J-03-191
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (cCJA) – recours en cassation – décisions susceptibles de recours – arrêt ordonnant la discontinuation des poursuites – DECISION ENTRANT DANS LA CATEGORIE DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS EN CASSATION (non) – Irrecevabilité.
Doit être déclaré irrecevable le recours formé contre un arrêt ordonnant la discontinuation des poursuites entreprises, dès lors qu’il n’entre pas dans la catégorie des décisions susceptibles du recours en cassation spécifiées aux alinéas 3 et 4 de l’article 14 du Traité, ne peut faire l’objet de recours en cassation devant la CCJA.
[CCJA, arrêt n° 005/2003 du 24 avril 2003 (BICICI c/ D.M. et BDM et fils), Le Juris-Ohada, n° 2/2003, avril-juin 2003, p. 14, note anonyme.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 1, avril-juin 2003, p. 5].
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 24 avril 2003, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président, rapporteur,
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le pourvoi formé par la SCPA BANNY, IRITIE et Associés, Avocats à la Cour, y demeurant 7 bis, Boulevard des Avodirés, quartier Plateau-lndénié. 01 B.P. 7352 Abidjan 01, dans la cause opposant la Caisse d'Assistance Médicale en Côte d'ivoire, dite CAMCI, à la Société Assistance Médicale et Sociale de Côte d'Ivoire, dite AMSCI, SARL de droit ivoirien au capital de 200.000.000 FCFA sise à Abidjan Plateau, 11 Avenue Joseph Anoma (face BAD), immeuble SMGL. 5ème étage, 01 BP 4004 Abidjan 01;
En cassation de l'arrêt n° 574/2001 en date du 18 octobre 2001 de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, et dont le dispositif est le suivant :
« Ordonne la discontinuation des poursuites entreprises contre la Société AMSCI, en vertu de l'arrêt N° 777 en date du 27 juillet 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Sociale; laisse les frais à la charge du Trésor public »;
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu'il
figure à la requête annexée au présent arrêt;
SUR LE RAPPORT DE MONSIEUR LE JUGE DOUMSSINRINMBAYE BAHDJE :
Vu le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA;
SUR L'EXCEPTION SOULEVÉE PAR LES DÉFENDEURS
Vu l'article 14 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires;
Attendu que les défendeurs au pourvoi soulèvent, in limine litis, l'incompétence de la
Cour de céans, au motif que la décision attaquée n'entre pas dans la catégorie de celles
pouvant faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de céans, en application des dispositions de
l'article 14 du Traité susvisé;
Attendu que l'exception soulevée concerne moins la compétence de la Cour de céans que la recevabilité du pourvoi;
Attendu, en effet, qu'aux termes des alinéas 3 et 4 de l'article 14 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité, à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales;
Elle se prononce dans les mêmes conditions, sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux »;
Attendu en l'espèce, que l'arrêt N° 574/2001 rendu le 18 octobre 2001 par la Cour
Suprême de Côte d'Ivoire statuant en cassation, et qui a ordonné la discontinuation des
poursuites entreprises contre la Société AMCI, en vertu de l'arrêt N° 777 du 27 juillet 2001 de la Cour d'Appel d'Abidjan, n'entre pas dans la catégorie des décisions spécifiées aux alinéas 3 et 4 sus-énoncés de l'article 14 du Traité susvisé, et ne peut donc faire l'objet de recours en cassation devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA; qu'il échet en conséquence, de déclarer le recours irrecevable;
Attendu que la Société CAMCI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Déclare irrecevable le recours formé par la Société CAMCI contre l'arrêt N° 574/2001 rendu le 18 octobre 2001 par la Cour Suprême de la République de Côte d'Ivoire;
– Président : M. Seydou BA.
Note
La CCJA déclare irrecevable le recours en cassation formé contre une décision, au motif que la décision attaquée n'entre pas dans la catégorie des décisions spécifiées aux alinéas 3 et 4 de l'article 14 du Traité. Autrement dit, la décision attaquée n'est pas une décision susceptible de recours devant la CCJA.
Tout comme dans l'arrêt N° 04 du 27 mars 2003 (Ohadata J-03-190), les conditions de compétence de la Cour ne sont pas réunies, la décision attaquée étant un arrêt ayant ordonné la discontinuation des poursuites contre le débiteur poursuivi.
Selon le demandeur au pourvoi, la Cour Suprême, en ordonnant la discontinuation des poursuites sur le fondement de l'article 214. c. pr. civ. ivoirien, a violé l'article 32 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, qui à l'exception de l'adjudication des immeubles, ne prévoit pareille mesure.
En déclarant irrecevable le recours, la question se pose de savoir ce que l'on doit entendre par décision susceptible de recours, conformément à l'article 14 al.3 et 4.
Le moyen du demandeur au pourvoi étant la violation de l'article 32 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, la CCJA ne remet-elle pas en cause sa propre jurisprudence, quand on constate que dans son arrêt N° 02/2001 du 11 octobre 2001 (cf. Juris OHADA, N° 1/2002. p.24), elle a annulé une ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel, qui, sur le fondement des articles 180 et 181. C. pr. civ. (équivalents de l'article 214 - c. pr. civ. au niveau de la Cour Suprême), suspendait l'exécution d'un jugement de condamnation ?
En fait, il s'agit d'une décision rendue en matière sociale, et donc, qui ne soulève pas
de questions relatives à l'application d'un Acte uniforme. Ce qui justifie la compétence de la
Cour Suprême, qui a ordonné la discontinuation des poursuites, sur le fondement de l'article
214. C. pr. civ. ivoirien.
Qu'aurait décidé la CCJA, si l'ordonnance de discontinuation avait été prononcée contre une décision rendue en application d'un Acte uniforme ?
La Cour se serait inéluctablement prononcée dans le sens de l'arrêt du 11 octobre 2001 précité, s'il s'était agi de relation commerciale; le fait d'être en présence d'un arrêt de discontinuation des poursuites aurait été sans incidence sur la décision de la CCJA.
En réalité, ce n'est pas l'arrêt de discontinuation des poursuites qui est en cause, mais plutôt l'arrêt de Cour d'Appel qui a condamné la société AMCI. Cette décision étant rendue en matière sociale, et non en application d'un Acte uniforme, ne peut faire l'objet d'un recours devant la CCJA, conformément à l'article 14 al. 3 et 4 du Traité.
Sinon, l'article 214. C. pr civ. est contraire à l'article 32 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution. Mais pour que le recours soit recevable, il faut que la décision de condamnation pose des questions relatives à l'application d'un Acte uniforme.
La précision est importante pour comprendre l’arrêt d’irrecevabilité de la CCJA, la motivation telle que formulée étant sujette à confusion.