J-03-226
DROIT DE RETENTION – CONDITION D’ERXERCICE – DEBITEUR NON PROPRIETAIRE DE LA CHOSE RETENUE – DEBITEUR DADMIS AU REGLEMENT PREVENTIF – DROIT DE RETENTION NON ADMIS.
Le droit de rétention ne peut s’exercer légitimement que si le bien retenu appartient au débiteur. Même dans ce cas, le règlement préventif auquel le débiteur a été admis fait obstacle à l’exercice du droit de rétention.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° 92 du 31 janvier 2003, Dame Ghussein Fadiga Malick ND c/ Société Alliance Auto).
LA COUR
Vu les pièces du procès;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit d'Huissier en date du 12 Novembre 2002, dame GHUSSEIN épouse FADIGA MALICK N.D. a, par l'organe de son conseil Me BLESSY JEAN GHRYSASTOME, Avocat à la Cour, interjeté appel de l'ordonnance de référé N°5094 rendue le 06 Novembre 2002 dont le dispositif est ainsi libellé. :
"Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent;
Vu l'urgence, et par provision;
Déclarons Madame AHUSSEIN épouse FADIGA MALICK N.D. recevable mais mal fondée en son action et l'en débouté;
La condamnons aux dépens";
Considérant que l'appelante reproche au Premier Juge d'avoir déclaré bien fondée la rétention opérée sur son véhicule de marque BMW immatriculé 9493 CV 901 déposé par Mr HAMADEH, Directeur de la Société BIT, pour révision chez Alliance Auto, aux motifs qu'il existe une connexité entre les dettes de réparations accumulées par cette société et son véhicule;
Qu'elle fait remarquer que ledit véhicule est la chose d'un tiers resté étranger aux rapports juridiques existant entre la Société BIT et Alliance; qu'il ne saurait donc faire l'objet d'une rétention, au sens des dispositions de l'article 41 de l'Acte Uniforme OHADA;
Qu'à supposer, poursuit-t-elle, que la Société BIT soit propriétaire du véhicule BMW, aucune mesure d’exécution ou conservatoire ne peut être exécutée contre elle du fait de son admission au bénéfice du règlement préventif;
Qu'elle sollicite la restitution de son bien sous astreinte comminatoire de 1.000.000 F CFA par heure de retard à compter du prononcé de la décision;
Considérant que bien que régulièrement assignée et représentée, l'intimée n’a pas déposé d’écritures;
Qu'il convient de statuer contradictoirement;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l'appel de dame GHUSSEIN est recevable pour être conforme aux conditions de la loi;
AU FOND
Sur la rétention de la chose d'un tiers
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 41 de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des sûretés "le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu'à paiement de ce qui est dû indépendamment de toute autre sûreté";
Or considérant que dans l'espèce, il est constant que le véhicule retenu n'est pas le bien du débiteur, la Société BIT;
Qu'une telle rétention n'est pas légitime;
Sur le moyen tire du bénéfice du règlement préventif
Considérant qu'il résulte des productions de l'appelante que la société BIT a été admise au bénéfice du règlement préventif;
Qu'en cet état, à supposer que cette société soit propriétaire du véhicule BMW, le règlement préventif fait obstacle à la rétention;
Qu'il échet d'ordonner la restitution du véhicule retenu.
Sur l'astreinte comminatoire
Considérant que la preuve n'est nullement rapporter de ce que le refus de restitution le bien saisi est ent8ché d'abus;
Qu'il échet de rejeter la demande d'astreinte comme non fondée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare dame GHUSSEIN épouse FADIGA MALICK N.D. recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé N°5094 rendu le 06 Novembre 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit partiellement fondée;
Infirme 1e jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant a nouveau
– Déclare la rétention du véhicule BMW immatricule 9493 CIV 01 illégitime;
– En ordonne la restitution à son propriétaire dame GHUSSEIN FADIGA;
– Déboute l’appelante de sa demande en condamnation à astreinte comminatoire;
– Condamne la Société ALLIANCE AUTO aux dépens.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu’acquiescer à la décision de la Cour d’appel lorsque elle décide que le droit de rétention ne peut être exercé que sur un bien appartenant à la personne débitrice de sommes antérieurement dues et impayées.
Par contre, on ne doit admettre la seconde partie de son arrêt qu’avec réserve lorsque elle déclare que le règlement préventif du débiteur empêche l’exercice du droit de rétention. En ce cas, en effet, soit le droit de rétention a été exercé avant le jugement d’ouverture de cette procédure et rien ne peut faire lâcher prise au créancier si ce n’est le paiement de sa créance ou la constitution d’une sûreté équivalente en sa faveur; ou bien le droit de rétention est exercé après cette date et il se heurte à la suspension des poursuites individuelles à la condition que le débiteur fasse partie des créanciers désignés par le juge pour bénéficier d’une telle suspension..
En l’espèce, la Cour d’appel n’indique pas la date du jugement d’ouverture du règlement préventif si bien qu’on ne peut dire si elle a bien ou mal jugé. Mais il suffisait qu’elle relève que le bien retenu n’appartenait pas au débiteur des sommes impayées pour justifier sa décision sans qu’il fût besoin de s’aventurer sur le terrain de la procédure collective.