J-03-229
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DES CREANCES – LETTRES DE CHANGE – POURSUITES PENALES – SURSIS A STATUER.
En cas de poursuites pénales exercées sur des faits ayant servi de base à l’émission de traites, le recouvrement de ces traites suivrant la procédure simplifiée ne peut prospérer tant que les poursuites pénales n’ont pas été achevées.
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n°145 /ADD du 14 février 2003, Société STPA c/ Abou DEBBS Bernard).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ouï le Ministère Public;
Ensemble l'exposé de la procédure, des faits, prétentions des parties, et motifs ci-après;
EXPOSE DE LA PROCEDURE, DES FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d'huissier en date du 21 Mai 2001 la Société S.T.P.A.-CI a relevé appel d'un jugement civil contradictoire n° 295 rendu le 19 Mars 2001 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui a restitué son plein et entier effet à l'ordonnance d'injonction de payer N°6589/2000 du 2 Novembre 2000 la condamnant à payer à ABOU DEBBS Bernard la somme de 42.172.384 F;
Qu’au soutien de son appel, elle explique que dans le cadre de leurs relations d'affaires Mr ABOU DEBBS Bernard était chargé de transporter sa mélasse de la Compagnie sucrière dite SUCAF sise à Ferkéssedougou à Abidjan moyennant la somme de 17.300 F par tonne passée par la suite à 10.000 F;
Qu’ayant constaté que la durée de dépotage était passée à 4 heures au lieu de 6 elle a posé des cadenas pour régler ce problème et ceux-ci ainsi que les chaînes étaient cassés en vue d'alléger les camions citernes et détournait ainsi une partie de la mélasse;
Qu’elle portait alors plainte contre l'intimé et ses chauffeurs à la gendarmerie en septembre 2000 pour détournement et destructions;
Que les objets détruits ont même été scellés au greffe du Tribunal d'Abidjan;
Qu'entre temps, en novembre 2000, l'intimé obtenait contre elle l'ordonnance querellée;
Que, cette fois-ci, elle portait une autre plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction, pour les faits déjà évoqués, en décembre 2000 et demandait alors au juge saisi sur opposition de surseoir à statuer car il s'agit des mêmes faits et des mêmes parties, en application de la règle le criminel tient le civil en état;
Qu’elle fonde son action sur le fait qu'elle conteste la créance établie sur la base de factures fausses dans la mesure où l’intimé a facturé la mélasse non réceptionnée au même titre que celle qu'il a effectivement livrée;
Que de ce qui précède, elle sollicite l'infirmation du jugement querellé car les documents (traites et reconnaissance de dette) émis sur des pièces susvisées sont aussi fausses;
Qu'en réplique l'intimé Mr ABOU DEBBS fait valoir que les dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale ne sauraient s’appliquer en l'espèce;
Qu'en effet l'action de Mr ABOU DEBBS ayant abouti à l'ordonnance d'injonction de payer résulte du non-respect par la société STPA-CI de ses engagements contractuels envers lui;
Qu'en outre cette action civi1e n'est pas initiée pour voir réparer le préjudice souffert du fait d'un crime d'un délit ou d'une contravention;
Qu'enfin la décision de la juridiction répressive n'aura absolument aucune incidence sur l'action de la juridiction civile;
Que par ailleurs, l'appelante se contente d'affirmer qu'il a détourné des produits lui appartenant sans preuve, dont le montant s'élèverait à 174.618.720 F;
Que la Cour l'a déboutera de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de.132.446.336 F;
Qu'il ajoute aussi que sa créance est certaine, liquide et exigible car elle résulte des traites d'un montant total de 16.217.807 F et une reconnaissance de dette de 25.864.577 F et des frais d'impayés de 90.000 F
Qu'il sollicite au vu de ces développements la confirmation du jugement querellée;
Considérant que le Ministère Public requis s'en rapporte;
SUR CE
EN LA FORME
Considérant qu’en l'espèce la STPA-CI a relevé appel selon les formes et délai de la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mr. ABOU DEBBS Bernard et ses deux chauffeurs sont poursuivis pour détournement d'une partie de la mélasse et destruction des cadenas apposés sur les camions de transport de sorte que les factures établies sont conformes au bon d’enlèvement et non à la quantité réelle livrée;
Que par un arrêt n°95 du 10 Juil1et 2002 ,ils ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel d'Abidjan pour y être jugés;
Qu'il s'ensuit que si les faits sont avérés, les traites émises sur la base de ces factures ne peuvent servir de fondement à l'ordonnance querellée; qu' il échet donc d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à production de la décision pénale;
Sur les dépens
Considérant que le sursis à statuer ayant été ordonné; il y a lieu de réserver les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel de la Société STPA–CI;
AU FOND
– Ordonne le sursis à' statuer jusqu'à production de la décision pénale.