J-03-164
SAISIE VENTE – CONDITIONS – TITRE EXECUTOIRE – ACTE DRESSE PAR L’HUISSIER ET SUR LA BASE DUQUEL LE GREFFIER A ETABLI UN TITRE – TITRE EXECUTOIRE (OUI).
L’acte dressé en cas de défaut de paiement par l’huissier qui a respecté le délai de la loi et sur la base duquel le greffier a délivré un titre vaut titre exécutoire, condition de la saisie.
(Cour d’appel de Dakar, arrêt n° 206 du 11 mai 2000, Martial Mainge c/ Abdoulaye NDIAYE et le greffier en chef du tribunal régional hors classe de Dakar).
COUR D’APPEL DE DAKAR
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 2 ARRET N° 206 DU 11 MAI 2000
MARTIAL MAINGE C/ ABDOULAYE NDIAYE ET LE GREFFIER EN CHEF DU TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR.
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en toutes leurs demandes;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Considérant que suivant exploit servi le 06 septembre 1999 par Mame Gnagna SECK, Huissier de justice jà Dakar, Martial MAINGE a relevé appel de l’ordonnance de référé sur difficultés rendue le 30 août 1999 par le juge du tribunal Régional Hors Classe de Dakar et dont le dispositif suit :
« Ordonnons la discontinuation des poursuites sans délai et sans nouveau référé »;
Considérant qu’il a lieu de déclarer l’appel recevable en la forme;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que Abdoulaye NDIAYE a émis deux chèques tirés sur le Crédit Agricole respectivement de 15.100.000 frs et 1.950.000 Frs à l’ordre de martial MAINGE LE 21 NOVEMBRE 1992 qu’un protêt desdits chèques a été dressé à la suite de l’insuffisance de provision constatée lors de leur présentation à l’encaissement conformément aux dispositions de la loi 96/13 du 28 août 1996 sur les instruments de paiement;
Que l’huissier exécutant faute de paiement du tireur, a obtenu délivrance d’un titre exécutoire par le Greffier en Chef du tribunal Régional Hors classe de Dakar en application de l’article 81 de la loi précitée et initié sa procédure de saisie vente; que NDIAYE a saisi le juge de la difficulté suite à cette procédure ce qui a donné lieu à l’ordonnance entreprise;
Considérant que Martial MAINGE dans ses conclusions du 19 janvier 2000 a plaidé l’infirmation de l’ordonnance au motif qu’il avait bien un titre exécutoire en vertu de l’article 81 de la loi précitée;
Considérant que Abdoulaye NDIAYE a sollicité dans ses écritures du 12 avril 2000 la confirmation de l’ordonnance par adoption des mêmes motifs que le premier juge; qu’il a ajouté que martial MAINGE ayant obtenu un titre exécutoire du Greffier en Chef en février 2000 avait auparavant procédé à l’exécution forcée depuis le 02 novembre 1999 donc bien avant d’obtenir le titre exécutoire;
Considérant qu’en l’espèce l’Huissier a déposé au Greffe du Tribunal Régional Hors Classe le protêt le 26 février 1999 en respectant le délai de 15 jours prévu par l’article 81 de la loi sur les instruments de paiement et ce pour solliciter l’apposition de la formule exécutoire;
Considérant que par cette demande l’huissier a attesté qu’il n’y avait pas paiement constaté par lui à l’expiration du délai accordé dans le protêt;
Considérant que si la lettre de l’article 81 vise l’établissement d’un acte pour constater le non-paiement il reste que l’esprit du texte est de simplifier la procédure de recouvrement de la créance en disposant que l’huissier constate le non-paiement avant que le Greffier en Chef ne délivre sans autre procédure un titre exécutoire;
Qu’au demeurant aucune sanction n’est attachée au non respect de ce formalisme;
Considérant qu’il n’est pas discuté par Abdoulaye NDIAYE le non paiement; que par conséquent l’acte dressé par l’huissier en respectant les délais de la loi et sur la base duquel le Greffier en Chef a délivré un titre vaut bien titre exécutoire conformément à l’article 81de la loi 96 et l’article 33 de l’Acte Uniforme sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et les voies d’Exécution;
Qu’il échet dès lors d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’ordonner la continuation des poursuites sans nouveau référé;
PAR CES MOTIFS
Statuant en matière de référé sur difficultés et en dernier ressort;
« Déclare l’appel recevable en la forme;
Infirme l’ordonnance entreprise;
Statuant à nouveau;
Ordonne la continuation des poursuites sans nouveau référé »;
AINSI fait, jugé et prononcé publiquement parla Cour d’Appel de Dakar Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 11 mai 2000 séant au palais de Justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Mme Habibatou DIALLO GUEYE, Président, Messieurs Abdoulaye NDIAYE & Assane NDIAYE, Conseillers et avec l’assistance de Maître Papa NDIAYE, Greffier;
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
Observations par Ndiaw DIOUF,
Agrégé des Faculté de droit,
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et Législations Africaines (CREDILA),
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
Il y a une revalorisation du titre exécutoire avec l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Désormais il ne peut plus y avoir de voies d’exécution sans titre exécutoire, mais si le créancier dispose d'un titre sa situation est consolidée.
La liste de ces titres est contenue dans l’article 33 de cet Acte uniforme. A priori la détermination des titres pouvant rentrer dans cette catégorie ne semble pas poser de problème particulier. Pourtant à la lecture de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Dakar le 11 mai 2000, on se rend compte que la qualification n’est pas aussi aisée que cela. Les faits qui ont donné lieu à cet arrêt sont très simples.
Le porteur de deux chèques dont la provision était insuffisante a fait établir un protêt faute de paiement qui a été déposé au greffe du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar. Le greffier en chef, au vu de cet acte, a délivré un titre exécutoire en application de l’article 81 de la loi n° 96-13 du 28 août 1996 portant loi uniforme sur les instruments de paiement aujourd'hui abrogée (à l'exception de 11 articles) . Muni du titre, le porteur a fait pratiquer une saisie-vente. Le tireur des chèques a alors initié une procédure de référé sur difficulté pour demander la discontinuation des poursuites. Le juge des référés saisi ayant fait droit à cette demande, le porteur a fait appel. La Cour d’Appel, par l’arrêt ci-dessus reproduit, a infirmé l’ordonnance et fait droit aux prétentions du porteur aux motifs que l’acte dressé par l’huissier en respectant les délais et sur la base duquel le greffier en chef a délivré un titre vaut titre exécutoire.
Il convient d’observer ici que la procédure prévue par l’article 81 n’avait pas été respectée. En effet ce texte avait prévu qu’à défaut de paiement d’un chèque dans un délai de 30 jours à compter de la première présentation, le tiré délivre un certificat de non-paiement dont la notification ou la signification au tireur vaut commandement de payer; si le notaire ou l’huissier ne reçoit pas justification du paiement du montant du chèque et des frais dans le délai de 10 jours, il constate le non-paiement par un acte qui est remis au greffier lequel délivre un titre exécutoire. En l’espèce, cette procédure n’a pas été respectée puisque c’est le protêt qui a été remis par l’huissier. C’est en tout cas ce qui résulte de l’arrêt de la Cour d’Appel.
Pour sauver cette procédure qui, manifestement, était mal engagée, la Cour d’Appel a tenté de rechercher ce qu'elle appelle l’esprit de la loi. Selon la Cour, si la lettre de l’article 81 vise l’établissement d’un acte pour constater le défaut de paiement, il reste que l’esprit du texte est de simplifier la procédure de recouvrement de la créance en disposant que l’huissier constate le non-paiement avant que le greffier en chef ne délivre sans autre procédure un titre exécutoire.
Cette solution paraît dangereuse car celle-ci, aboutit à dispenser le porteur des formalités prescrites par la loi pour assurer la protection des droits du tireur.