J-03-165
SAISIE IMMOBILIERE – CREANCE NON GARANTIE PAR UNE HYPOTHEQUE OU UN PRIVILEGE – NECESSITE D’APPORTER LA PREUVE D’UNE SAISIE DES BIENS MEUBLES ET DU CARACTERE INSUFFISANT DU PRODUIT DE LA VENTE.
Article 28 AUPSRVE
La procédure de vente forcée d’un immeuble ne pouvant être initiée, lorsque la créance n’est ni hypothécaire, ni privilégiée, qu’après la saisie des biens meubles et si le produit de la vente est insuffisant, doit être annulée, la procédure de saisie immobilière engagée par un créancier qui ne justifie pas d’une créance hypothécaire ou privilégiée et qui ne rapporte pas la preuve que les meubles qu’il a saisis sont insuffisants pour couvrir sa créance.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 800 du 4 mai 1999, Laborex Sénégal c/Aly CIISE).
TRIBUNAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL)
JUGEMENT N° 800 DU 04 MAI 1999
LABOREX SENEGAL C/ALY CISSE
LE TRIBUNAL
ATTENDU que par dire reçu au Greffe du Tribunal de Céans le 28 avril 1999 et annexé au cahier des Charges établi, Aly CISSE a sollicité l’annulation de la procédure d’expropriation initiée par la Société LABOREX sur le T.F. n° 20.637.D.G;
ATTENDU que lesdits dires déposés dans les forme et délai de la loi doivent être déclarés recevables;
AU FOND :
ATTENDU que Aly CISSE fait valoir que la Société LOBOREX poursuit en premier l’exécution sur l’immeuble objet du T.F. N° 20.637/DG, contrairement aux dispositions de l’article 28 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées et des Voies d’Exécution qui stipule que « Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles »;
ATTENDU qu’il a en outre soutenu que la créance de la Société LABOREX n’est pas certaine d’autant que ladite Société lui fait commandement de lui payer la somme de 13.599.126 Frs en principal intérêts puisqu’elle ne rapporte pas la preuve de l’homologation du calcul desdits intérêts par le juge compétent;
Qu’il a dès lors sollicité l’annulation du commandement valant saisie réelle du 22 février 1999 pour violation de l’article 31 de l’Acte Uniforme qui n’ouvre l’exécution forcée qu’au créancier justifiant d’une créance certaine liquide et exigible;
ATTENDU qu’il a enfin conclu à la nullité du cahier des charges qui stipule que les enchères ne seront reçues que par un avocat alors que les dispositions de l’article 282 alinéa 3 de l’Acte Uniforme prévoit que les offres sont portées par ministère d’avocat ou par les enchérisseurs eux mêmes;
ATTENDU que la Société LABOREX SENEGAL n’a pas formulé d’observations écrites, qu’à la barre du Tribunal, elle a précisé avoir entamé une procédure de saisie sur l’immeuble de son débiteur et estime que sa créance au principal, même sans les intérêts lui permettait de recourir à l’exécution forcée;
ATTENDU que sur le premier moyen l’article 28 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des voies d’Exécution stipule en son alinéa 2 que « Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et en cas d’insuffisance de ceux-ci sur les immeubles;
ATTENDU que la Société LABOREX ne justifie pas d’une créance hypothécaire, ni privilégiée;
Que même si elle a d’abord procédé à la saisie vente de biens meubles appartenant à Aly CISSE, suivant exploit en date du 18 décembre 1998, elle ne rapporte pas la preuve que lesdits meubles sont insuffisants à couvrir sa créance, pour pouvoir initier une procédure de vente forcée d’immeuble appartenant à Aly CISSE;
Qu’il échet en conséquence d’annuler les poursuites sur le Titre Foncier n° 20.637/DG;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de criée, en premier ressort;
EN LA FORME
Déclare les dires de Aly CISSE recevables;
AU FOND
Ordonne l’annulation des poursuites sur le Titre Foncier n° 20.637/DG;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER EN CHEF
Observations par Ndiaw DIOUF,
Agrégé des Faculté de droit,
Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et Législations Africaines (CREDILA),
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD
Tous les créanciers peuvent, s’ils justifient d’une créance certaine, liquide et exigible, saisir les biens immeubles de leur débiteur. Il n’y a pas à distinguer selon que la créance dont ils se prévalent est ou non garantie par une sûreté réelle spéciale. Le caractère chirographaire d’une créance n’enlève pas à son titulaire le droit de poursuivre l’expropriation forcée de l’immeuble de son débiteur; dès lors cette distinction ne devrait intervenir qu’au moment de la distinction du prix.
Le droit des créanciers chirographaires est cependant limité par les dispositions de l’article 28 alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant organisations des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Il résulte de ce texte que si la créance n’est pas garantie par une hypothèque ou un privilège sur les immeubles à saisir, son titulaire doit d’abord poursuivre l’exécution sur les meubles; c’est seulement en cas d’insuffisance du produit de la vente des meubles que la procédure de saisie pourra être poursuivie sur les immeubles. C’est ce texte que le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a eu à appliquer dans le jugement ci-dessus reproduit. L’affaire qui a donné lieu à ce jugement est très simple. Un créancier chirographaire ayant engagé une procédure de saisie immobilière, le débiteur a déposé des dires pour demander l’annulation de la procédure en se fondant notamment sur ce que ce créancier a poursuivi en premier lieu l’exécution sur un immeuble alors qu’il aurait dû d’abord saisir les meubles.
Le tribunal a admis le moyen de défense et ordonné l’annulation des poursuites aux motifs que même si le créancier a d’abord procédé à la saisie vente de biens meubles appartenant au débiteur, il ne rapporte pas la preuve que lesdits meubles sont insuffisants à couvrir sa créance. On peut tirer de ce jugements deux enseignements. 2
En premier lieu il appartient au créancier d’apporter à la fois la preuve de la saisie de biens meubles et celle du caractère insuffisant du produit de la vente : en quelque sorte, il doit produire de plano un procès verbal de créance; en cela la solution retenue est critiquable car elle conduit, en pratique, à interdire toute saisie immobilière aux créanciers qui ne sont pas titulaires de sûreté réelle spéciale en raison de la difficile localisation des biens meubles. A notre avis, il appartient au débiteur d'apporter la preuve qu'il a suffisamment de biens dont la vente pourrait permettre le paiement et d’en donner le liste.
En second lieu, lorsque le créancier n’apporte pas cette double preuve, il y a, non pas sursis à la vente, comme le demandait le débiteur dans l’affaire qui a donné lieu au jugement rendu par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar le 20 février 1999, mais annulation de poursuites.