J-03-196
voies d’exécution – saisie conservatoire – action en validité – mainlevée – compétence du juge des référés (non).
Lorsque le juge du fond est saisi d’une action en validité de la saisie gagerie pratiquée, le juge des référés, sans préjudicier au fond, ne peut plus connaître de l’action en mainlevée.
En se reconnaissant compétent, il outrepasse ses pouvoirs et sa décision encourt l’annulation.
[Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 404 du 24 mars 2000, dame D…c/ R…, Le Juris Ohada, n° 2/2003, avril-juin 2003, p. 41, note anonyme].
La cour,
Vu les pièces du procès;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile en référé et en dernier ressort, sur l'appel relevé par dame D. épouse A., suivant exploit d'huissier en date du 21 janvier 2000, de l'ordonnance de référé N° 5545/99 rendue le 09 décembre 1999 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, laquelle, saisie par Monsieur R. d'une demande de mainlevée de saisie gagerie pratiquée sur ses biens meubles, a fait droit à la dite demande;
Considérant qu'aux termes de son acte d'appel motivé, dame D. épouse A., expose que pour sauvegarder ses intérêts, notamment pour le paiement de la somme de 1.530.000 FCFA, représentant 17 mois de loyers échus et impayés par R., locataire de son local, expulsé suivant ordonnance de référé n° 4847 du 22 octobre 1999, elle a fait pratiquer saisie gagerie au préjudice du susnommé, en vertu d'une ordonnance n° 5051 du 05 novembre 1999 l'y autorisant;
Que ladite saisie gagerie a été pratiquée et dénoncée à la personne même de R., le
1er décembre 1999;
Considérant que dame D. épouse A. fait valoir que c'est à tort que le Juge des référés, pour ordonner la mainlevée de la saisie gagerie, a tiré argument que seul Maître ADOU, Notaire à Abidjan, désigné judiciairement comme administrateur des biens successoraux de feu A., son époux, avait qualité pour agir et solliciter toute action au nom et pour le compte de ladite succession, car articule dame D., c'est munie d'une procuration à elle délivrée à cet effet par Maître ADOU, qu'elle a actionné R.;
Considérant que l'appelante sollicite en conséquence, l'infirmation de l'ordonnance de référé ayant ordonné la mainlevée de la saisie gagerie, ce, d'autant que selon elle, ladite saisie a été pratiquée et dénoncée régulièrement et qu'une action en validité a été initiée;
Considérant que quoique assigné à sa personne, R. n'a ni comparu, ni conclu;
EN LA FORME
Considérant que l'appel de dame D. épouse A. est recevable pour avoir obéi aux prescriptions légales;
AU FOND
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution du Traité OHADA, il peut être donné mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée, par la juridiction compétente qui l'a autorisée;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 278 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative applicable en l'espèce, sont compétents en la matière le Juge des référés, le Juge chargé de la mise en état et, bien entendu, le Juge du fond;
Que lorsque le Juge du fond est saisi, le Juge des référés ne peut plus en connaître;
Considérant qu'en l'espèce, dame D. épouse A. avait saisi, le 1er décembre 1999, le Juge du fond, d'une action en validité de la saisie gagerie pratiquée au détriment de R.; que ce dernier, au lieu de porter son action en mainlevée de ladite saisie devant le Juge du fond, a saisi le Juge des référé, le 02 décembre 1999;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le Juge des référés, sans préjudice au fond, ne pouvait connaître de l'action de R.;
Qu'en se reconnaissant compétent, le Juge des référés a outrepassé ses pouvoirs, de sorte qu'il échet d'annuler sa décision.
PAR CES MOTIFS
– Déclare Dame D. épouse A., recevable et bien fondée en son appel;
– Annule l'ordonnance de référé entreprise;
– Déclare le Juge des référés incompétent;
– Renvoie les parties à mieux se pourvoir devant le Juge du fond.
– Président : Mme TIMITE Sophie.
Note
Quelle est la juridiction compétente pour connaître de la mainlevée d’une saisie conservatoire ?
La Cour d’Appel répond que conformément à l’article 278 du Code de procédure civile, sont compétents aussi bien le juge des référés, le juge de la mise en état, que le juge du fond.
Cependant, elle ajoute que le juge des référés ne peut connaître de la demande de mainlevée, dès lors que le juge du fond a été saisi d’une action en validité de la saisie.
Il en résulte que dans cette hypothèse, c’est le juge du fond saisi qui doit connaître de la demande de mainlevée et que le juge des référés devient incompétent. S’il se prononce, il outrepasse sa compétence et sa décision encourt l’annulation.