J-03-184
SAISIE DE NAVIRE – DEMANDE DE MAIN LEVEE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE AVEC IMMOBILISATION DE NAVIRE – INCOMPETENCE DU JUGE DES REQUETES POUR ORDONNER UNE SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE EN L’ABSENCE DE DEBAT CONTRADICTOIRE – CREANCIER BENEFICIANT D’UNE CAUTION BANCAIRE TENTANT DE LA REALISER – ORDONNANCE DE SAISIE CONSERVATOIRE MECONNAISSANT LES PRESCRIPTIONS DES ARTICLES 55 ET SUIVANTS DE L’AUPSRVE – CREANCE NON EN PERIL.
Article 55 AUPSRVE ET SUIVANTS
La main levée de la saisie conservatoire de navire ne peut être ordonnée que lorsqu’une caution ou une garantie suffisante ont été fournies. Ainsi, c’est à bon droit que le juge des requêtes a été saisi pour obtenir sûreté de la créance mise en péril par l’expiration de la caution bancaire fourni; le fait que le juge du fond soit saisi n’est pas de nature à empêcher le créancier de prendre des mesures conservatoires pour garantir le paiement de sa créance.
Il ne résulte nullement des articles 55 et suivants de l’AUPSRVE une obligation pour le juge de mentionner le délai de saisine du juge de fond pour obtenir un titre exécutoire
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, ordonnance de référé n° 1692 du 23 décembre 2002, ALPHA SHIPPING LD contre THOCOMAR S AGENCY).
République du Sénégal
Tribunal régional hors classe de Dakar
Ordonnance de référé N° 1692 du 23 décembre 2002
Affaire : ALPHA SHIPPING LTD. (Me TOUNKARA et Associés)
c
THOCOMAR S. AGENCY (Mes NIANE et HILAL).
L’an deux mille deux, et le vingt trois décembre;
Devant Nous, Madame Henriette DIOP TALL, Juge au siège, vice-Présidente du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), étant en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, où tenant audience publique des référés, avec l’assistance de Madame BOCOUM, Greffier;
ONT COMPARU :
Maîtres Mayacine TOUNKARA et Associés, Avocats à la Cour, 19 rue Abdou Karim Bourgi à Dakar, Conseils de la société ALPHA SHIPPING LTD., ayant son siège à Dakar, Route des Brasseries, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, lequel fait élection de domicile en l’étude desdits avocats;
Lesquels nous ont exposé que par exploit de Me Ibrahima DIAW, Huissier de justice à Dakar, en date du 22 novembre 2002, la société ALPHA SHIPPING LTD. a assigné la société THOCOMAR SHIPPING AGENCY, dont le siège social est à Dakar, 15 boulevard Djily Mbaye, à comparaître ce jour, pour, est-il dit dans cet exploit :
« Voir statuer sur les mérites de sa requête tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire avec immobilisation du navire M/V « ABOU I »;
L’affaire appelée à son tour à cette audience, a été utilement retenue;
ONT ÉGALEMENT COMPARU :
Mes Bocar NIANE et S. HILAL, Avocats à la Cour à Dakar, Conseils de la défenderesse, lesquels ont été entendus en leurs conclusions;
SUR QUOI, NOUS JUGE DES RÉFÉRÉS,
Vu la demande de mainlevée présentée par la société ALPHA SHIPPING LIMITED;
Après avoir entendu les parties en leurs conclusions respectives;
Attendu que suivant exploit du 22 novembre 2002 de Me Ibrahima DIAW, Huissier de justice à Dakar, la société ALPHA SHIPPING LTD. a assigné la société THOCOMAR SHIPPING AGENCY, pour entendre ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du navire M/V « Abou I »;
EN LA FORME
Attendu que l’action a été initiée dans les forme et délai légaux; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
Attendu que la société demanderesse a fait valoir lors de ses observations orales, que l’ordonnance en date du 29 octobre 2002 ayant autorisé la saisie conservatoire du navire précité, doit être rétractée aux motifs que le juge des requêtes ne pouvait ordonner une telle mesure en l’absence de tout débat contradictoire, alors que le juge du fond était déjà saisi du contentieux;
Qu’en outre, la défenderesse bénéficiait d’une caution bancaire; qu’elle avait même adressé à la banque une correspondance pour en obtenir le paiement; que s’agissant de la même créance, le bien ne peut faire l’objet de deux saisies;
Que par ailleurs, l’ordonnance n’a pas obéi aux prescriptions de l’article 55 et suivants de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, même si elle est fondée sur la Convention de Bruxelles;.
Qu’elle a conclu à la mainlevée de la saisie, d’autant plus que la créance de la demanderesse n’est pas en péril;
Attendu que la défenderesse a précisé qu’elle avait des relations commerciales avec la demanderesse; que suite aux demandes infructueuses pour obtenir le règlement de la créance, elle avait pratiqué une première saisie, et ALPHA SHIPPING avait proposé une caution bancaire, avant d’en obtenir la mainlevée; que devant le juge du fond saisi d’une action en paiement, cette dernière ne s’est pas mise en état;
Que la caution précédemment fournie devant arriver à expiration, elle a ainsi saisi le juge des requêtes pour procéder à l’immobilisation du navire; que l’ordonnance a été exécutée après l’expiration du cautionnement;
Que cette saisine fondée sur la Convention de Bruxelles est régulière, en ce que la loi ne fait pas obligation au juge de la requête de préciser les délais de saisine du juge du fond;
Que par ailleurs, la demanderesse a sollicité la mainlevée de la saisine, alors qu’elle n’a pas proposé de cautionnement, comme l’exige la Convention de Bruxelles;
Qu’au regard de sa créance qui est en péril, elle a conclu au rejet des prétentions de ALPHA SHIPPING;
SUR CE,
Attendu qu’il apparaît, au regard de l’article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, que la mainlevée de la saisie conservatoire du navire pratiquée sur ce fondement, ne peut être ordonnée que lorsqu’une caution ou une garantie suffisante ont été fournies; que tel n’est pas le cas en l’espèce, la société ALPHA SHIPPING n’ayant offert aucune garantie équivalente;
Attendu qu’en outre, cette dernière a soutenu que l’existence d’un précédent cautionnement en date du 26 octobre 2001 empêchait la saisie du navire;
Que cependant, il importe de relever qu’au moment de la signature de l’ordonnance autorisant la mesure en date du 29 octobre 2002, ce cautionnement était arrivé à terme; qu’il s’ensuit que c’est à bon droit que THOCOMAR a saisi le juge des requêtes pour obtenir une sûreté de nature à garantir le paiement de sa créance mise en péril par l’expiration de la caution fournie par la Société Générale des Banques du Sénégal; que le fait que le juge de fond soit saisi, n’est pas de nature à empêcher le créancier de prendre des mesures conservatoires pour garantir le paiement de sa créance;
Attendu en outre, qu’il ne résulte nullement des articles 55 et suivants de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, une obligation pour le Juge, de mentionner le délai de saisine du Juge de fond, pour l’obtention d’un titre exécutoire;
Qu’il échet en définitive de débouter la société ALPHA SHIPPING de sa demande, comme étant injustifiée;
PAR CES MOTIFS
Tous droits et moyens des parties réservés au fond; vu l’urgence;
EN LA FORME
– Recevons l’action;
AU FOND
– Déboutons la société ALPHA SHIPPING de ses demandes;
– La condamnons aux dépens;
Et signons avec le Greffier.