J-03-16
SAISIE VENTE – VENTE DES OBJETS SAISIS – ACTION EN DISTRACTION D’OBJETS SAISIS APRÈS CETTE VENTE – IRRECEVABILITÉ (OUI) – ARTICLE 142 AUPSRVE.
DEMANDE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS – COUR D’APPEL SAISIE EN APPEL DE L’ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL AYANT STATUÉ EN REFERE – INCOMPÉTENCE DE LA COUR D’APPEL POUR STTAURE SUR LES DOMMAGES – INTERETS (OUI).
L’action en distraction d’objets saisis dans le cadre d’une saisie vente introduite après la vente desdits objets est irrecevable.
Le Président du Tribunal à qui sont soumis les litiges nés des saisies statue en référé, de sorte que la Cour d’Appel saisie du recours contre l’ordonnance de celui-ci, ne peut connaître d’une demande en dommages-intérêts.
Article 142 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° 1036 du 30 juillet 2002. OUATTARA Idrissa (Me Fanny MORY) c/ Société COASTAL TRADING COMPAGNY (Me DIALLO Mamadou)).
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du mardi 30 juillet 2002
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCÉDURES, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement N° 76 du 10/10/2002 rendu par la section de tribunal de Boudoukou, Monsieur OUATTARA Idrissa a obtenu la condamnation de Monsieur KOUTAGNI SAI Augustin, en ces termes :
« Condamne KOUTAGNI SAI Augustin à payer la somme de 3.610.550 F à OUATTARA Idrissa;
– Dit que la saisie conservatoire ainsi pratiquée est valable;
– Dit en conséquence que ladite « saisie sera convertie en saisie vente »;
Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par l’arrêt n° 385 rendu le 15 mars 2002 par la Cour d’Appel d’Abidjan;
En exécution dudit arrêt, Monsieur OUATTARA Idrissa a pratiqué saisie vente, le 18 mai 2002, portant sur 285 sacs de noix de cajou faisant ensemble 23T 497;
Alléguant le caractère périssable des noix ainsi saisies, Monsieur OUATTARA Idrissa a fait procéder à leur vente aux enchères le 23 mai 2002 par le Ministère de Maître DAGO OUREGA Antoine, Huissier de justice à Boudoukou;
Mais, le 25 mai 2002, Monsieur OUATTARA Idrissa a reçu une assignation en distraction à la requête de la Société COASTAL TRADING COMPAGNY dite CTC;
Statuant sur les mérites de cette action, le Juge des référés de la section de Tribunal de Boudoukou a fait droit à la demande en distraction, selon ordonnance n° 5 du 07/06/2002 dont le dispositif est le suivant :
« - Déclare recevable l’action de la Société COASTAL TRADING COMPANY;
– La dit bien fondée;
– Juge qu’elle est propriétaire des noix de cajou saisies;
En conséquence,
– En ordonne la distraction;
Vu l’extrême urgence,
– Ordonne l’exécution sur minute et avant enregistrement;
– Condamne OUATTARA Idrissa aux dépens; »
Par acte d’huissier du 17 juin 2002, Monsieur OUATTARA Idrissa a relevé appel de ladite ordonnance;
Au soutien de son recours, il plaide in limine litis l’irrecevabilité de l’action de la Société COASTAL TRADING COMPANY; à cet effet, il déroule trois arguments :
D’une part, il invoque la nullité de l’exploit d’assignation pour défaut de mention de la profession du représentant légal de la Société COASTAL TRADING COMPANY, en faisant valoir que les dispositions de l’article 246 du code de procédure civile sont d’ordre public et que la Cour Suprême, par arrêt n° 117 du 12 mai 1993, a consacré cette position;
D’autre part, il soulève l’exception de communication de pièces, en expliquant que les documents sur lesquels était fondée la propriété des biens alléguée par la Société COASTAL TRADING COMPANY, ne lui ont pas été remis malgré sa demande; il précise d’ailleurs que sur ce point, l’ordonnance attaquée a fait une impasse totale;
Enfin, Monsieur OUATTARA Idrissa relève également que par application de l’article 142 alinéa 1 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution, l’action en distraction cesse d’être recevable après la vente des biens saisis;
Il indique qu’en l’espèce, la vente est intervenue le 23 mai 2002, comme le confirme le procès-verbal de vente aux enchères, alors que l’action en distraction date du 28 mai 2002; il en déduit que l’action de la Société COASTAL TRADING COMPANY aurait dû être déclarée irrecevable;
Subsidiairement au fond, Monsieur OUATTARA Idrissa fait remarquer que pour juger comme il l’a fait, le premier Juge a tenu seulement compte des ordres de virement et chèques produits aux débats, mais non communiqués, alors qu’en réalité lesdites pièces ne peuvent valablement fonder la qualité de propriétaire de la COASTAL TRADING COMPANY;
En cela, il explique que la Société COASTAL TRADING COMPANY n’est pas un acheteur agréé, alors que Monsieur KOUTAGNI SAI l’est et est titulaire de l’agrément n° 47;
Il en déduit que la Société COASTAL TRADING COMPANY dite CTC n’est pas propriétaire des noix de cajou saisies, et qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée;
En réplique, la Société COASTAL TRADING COMPANY fait remarquer, relativement à l’exception de nullité de l’exploit d’assignation tirée de la violation de l’article 246 du code de procédure civile, que la jurisprudence sur ce point a évolué et que par arrêt n° 586 du 03 février 2002, la Cour Suprême a consacré que la nullité encourue par un exploit d’huissier violant les dispositions de l’article 246 du code de procédure civile est d’ordre relatif;
Quant à l’exception de communication de pièces, la Société CTC prétend que la preuve de toute demande se fait non par la communication de pièces, mais par la production de celles-ci devant le Juge, pendant l’audience;
Enfin, sur l’irrecevabilité de l’action en distraction, elle fait valoir sur le fondement de l’article 142 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution, que Monsieur OUATTARA Idrissa ne rapporte pas la preuve que le prix de la vente a été distribué à son profit;
Elle en déduit que l’ordonnance attaquée doit sortir son plein effet;
Subsidiairement au fond, la Société CTC soutient qu’elle s’est régulièrement acquittée de ses impôts et droits de patente pour l’année 2002, et qu’à ce titre, elle a la qualité d’acheter des noix de cajou;
Toutefois, elle indique que pour les noix de cajou litigieuses, elle a mandaté Monsieur KOUTAGNI SAI, moyennant rémunération; elle en déduit que c’est à juste titre que le Premier Juge a fait droit à sa demande;
Enfin, la Société CTC sollicite la somme de 2.500.000 f à titre de dommages-intérêts pour couvrir les frais exposés non pris en compte par les dépens;
Répliquant à son tour, Monsieur Idrissa OUATTARA soutient que les prétentions de la Société CTC sont fantaisistes et qu’il y a lieu de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Il ne résulte pas de l’analyse des pièces du dossier de la procédure, que l’ordonnance N° 05 du 07/06/2002 a été signifiée; dès lors, l’appel interjeté par Monsieur OUATTARA Idrissa le 17 juin 2002, puis ajourné au 25 Juin 2002, est recevable pour être conforme aux prescriptions de l’article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
L’article 142 alinéa 1 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose que « l’action en distraction cesse d’être recevable après la vente des biens saisis; seule peut alors, être exercée l’action en revendication »;
En l’espèce, la vente des noix de cajou saisies a été réalisée le 23 mai 2002, comme l’atteste le procès-verbal de vente établi par Maître DAGO OUREGA Antoine, Huissier de Justice près la section de Tribunal de Boudoukou;
Or, il résulte de l’ordonnance contestée, que l’action en distraction a été introduite par exploit d’Huissier du 25 mai 2002, soit deux jours après la vente;
Il s’ensuit qu’en application du texte susvisé, l’action en distraction de la Société COASTAL TRADING COMPANY dite CTC était irrecevable;
Il y a lieu d’en juger ainsi et infirmer de ce chef l’ordonnance entreprise;
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN DOMMAGES-INTÉRÊTS PORTANT SUR LA SOMME DE 2.500.000 F
Dans la présente affaire, la Cour statue en appel de référé et n’a pas plus de pouvoir que le Juge des référés; par conséquent, elle ne peut connaître d’une question de fond et spécialement de la demande en dommages-intérêts présentée par la Société COASTAL TRADING COMPANY; il convient alors de se déclarer incompétent sur ce point;
DES DÉPENS
La Société COASTAL TRADING COMPANY succombe; il y a lieu de la condamner aux dépens de l’instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare OUATTARA Idrissa recevable en son appel relevé de l’ordonnance N° 05 rendue le 07 juin 2002 par le Juge des référés de la section de Tribunal de Boudoukou;
AU FOND
– L’y dit bien fondé;
– Infirme l’ordonnance attaquée;
Statuant à nouveau;
– Déclare la société COASTAL TRADING COMPANY irrecevable en son action en distraction;
– Se déclare incompétent pour le surplus;
– Condamne la société COASTAL TRADING COMPANY aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la cour d’Appel d’Abidjan, (5ème Chambre Civile A), a été signé par le Président et le Greffier.