J-03-19
VOIES D’EXÉCUTION – EXPLOIT DE SAISIE VENTE – IDENTITÉ DES CARACTÈRES – CARACTÈRES APPARENTS (NON) – NULLITÉ DE LA SAISIE (OUI) –ARTICLE
100 AUPSRVE.
Ne satisfait pas aux exigences de l’article 100 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, l’exploit de saisie vente dont les mentions relatives au droit de vente amiable du débiteur saisi sont de même caractère que le reste du texte.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° 969 du 26 juillet 2002. BOPLAST (Mes DOGUE – Abbé Yao) c/ BALAGHI Moussou (Mes TANO – Coffie)).
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 03 mai 2002
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit du 11 avril 2002, la Société BOPLAST, ayant pour Conseils Maîtres DOGUE et ABBE YAO, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement n° 270 du 26/03/2002, rendu par le Tribunal de 1ère Instance de Yopougon, qui a :
– Déclaré la Société BOPLAST irrecevable en son opposition;
– Dit recevable mais mal fondée sa demande en contestation et mainlevée de la saisie vente;
– Rejeté sa demande en réévaluation des frais de justice;
– Déclaré recevable mais mal fondée sa demande additionnelle et l’en a déboutée;
Au soutien de son action à travers l’acte d’appel, la Société BOPLAST soulève la nullité de l’exploit de commandement, pour non-respect des dispositions de l’article 92 de l’Acte Uniforme, la signification à domicile ne pouvant signifier que l’huissier peut délaisser l’exploit à n’importe qui dans ledit domicile;
Le sieur BASSAM ne reconnaissant pas du reste, avoir reçu l’acte dont s’agit;
Qu’à défaut d’avoir visé le représentant légal de la société, cet exploit sera déclaré nul;
Par ailleurs, poursuit-elle, il y a violation de l’article 100 du Traité OHADA, l’huissier n’ayant pas détaillé les objets saisis, ni indiqué régulièrement la juridiction devant laquelle seront portées les contestations;
Le Tribunal d’Abidjan étant différent du Tribunal de 1ère Instance de Yopougon;
De même, poursuit-elle, cet acte ne contient pas les nom, prénoms et qualité de la personne qui aurait assisté à la saisie. De ce qui précède, elle demande à la Cour de statuer dans le sens sus-indiqué et infirmer le jugement;
Pour sa part, BALAGHI, représenté par SCPA COFFIE et Associés, fait remarquer que l’exploit de commandement est régulier, en ce sens que c’est le même BASSAM qui a reçu l’exploit de signification de la décision d’injonction de payer, le procès-verbal de saisie vente, et l’acte de signification avant vente, et que l’huissier n’a commis aucune faute pouvant entraîner la nullité de l’exploit de commandement avant saisie;
Il fait valoir aussi que l’article 100 du Traité OHADA n’exige pas l’indication de la marque des objets saisis, à peine de nullité;
Sur le caractère apparent des mentions, il articule qu’il n’y a eu aucune violation de l’article 100 alinéa 6 et 7, et que ces mentions sont bien visibles;
Evoquant la désignation de la juridiction compétente, il estime qu’aux termes de l’article 125 du code de procédure civile, la société appelante qui s’est défendue au fond, a couvert la nullité qu’elle soulève;
Qu’il sollicite dès lors, la confirmation du jugement, par voie de conclusion en réplique de ses Conseils, en date du 15/05/2002. La Société BOPLAST reprend autrement ses précédents moyens, en ajoutant en substance que l’huissier n’a pas été respectueux de l’article 247 du code de procédure civile, et que la non-désignation de la juridiction compétente qui viole les articles 123 du code de procédure civile et 100 alinéa 8 du Traité OHADA ne peut être couverte par une quelconque action de sa part. Elle demande à la Cour de lui adjuger l’entier bénéfice de ses écritures antérieures;
DES MOTIFS
DE LA RÉGULARITÉ DE L’EXPLOIT DE SAISIE VENTE
Suivant l’article 100 du Traité OHADA sur les recouvrements simplifiés et voies d’exécution;
L’acte de saisie soutient à peine de nullité :
« La mention en caractère très apparent que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés… »;
« Il porte aussi l’indication en caractère très apparent, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis… »;
En l’espèce, ces mentions sont contenues dans l’exploit de saisie, mais en caractère identique au reste du texte, de sorte que l’exigence d’un caractère très apparent n’a pas été respectée;
De même, l’article 100 exige la désignation dans ledit exploit, de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations relatives à la saisie vente;
En l’espèce, l’acte porte la mention « Tribunal d’Abidjan », ce qui constitue un manque de précision, car le Tribunal de 1ère Instance de Yopougon ne peut s’assimiler au Tribunal d’Abidjan, ce d’autant qu’il existe un Tribunal de 1ère Instance d’Abidjan Plateau;
De ce qui précède, il y a lieu de juger que l’huissier instrumentaire a manifestement violé les dispositions de l’article 100 précité, et que son procès-verbal encourt la nullité;
L’intimé succombe ainsi en la cause; il y a lieu de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la société BOPLAST en son appel relevé du jugement n° 270 du 26/03/2002, rendu par le tribunal de 1ère Instance de Yopougon;
AU FOND
– L’y dit partiellement fondée;
Reformant le jugement entrepris :
– Déclare nul le procès-verbal de saisie vente du 09 avril 2002;
– Ordonne en conséquence la mainlevée de ladite saisie;
– Confirme le jugement en ses autres dispositions;
– Condamne l’intimé aux dépens;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’ Abidjan, 1ère Chambre Civile, a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur, Consultant
Cet arrêt est intéressant et doit être approuvé sans réserves.
En exigeant que l’huissier ou l’agent d’exécution procédant à la saisie vente, mentionne, en caractères très apparents que les biens sont indisponibles et placés sous la garde du débiteur (article 100, alinéa 6 AUPSRVE), que celui-ci dispose d’un délai d’un mois pour vendre à l’amiable le bien saisi (article 100, alinéa 7 AUPSRVE), le législateur a voulu attirer l’attention du débiteur saisi sur certains de ses droits et obligations fondamentaux. Il ne s’est pas prononcé sur ce qu’il faut entendre par caractères apparents et la Cour a simplement dit que la rédaction des mentions exigées par ces alinéas de l’article
100 AUPSRVE devait être différente de celle du reste du texte de l’exploit de l’huissier pour êtres mises en évidence; cela nous incite à penser que tous caractères différents du reste du texte satisferaient à cette exigence (gras, italiques, police plus grande …).
Cet arrêt se montre également exigeant sur la satisfaction de la disposition de l’alinéa 8 du même article quant à la désignation de la juridiction devant laquelle doivent être portées les contestations relatives à la saisie vente; ainsi, la seule mention du Tribunal d’Abidjan sans autre précision de nature ou de territorialité n’a pas été jugée suffisante.