants non avisés (vices de consentement, engagements excessifs par l’attraction du crédit), le formalisme classique devient un obstacle, une source de lenteurs et de complications que le droit des affaires, droit des forts, ne saurait tolérer. Car les commerçants sont présumés avisés et rompus aux affaires (Roger MASAMBA MAKELA, Droit des affaires, cadre juridique de la vie des affaires au Zaïre, éd. Cadicec, Kinshasa, 1996, p. 15).
En dehors de ces quelques écueils, il en existe d’autres qui foisonnent dans la plupart de nos lois sinon toutes.
Les lois datant de l’époque coloniale pèchent par un énorme décalage entre le droit et la pratique; elles prévoient des formes de sociétés commerciales désuètes et en quête d’identité (Roger MASAMBA MAKELA, op. cit., pp. 265 et ss).
Même quand elles sont de rédaction plus ou moins récente, nos lois sont viciées pour diverses raisons dont les principales sont :
1°) l’insuffisance des recherches d’antériorité (lors de la rédaction);
2°) l’inadéquation entre les motivations exprimées ou apparentes et les motivations réelles ou cachées;
3°) le défaut des mesures d’application ou d’exécution s’il en a été prévu par la loi;
4°) le conflit du texte nouveau avec d’autres non abrogés ou non modifiés;
5°) le défaut de publication au journal officiel défaillant (Dans le même sens, TIGER P., Le droit des affaires en Afrique, Que sais-je ?, 3è éd., PUF, Paris, 1999, p. 18).
Voilà pourquoi, nous plaidons pour une réforme de notre législation des affaires.