J-03-234
VENTE COMMERCIALE – NON LIVRAISON DE LA CHOSE ACHETEE – EXCEPTION D’EXCEPTION PREVENTIVE – POSSIBILITE DE DIFFERER LE PAIEMENT AU PROFIT DE L’ACHETEUR.
L’acheteur qui ne reçoit pas livraison de la chose achetée peut obtenir du juge des référés le différé du paiement du prix de la chose sur le fondement de l’article 245 de l’acte uniforme sur le droit commercial général.
La décision de différé a un caractère provisoire et ne porte pas préjudice au principal du litige existant entre les parties.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°177du 18 février 2003, UNILEVER c/ SODISPAM).
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté au 28/11/2002 comportant ajournement au 10 Décembre 2002, la Société UNILEVER Côte d’Ivoire agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, M. Richard Bosman et ayant pour conseils Maîtres DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé n°4494/2002 rendue le 18 Septembre 2002 par la Juridiction présidentielle du Tribunal de première Instance d'Abidjan qui , en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
" Statuant publiquement, contradictoirement, (par défaut) (sic), en matière de référé et en premier ressort;
" Au principal, renvoyons les parties à se pouvoir et qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Recevons SODISPAM en son action;
– L'y disons bien fondé;
– Ordonnons la suspension des paiements par la BICICI et la B 0 A des effets de commerce émis par SODISPAM pour le compte de UNILEVER;
– Disons que ladite suspension prendra fin comme sus-précisé;.
– Ordonnons une expertise comptable aux fins sus-précisées;
– Désignons pour y procéder N'GUESSAN GBEI ZOUKOU Expert comptable agréé;
– Disons que SODISPAM supportera les frais de l'expert.
– Condamnons UNILEVER aux dépens ";
II ressort des énonciations de l'ordonnance querellée que, par exploit du 10 Septembre 2002, la société de Distribution de Produits Alimentaires et de marchandises diverses dite SODISPAM a fait servir assignation à la société UNILEVER à l'effet de comparaître par devant le juge des référés du Tribunal d'Abidjan pour voir suspendre le paiement des effets de commerce par la BICICI et par la B 0 A et désigner un expert comptable;
Au soutien de son action, la Société SODISPAM a exposé qu'en relation d'affaires avec la société UNILEVER pour des livraisons à crédit de certaines marchandises, celle-ci lui un accordé un découvert de 580.000.000 F garanti par des cautionnements à la BICICI et à la Banque OF AFRICA (BOA); mais, contre toute attente, a-t-elle poursuivi, sa co-contractante a réduit ce découvert de 100.000.000 F de façon unilatérale a cessé de lui livrer des marchandises tout en poursuivant le recouvrement total de ses traites sans qu'elle n'ait plus stocks;
Elle a donc sollicité, en conséquence de ces agissements de la société UNILEVER, l’application à son profit de l'art.245 de l'Acte Uniforme portant code de commerce général (sic) et une expertise comptable;
En réplique, la société UNILEVER a soulevé in limine litis l'incompétence en ce que, selon elle, il se pose des questions de fond à résoudre dans le domaine du contrat commercial, qu'en outre, le juge des référés ne peut désigner un expert comptable et ordonner la suspension du paiement des traites émises et valables au regard de la législation sur les instruments de paiements;
Qu'en tout état de cause, la SODISPAM lui doit à ce jour plus de 400.000.000 f alors que son cautionnement ne s’élève qu'à la somme de 350 Millions de francs;
Le juge des référés, après avoir relevé que sa mission en l'espèce consiste à faire .des constats sans se préoccuper du fond du litige, a retenu sa compétence et a estimé, que les effets de commerce émis l'ayant été en exécution d'un contrat dont les termes ont été remis en cause par la société UNILEVER, la co-contractante était fondée à solliciter la suspension du paiement de ses traites;
C'est contre cette décision que la Société UNILEVER a relevé appel et, après avoir rappelé les faits, elle reprend ses moyens d'incompétence développés devant le premier juge;
Subsidiairement, elle conclut au rejet des prétentions de la Société SODISPAM en estimant que le litige entre les deux parties résulte simplement d'un désaccord sur le montant des cautionnements;
Pour sa part, la Société SODISPAM conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
EN LA FORME :
L'appel de la Société UNILEVER Côte d'Ivoire a été relevé conformément aux prescriptions légales; II est donc régulier en la forme et doit être déclaré recevable;
AU FOND :
II est constant que la Société UNILEVER Côte d'Ivoire et la société SODISPAM sont liées par un contrat de fournitures de diverses marchandises,
En exécution de ce contrat, des difficultés sont apparues et ont amené la Société UNILEVER à interrompre ses livraisons;
C'est suite à cette interruption des livraisons que la société SODISPAM, s'appuyant sur les dispositions de l'article 245 de l'Acte Uniforme portant Droit Commercial Général, a sollicité et obtenu la décision querellée, ordonnant une expertise comptable et la suspension des paiements des effets émis au profit de la société UNILEVER;
En effet ,aux termes des dispositions de l'article 245 précité, une partie peut demander à la .juridiction compétente l'autorisation de différer l'exécution de ses obligations lorsqu'il apparaît, après la conclusion du contrat, que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle os ses obligations du fait :
1°/ D'une grave insuffisance dans la capacité d'exécution, ou
20/ De son insolvabilité , OU
3°/ De la manière dont elle s'apprête à exécuter en exécutant le contrat;
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il y a rupture ses livraisons par UNILEVER à SODISPAM et modification dans l'exécution de l'accord convenu par les parties;
Ce constat seul suffit à justifier l'action de l’intimé, étant entendu que la décision prise a un caractère provisoire et ne porte aucun préjudice au principal du litige existant entre les parties;
II convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens en application de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière référé et en dernier ressort,
– Déclare recevable mais mal fondé et rejette comme l'appel relevé par la Société UNILEVER Côte d'Ivoire de l'ordonnance de référé N°4494/2002 rendue le l8 Septembre 2002 par la juridiction Présidentielle du tribunal de Première Instance d'Abidjan;
– Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
– Condamne 1'appelante aux dépens.