J-03-160
SAISIE-VENTE – ACTION EN DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – DEMANDE NON JUSTIFIEE – CONTINUATION DES POURSUITES (OUI).
Il y a lieu de débouter le demandeur à l’action en distraction d’objets saisis et d’ordonner la continuation des poursuites lorsque les pièces produites de sont pas de nature à justifier ses prétentions
(Tribunal régional Hors classe de Dakar, jugement n° 1365 du 11 juillet 2000, Aminata Guèye c/ Mbar Fall et autres).
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL),
JUGEMENT N° 1365 DU 11 JUILLET 2000.
Le Tribunal :
Vu les pièces du dossier;
Oui les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi :
ATTENDU que par exploit en date du 09 Août 1999 de maître OUMAR TIDIANE DIOUF, huissier de justice à Dakar, AMINATA GUEYE a assigné MBAR FALL, SERIGNE FALL, Maître MALICK SEYE FALL, huissier poursuivant et KHEMESS YADE en distraction des objets saisis par procès-verbal de saisie-vente en date du 06 juillet 1999; l’exécution provisoire du jugement à intervenir étant en outre sollicitée;
EN LA FORME :
ATTENDU que Maître MALICK SEYE FALL et KHEMESS YADE bien qu’étant régulièrement assignés n’ont pas comparu, ni personne pour eux; qu’il échet de donner défaut à leur égard;
ATTENDU que SERIGNE FALL, bien qu’ayant constitué conseil, ce dernier n’a pas conclu; qu’il sera statué contradictoirement à son égard;
ATTENDU que MBAR FALL soulève une exception d’irrecevabilité de l’action de AMINATA GUEYE aux motifs qu’il n’a jamais reçu signification de la demande en contestation supposée être formulée par SERIGNE FALL, son conseil lui-même n’ayant été avisé que par le courrier de l’avocat conseil de AMINATA GUEYE adressé à l’Huissier exécutant le 27 septembre 1999, comme exigé à l’article 141 alinéa 2 de l’Acte Uniforme sur les procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’Exécution (AU/PSRVE);
ATTENDU qu’il convient de préciser à MBAR FALL; qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une demande en contestation formulée par SERIGNE FALL, le saisi mais plutôt d’une demande en distraction d’objets saisis formulée par un tiers qui se prétend propriétaire desdits objets et qui lui a été bien signifiée à son domicile par l’exploit en date du 09 août 1999 conformément à l’article 141 alinéa 2 de l’AU/PSRVE;
QU’Il échet dès lors de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée;
ATTENDU que par conclusions en date du 08 novembre 1999 AMINATA GUEYE se déclare propriétaire des objets saisis par le procès-verbal en date du 06 juillet 1999 comme en font foi :
une facture n° 00170 du 02 septembre 1998 établie par ameublement Faidherbe, pour ce qui est des quatre fauteuils, du canapé, de l’armoire, de la table basse et de la coiffeuse;
une facture n° 029 du 10 septembre 1998 de AISSATOU DURACEL GUEYE, pour le Téléviseur Philipps, la vidéo, le support TV et le ventilateur; qu’elle soutient également être propriétaire de la villa n° 541 Hamo 4 où la saisie a été faite comme en fait foi l’attestation délivrée par la B.H.S;
Qu’elle sollicite en conséquence la distraction de tous les objets à son profit;
ATTENDU que MBAR FALL estime que la villa n° 541 Cité Hamo 4 Dakar est le domicile de SERIGNE FALL où tous les actes de la procédure de saisie lui ont été signifiés; que celui-ci n’a jamais contesté être domicilié à ladite adresse; que l’attestation de propriété dont se prévaut AMINATA GUEYE, qui ne lui a pas été communiquée doit être écartée des débats; qu’enfin les factures produites, lui sont inopposables pour n’avoir pas date certaine et émanant de personnes inconnus du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier;
QU’Il sollicite en conséquence le débouté de AMINATA GUEYE.
ATTENDU que suivant exploit en date du 06 juillet 1999 de maître .MALICK SEYE FALL, Huissier de justice à Dakar, MBAR FALL a fait saisi sur SERIGNE FALL à Hamo 4 n° 541 divers objets à savoir : quatre fauteuils, un canapé, un téléviseur Philips, un support T.V., une vidéo, une coiffeuse, une armoire et un frigidaire;
ATTENDU que AMINATA GUEYE n’a pas cru devoir produire aux débats l’attestation de propriété dont elle se prévaut;
QU’Il convient également de relever que la facture en date du 02 février 1987 qui porte un cachet de l’Ameublement Faidherbe où le numéro de téléphone précédé du chiffre 8 a été briffé a été établie postérieurement à sa date, après octobre 1997 date à laquelle le numéro 8 a été joint aux numéros de téléphone;
Que les arguments de MBAR FALL relatifs à l’inopposabilité des factures versées au dossier sont bien fondés;
QU’Il échet donc de débouter AMINATA GUEYE de toutes ses demandes injustifiées et d’ordonner la continuation des poursuites;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
DONNE défaut contre Maître MALICK SEYE FALL et KHEMESS YADE;
REJETTE l’exception d’irrecevabilité soulevée par MBAR FALL;
RECOIT l’action de AMINATA GUEYE;
AU FOND :
La déboute de toutes ses demandes et ordonne la continuation des poursuites;
CONDAMNE AMINATA GUEYE aux dépens;
AINSI Fait, jugé et prononcé les jours, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIR.
Observations par ndiaw DIOUF,
Agrégé des Facultés de droit
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Instituions et les Législations Africaines (CREDILA)
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
La procédure saisie- vente est souvent jalonnée d’incidents. Certains incidents sont provoqués par le débiteur d’autres par un créancier ou par un tiers. L’incident qui est provoqué par le tiers prend la forme d’une action en distraction.
Une telle action qui est exercée par un tiers qui se prétend titulaire d’un droit sur le bien saisi ne peut prospérer que si celui-ci apporte la preuve de ses allégations. C’est ce que le tribunal régional de Dakar rappelle dans le jugement ci-dessus reproduit et rend à propos d’une affaire où le demandeur qui n’a pas produit aux débats l'attestation de propriété invoquée s’est contenté de produire des factures douteuses impropres à justifier son droit.
Le Tribunal a au passage rejeté ce qu’il qualifie d’exception d’irrecevabilité en rappelant la distinction à faire entre action en contestation et action en distraction. Le saisissant qui était défendeur à l’action avait soulevé un moyen de défense fondé sur ce " qu’il n’a jamais reçu signification de la demande en contestation supposée être formulée" par le saisi. Le Tribunal a écarté ce moyen de défense aux motifs « qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une demande en contestation formulée.par le saisi, mais d'une demande en distraction formulée par un tiers… ».
C’est le lieu de rappeler encore une fois que l’expression « exception d'irrecevabilité utilisée par le tribunal est inappropriée. Une exception de procédure ne peut pas en effet déboucher sur une décision d’irrecevabilité. Lorsqu’on veut faire déclarer une demande irrecevable, on oppose une fin de non-recevoir et non une exception de procédure destinée simplement à faire juger que la procédure est engagée de manière irrégulière.