J-03-194
droit des sociétés commerciales et du gie – sarl – gérant statutaire – conditions de révocation – appréciation – compétence du juge des référés (non).
APPRECIATION DE LA COMPETENCE DU JUGE DES REFERES PAR LA COUR D’APPEL – APPRECIATION EXACTE – decision de reformation fondee – REJET DU POURVOI.
Article 326 AUSCGIE
Article 438 ET 441 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE GABONAIS
L’appréciation des conditions de révocation du gérant statutaire d’une SARL constitue des exemples de contestations sérieuses. Outrepasse la compétence du juge des référés, le juge des référés qui ordonne l’expulsion dudit gérant, dès lors qu’il doit au préalable, se prononcer sur la qualité d’associé majoritaire du demandeur au pourvoi.
Par conséquent, en déclarant le juge des référés incompétent, la Cour d’Appel, en application des articles 438 et 441 du Code gabonais de procédure civile, relatifs à la compétence du Juge des référés, n’a pu faire une mauvaise application de l’article 326 de l’AUSC.
[CCJA, arrêt n° 008/2003 du 24 avril 2003 (A. K. C. / H. M.), Le Juris-Ohada, n° 2/2003, avril-juin 2003, p. 26, note anonyme.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 1 janvier-juin 2003, p. 29].
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 24 avril 2003, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
Et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le pourvoi en date du 10 juin 2002, enregistré au Greffe de la Cour de céans le 20 juin 2002, sous le N° 032/2002/PC, formé par Maître Landing BADJI, Avocat à la Cour, demeurant 3, rue Amadou Lakhssane Ndoye x Vincens (2è étage), BP 21052 Ponty, Dakar (Sénégal), agissant au nom et pour le compte de A., dans une cause l’opposant à H., ayant pour Conseil Maître DIOP Ongwero, Avocat à la Cour, demeurant 605, rue Jacques Akiremy, quartier Nombakélé, BP 4451, Libreville (Gabon), en cassation de l’arrêt rôle N° 96/00/01 – Répertoire N° 113/01/02 rendu le 02 mai 2002 par la Cour d’Appel Judiciaire (2ème Chambre Civile et Commerciale) de Libreville (Gabon), dont le dispositif est le suivant :
« EN LA FORME :
– Reçoit H. en son appel;
AU FOND :
– Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau :
– Déclare la juridiction des référés incompétente, pour cause de contestations sérieuses;
– Laisse les dépens à la charge de l'intimé »;
Le requérant invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen de cassation tel qu'il figure à
la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure, que par acte sous seing privé en date du 15 décembre 1999 et enregistré le même jour, A. et H. ont créé une société à responsabilité limitée dénommée SOCIETE MODERNE DES BOULANGERIES DU GABON (S.M.B.G.), dont le siège est fixé à Libreville; qu'aux termes, d'une part, de l'article 7 des statuts de la S.M.B.G., le capital social, fixé à 2.000.000 FCFA, a été souscrit et entièrement libéré par les deux associés, à raison de 51 % pour H. et 49 % pour A. et, d'autre part, de l'article 14 des mêmes statuts, M., frère de l'associé H., a été nommé gérant pour une durée indéterminée et ayant seul la signature sociale; que selon A., compte tenu du mauvais comportement de M. dans la gestion de la société dont il était devenu l'unique associé à la suite du rachat par lui des 51 % du capital social auprès de H., il décidait de révoquer le gérant, et ce, par lettre signifiée à l'intéressé par exploit d'huissier le 14 février 2001, tout en sommant le gérant révoqué de lui remettre les livres comptables, les carnets de chèques et tous documents appartenant à la société, d'une part et, d'autre part, de ne plus s'introduire dans les locaux de ladite société; que devant le refus de M. d'obtempérer aux différentes réquisitions de l'huissier, A. saisissait, le 02 mars 2001, le Président du Tribunal de Première Instance de Libreville, lequel, par ordonnance de référé - Répertoire N° 302/00-01 en date du 20 mars 2001, ordonnait l'expulsion de M. des locaux et bureaux de la société S.M.B.G., et enjoignait au même M., de remettre à A. ou à son mandataire, différents documents relatifs au fonctionnement de ladite société, sous astreinte provisoire de 500.000 FCFA par jour de retard; que sur appel de M., la Cour d'Appel Judiciaire de Libreville a, par arrêt Rôle N° 96100/01 - Répertoire N° 113/01/02 du 02 mai 2002, dont pourvoi, infirmé l'ordonnance de référé ci-dessus spécifiée;
Sur le moyen unique
Attendu qu'il est reproché a l'arrêt attaqué, une mauvaise application de la loi, « en ce que la Cour d’Appel de Libreville, après avoir jugé qu'en l'espèce, "il s'agissait d'apprécier si les conditions de la révocation du gérant statutaire, posées par l'article 326 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d'intérêt économique étaient remplies", a reproché au juge des référés, d'en avoir tiré les conséquences juridiques; le juge des référés, ayant jugé, conformément à l'Acte uniforme susvisé (article 309 alinéa premier), que la preuve de la qualité d'associé résulte, dans les sociétés à responsabilité limitée, des seuls statuts, a relevé l'article 7 desdits statuts, lequel ne mentionne comme associés de la S.M.B.G., que Messieurs H. et A., et comme gérant statutaire, M.; dès lors, le juge des référés a conclu, à bon droit, que prétendre qu'un des associés de la SMBG était, comme l'a soutenu M., son prête-nom, n'avait et n'a aucune base légale et ne pouvait pas en conséquence, être considéré comme une contestation sérieuse; le juge des référés a fondé donc ce jugement sur un acte juridique (les statuts de la S.M.B.G.), dès lors que celui-ci est exempt de toute ambiguïté; or la contestation faite par M. ne repose que sur de fausses allégations, et Monsieur M. a lui-même donné raison à Monsieur le juge des référés, puisque depuis le mois de juillet 2001, il a changé le siège social de la S.M.B.G. - prérogative qui n'est pas la sienne - et que Monsieur A. ne sait même pas où se trouve le fonds de commerce de la société dont il est encore l'associé unique »;
Mais attendu que pour infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et déclarer la juridiction des référés incompétente, pour cause de contestations sérieuses, la Cour d’Appel de Libreville a retenu « que l'interdiction faite au juge des référés, par les articles 438 et 441 du Code de procédure civile, de connaître du fond, lui impose de statuer sans prendre parti sur le fond du procès : que si l'urgence justifie sa compétence, c'est à la condition que la mesure sollicitée ne se heurte à une contestation sérieuse, ou que le litige soulevé n'implique l'existence ou le règlement d'un différend au fond, qui concerne des questions essentielles; .. que la contestation qui pourrait s'élever sur l'existence d'un prête-nom au profit dudit gérant et sa qualité d'associé, sur l'établissement d'un faux, ainsi que sur la réalité de la cession des parts sociales, relève de toute évidence du fond ou du principal, au sens des articles 438 et 441 du Code de procédure civile susvisés; qu'il s'agissait en l'espèce, d'apprécier si les conditions de la révocation du gérant statutaire posées par l'article 326 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, étaient remplies; qu'en ordonnant l'expulsion de M., alors qu'il devait , au préalable, se prononcer sur la qualité d'associé majoritaire invoquée par A., au regard des contestations élevées par l'appelant, le premier juge a manifestement outrepassé la compétence du juge des référés, en prenant implicitement parti sur le principal; qu'il lui fallait, pour se déclarer incompétent, dire que les questions soulevées lui étaient insurmontables, en tant qu'elles constituaient, en effet, des exemples de contestations sérieuses »; qu'en statuant ainsi, la Cour d’Appel de Libreville, qui s'est uniquement prononcée sur les conditions d'application des articles 438 et 441 du Code gabonais de procédure civile, relatifs à la compétence du juge des référés, n'a pu faire une mauvaise application de l'article 326 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique; qu'il s'ensuit que le pourvoi doit être rejeté;
Attendu que A. ayant succombé, doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Rejette le pourvoi.
– Président : M. Seydou BA.
Note
Le juge des référés est-il compétent pour apprécier les conditions de révocation d’un gérant statutaire ? Tel est le problème soumis à la CCJA.
En rejetant le pourvoi, la Cour a répondu par la négative, motifs pris de ce que les conditions de révocation constituent des exemples de contestations sérieuses. Or, le juge des référés est incompétent pour connaître de ces contestations qui touchent au fond du litige.
C’est ce qui justifie l’interdiction qui lui est faite en droit gabonais, par les articles 438 et 441 du code de procédure civile (il en est d’ailleurs de même dans les pays de la zone franc. Pour la Côte d’Ivoire, article 226 c. proc. civ.).
En l’espèce, l’appréciation des conditions de révocation du gérant statutaire passait par un préalable : l’examen de la qualité d’associé du demandeur au pourvoi, question de fond que ne pouvait valablement évoquer le juge des référés, eu égard à sa compétence limitée. En le faisant, il a manifestement outrepassé ses pouvoirs, pour s’être prononcé implicitement sur le fond.
Or, en pareilles hypothèses, il doit se déclarer incompétent, en application des articles 438 et 441 du code de procédure civile gabonais.
La Cour d’Appel s’étant prononcée sur la compétence des juges de référés, c’est tout naturellement que le pourvoi a été rejeté.