J-03-180
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE – DEMANDE D’ANNULATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE MIXTE REVOQUANT LE GERANT – QUESTION DE LA REVOCATION DU GERANT NON INSCRITE A L’ORDRE DU JOUR – DEMANDE D’ANNULATION DE REVOCATION D’UN GERANT STATUTAIRE NE POUVANT ETRE REVOQUE QU’A LA MAJORITE DES 3/4 DES ASSOCIES APRES MODIFICATION DES STATUTS – DEMANDE D’EXPULSION DU SIEGE SOCIAL, DES BUREAUX ET DE LA DIRECTION POUR OCCUPATION SANS DROIT NI TITRE – DEMANDE D’INJONCTION DE PROCEDER A LA PASSATION DE SERVICE.
Il résulte des dispositions de l’article 339 de l’AUSGIE que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés et surtout s’il n’est pas contesté ni la qualité de mandataire de celui qui a réuni l’assemblée générale ni les délais dans lesquels elle a été convoquée. Dès lors, l’assemblée au cours de laquelle les associés représentant plus de la moitié du capital étaient présents, avait pouvoir, conformément aux dispositions de l’article 326, de révoquer le gérant, la modification des statuts n’étant pas nécessaire à cette fin et il n’est non plus utile de fixer dans l’ordre du jour le point de la révocation du gérant, ce dernier point pouvant être discuté dans les questions diverses.
La révocation d’un gérant peut ouvrir droit à des dommages et intérêts si elle est décidée sans justes motifs et que le demandeur articule des moyens précis pour justifier la réparation.
L’occupation des bureaux et du siège social de la société étant fondée par la qualité de gérant, la révocation qui met fin à cette qualité, justifie également l’expulsion et la passation de service entre le nouveau gérant et l’ancien sous astreinte.
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 327 du 19 février 2003, Pèdre DIOP contre Oumar SECK et BAG SARL).
République du Sénégal
tribunal regional hors classe de Dakar (senegal)
Audience publique et ordinaire du 19/02/2003
Pèdre DIOP (Mes Guédel NDIAYE & Associés)
c
Société BAG SARL (Mes KANJO & KOITA).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les avocats des parties en toutes leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte du 26 mars 2002 de Fatma Haris DIOP, Huissier de Justice à Dakar, Pèdre DIOP a assigné Oumar SECK et la SARL Bureautique et Arts Graphiques en annulation de l'assemblée générale mixte du 28 juillet 2001, en annulation de sa révocation, en paiement de dommages et intérêts;
Qu'il a aussi sollicité l'exécution provisoire;
Attendu que par conclusions du 18 Novembre 2002 de ses conseils, Pédre DIOP a fixé les dommages et intérêts réclamés à la somme de un million (1.000.000) frs;
Attendu que par écritures de ses Conseils du 08 juillet 2002, Oumar SECK a demandé à titre reconventionnel, l'expulsion de Pèdre DIOP du siège social, des bureaux et de la direction de la BAG SARL pour occupation sans droit, ni titre, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef, injonction devant également lui être faite de procéder à la passation de service sous astreinte définitive de cent mille (100.000) francs par jour de retard;
Qu'il a aussi sollicité l'exécution provisoire;
Attendu qu'il y a lieu de déclarer les demandes principale et reconventionnelle recevables;
Attendu que par conclusions citées ci-dessus, Pèdre DIOP a exposé qu'il a été irrégulièrement révoqué de ses fonctions de gérant de la SARL BAG, au cours de l'assemblée générale mixte du 28 juillet 2001, où celle-ci n'était pas inscrite à 1'ordre du jour;
Que les dispositions de l'article 338 de l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales prescrivent qu’ » à peine de nullité, la convocation indique l'ordre du jour », celui-ci étant circonscrit au cours de cette assemblée, au seul point relatif à l'examen des comptes sociaux des années 1999 et 2000;
Que gérant statutaire, il ne pouvait être révoqué sans une modification des statuts, décision qui ne peut être prise qu'à la majorité des 3/4 des associés qui détiennent le capital;
Que le procès-verbal de l'assemblée générale a mentionné que le quorum dépassait légèrement un nombre d'associés représentant la moitié du capital, la demande en annulation se fondant sur les dispositions de l'article 339 de l'Acte Uniforme suscité;
Attendu que Pèdre DIOP a aussi soutenu que l'assemblée générale mixte n'a pas été organisée dans l'intérêt de la société, n'ayant jamais été assigné en reddition de comptes, pour qu'une passation de service puisse être effectuée;
Que les irrégularités commises à l'occasion de l'assemblée générale et les manœuvres de Oumar SEGK étaient tellement flagrantes, que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour ordonner l'expulsion sollicitée;
Attendu que Oumar SECK, par écritures de ses Conseils cités ci-dessus, a souligné que la société "Bureautique Arts et Graphiques" a été constituée le 04 février 1987 avec un capital de 5.780.000 francs réparti en 578 parts sociales détenues par lui-même (318), Pèdre DIOP (120), Moustapha NAHAM (100), André WHINTTINGTON (10), Toutane PAYE (10), Henri GUILLABERT (10);
Que suite au refus de Pèdre DIOP, seul gérant à compter de 1999, de convoquer l'assemblée générale, il l'a attrait devant le juge des référés, qui par ordonnance du 28 mai 2001, a désigné Idrissa NIANG en qualité de mandataire pour y procéder;
Que l'assemblée générale tenue le 28 juillet 2001, qui avait examiné deux points à son ordre du jour, bilan et situation des exercices 1999-2000, et les questions diverses, a révoqué Pèdre DIOP en qualité de gérant;
Que pour résister à la mesure d'expulsion sollicitée devant le juge, Pèdre DIOP a initié une action en annulation de l'assemblée générale, soutenant à tort que la révocation du gérant n'était pas inscrite à l'ordre du jour de celle-ci, le seul cas de nullité prévu à l'article 338 de l'Acte Uniforme concernant la convocation d'une assemblée générale ne portant aucun ordre du jour;
Que Pèdre DIOP est mal venu pour solliciter l'annulation de l'assemblée générale, n'ayant pas déféré à la convocation de l'assemblée générale du 28 juillet 2001, n'ayant également pas réuni celles ordinaires des années 1999, 2000 et 2001;
Attendu qu'il y a lieu de relever que les dispositions de l'article 539 de l'Acte Uniforme précisant les conditions de l'annulation de l'assemblée en ces termes : « Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée;
Toutefois, l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés »;
Que l'article 338 du même acte indique dans son alinéa 2, qu’ » à peine de nullité, la convocation indique l'ordre du jour »;
Que selon l'article 326, « le ou les gérants statutaires ou non sont révocables par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales »;
Attendu que Pèdre DIOP n'a contesté ni la qualité (mandataire) de celui qui a réuni l'assemblée générale, ni les délais dans lesquels elle a été convoquée;
Que celle-ci s'est réunie sur un ordre du jour fixé dans l'acte de convocation adressé aux associés;
Que cette assemblée au cours de laquelle les associés représentant plus de la moitié du capital, étaient présents, avait pouvoir, conformément aux dispositions de l'article 326, de révoquer le gérant, la modification des statuts n'étant pas nécessaire à cette fin;
Qu'il n'est utile de fixer dans l'ordre du jour le point sur la révocation du gérant, celui-ci pouvant être évoqué dans les questions diverses, sous réserve seulement que le quorum nécessaire à l'examen de ce point soit atteint;
Que les associés, qui se sont prononcés sur la révocation du gérant, détenant plus de la moitié du capital, il échet dès lors, l'assemblée générale ayant été régulièrement convoquée, de rejeter les demandes en annulation de l'assemblée générale du 28 juillet 2001 et de révocation de Pèdre DIOP;
Attendu que Pèdre DIOP a sollicité la somme de un million (1.000.000) francs à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qui lui aurait été causé;
Attendu que la révocation d'un gérant peut ouvrir droit à des dommages et intérêts, si elle est décidée sans justes motifs;
Que Pèdre DIOP n'articule aucun moyen pour justifier que celle-ci ne serait pas fondée, sauf à soutenir l'irrégularité de l'assemblée générale qui l'a décidée;
Qu'il échet dès lors, de rejeter sa demande de dommages et intérêts;
Attendu que Oumar SECK a sollicité l'expulsion de Pèdre DIOP des bureaux et du siège social de la société;
Attendu que l'occupation des bureaux et du siège social de la société BAG SARL par Pèdre DIOP était fondée sur sa qualité de gérant;
Qu’ayant été révoqué, il n'a plus qualité pour s'installer dans ces lieux, son expulsion devant dès lors être ordonnée;
Attendu qu'il y a lieu, Pèdre DIOP n'étant plus gérant, d'ordonner la passation de service entre lui et Oumar SECK, sous astreinte de dix mille francs par jour de retard;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire, le fonctionnement de la société devant être assuré par la personne habilitée à la représenter;
Que la révocation de Pèdre DIOP datant du 28 juillet 2001, il y a urgence suffisante pour organiser la passation de service et donner possession du siège social et des bureaux à Oumar SECK;
Attendu qu'il y a lieu de condamner Pèdre DIOP aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– Reçoit en la forme les demandes principale et reconventionnelle de Pèdre DIOP et de Oumar SECK;
– Déboute Pèdre DIOP de ses demandes;
– Ordonne son expulsion du siège social et des bureaux de la SARL BAG;
– Ordonne que soit effectuée la passation de service entre Pèdre DIOP et Oumar SECK, sous astreinte de dix mille (10.000) francs par jour de retard;
– Ordonne l'exécution provisoire du présent
– Condamne Pèdre DIOP aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.