J-03-23
INJONCTION DE PAYER –OPPOSITION A L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – ABSENCE DE TENTATIVE DE CONCILIATION – SANCTION – NULLITÉ DU JUGEMENT (NON) – ARTICLE 12 AUPSRVE.
CODE CIMA – CREANCE QUASI DELICTUELLE DE LA VICTIME ENVERS L’ASSUREUR – RECOUVREMENT PAR PROCEDURE SPECIALE PREVUE PAR LE CODE CIMA – IRRECEVABILITE DE LA PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER.
La violation de l’obligation pour la juridiction saisie de l’opposition, de procéder à une tentative de conciliation, n’est pas sanctionnée par la nullité du jugement.
Article 12 AUPSRVE
Cour d’Appel d’Abidjan. Arrêt N° 865 du 5 juillet 2002. SIDAM (SCPA KONATE-BAZIE-KOYO) c/ CISSE Drissa (Me BERTE Mory).
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 05 juillet 2002
LA COUR,
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ouï le Ministère Public;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit en date du 27 décembre 2001 de Maître KONIN ASSEMIAN Gabriel, Huissier de Justice à Abidjan, la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM, représentée par Monsieur MEITE Souleymane, son Directeur Général, et ayant pour Conseil la SCPA KONATE, MOISE-BAZIE, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement n° 983/2001 rendu le 28 novembre 2001 sur opposition par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, décision par laquelle ladite juridiction a déclaré l’opposition irrecevable et l’a condamnée à payer la somme de 8.507.500 FCFA à CISSE Drissa;
DES FAITS, PROCÉDURES ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Il ressort de la procédure que CISSE Drissa, dont le fils mineur a subi une amputation des suites d’un accident de la circulation, a obtenu la condamnation de l’assurance SIDAM à la somme de 8.507.500 FCFA, représentant les frais de prothèse;
S’opposant à l’exécution de cette ordonnance, la SIDAM soulevait devant le premier Juge, l’irrecevabilité de la requête et le caractère non certain et non contractuel de la créance dont se prévalait CISSE Drissa;
En rendant la décision critiquée, le Tribunal a estimé que le Greffe de la Juridiction dont le Président a rendu l’ordonnance n° 3849/2001 du 27 avril 2001, n’a pas reçu signification du recours de la SIDAM;
En cause d’appel, la SIDAM soulève in limine litis la nullité du jugement, au motif que d’une part, l’article 12 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement imposant une tentative de conciliation a été violé; d’autre part, la procédure n’a pas été communiquée au Ministère Public, alors qu’elle est relative à une demande de rétractation;
Subsidiairement, elle fait remarquer que si l’exploit d’opposition en date du 6 juin 2001 n’a pas été signifié au Greffe, il demeure que ce dernier a reçu un avenir d’audience du 29 juin lui indiquant la date d’évocation de l’affaire;
Pour sa part, CISSE Drissa soutient que la procédure de la tentative de conciliation n’est pas une condition de validité du jugement rendu sur opposition, et qu’en outre, les procédures simplifiées de recouvrement régies par les Actes Uniformes de l’OHADA ne sont pas soumises à l’article 106, qui a une portée générale;
Sur le fond, il sollicite la confirmation du jugement entrepris, aux motifs que l’exploit d’opposition n’est pas signifié au Greffe du Tribunal d’Abidjan;
DES MOTIFS
DE LA RECEVABILITÉ DE L’APPEL
La SIDAM a exercé son recours, conformément aux prescriptions de la loi; il y a lieu de la déclarer recevable en son recours;
SUR LE MÉRITE DE L’APPEL
DE LA NULLITÉ DU JUGEMENT
Il ne ressort pas de l’article 12 de l’Acte Uniforme OHADA, que la procédure de la tentative de conciliation est prescrite à peine de nullité du jugement qui doit statuer sur l’opposition;
L’appelante est mal venue à solliciter l’annulation du jugement pour cette raison;
En outre, s’il est constant que les procédures de recouvrement des créances demeurent soumises au droit de procédures internes des Etats; en l’espèce, le recours exercé n’est pas une demande en rétractation qui est initiée devant le même Juge qui a pris la décision, mais une opposition entraînant la saisine du Tribunal;
SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS
Malgré les allégations de l’intimé sur la base de l’article 11 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, il convient de faire remarquer que l’irrecevabilité soulevée ne saurait être accueillie, dans la mesure où, en l’espèce, la créance poursuivie n’est point contractuelle ou au sens des articles 1 et suivants de l’Acte Uniforme, mais née d’un quasi délit, et comme telle, est recouvrée suivant la procédure spéciale édictée par le code CIMA;
Au total, il y a lieu d’infirmer le Premier Juge, de rétracter l’ordonnance attaquée, et de condamner l’intimé, qui succombe aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare l’appel de la SIDAM recevable;
– L’y dit bien fondée;
– Infirme le jugement querellé;
Statuant à nouveau;
– Annule l’ordonnance d’injonction de payer n° 3849/2001 rendue par la Juridiction Présidentielle d’Abidjan le 27 avril 2001;
– Condamne l’intimé CISSE Drissa aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (4ème Chambre Civile), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé de droit, Consultant
Ce n’est pas parce qu’une créance a une origine délictuelle ou quasi délictuelle qu’elle ne peut faire l’objet d’un recouvrement par la procédure simplifiée de l’injonction de payer. En effet, même une telle créance pourrait être recouvrée de cette façon si elle était certaine liquide et exigible; tel aurait été le cas si l’assureur et la victime avaient eu recours à la transaction ou offre d’indemnisation prévue par le code CIMA (ASSI ESSO Anne-Marie, ISSA-SAYEGH Joseph et LOHOUES-OBLE Jacqueline, CIMA- Droit des assurances, Ed Bruylant, Bruxelles, 2002, Collection Droit uniforme africain, n° 1176 et s.).