J-03-235
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – RESPONSABILITE DU TIERS SAISI POUR DECLARATION INEXACTE, INCOMPLETE OU TARDIVE – CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE.
La déclaration, selon l’article 156 de l’acte uniforme, inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts.
La banque qui, par négligence, a procédé irrégulièrement à la mainlevée d’une saisie attribution ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de ce texte.
Article 156 AUPSRVE
Article 164 AUPSRVE
Article 172 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt N°138 du 07 février 2003, SGBCI c/ YAO Germain et AGCI).
L A COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Considérant que par exploit du 18 Juillet 2002, la Société Générale de Banques en Côte d'Ivoire dite SGBCI a relevé appel de l'ordonnance n° 5285 rendue le 02 Juillet 2002 par la Juridic­tion des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui l'a condamnée à payer à YAO GERMAIN la somme de 10.261.765 F au titre des causes de la saisie-attribution pratiquée le 08 Mars 2002 sur le compte bancaire des Assurances Générales de Côte d'Ivoire dites AGCI;
Considérant •que pour avoir paiement de la somme de 11.994.076 francs, YAO GERMAIN a pratiqué le 08Mars 2002 une saisie - attribution de créances entre les mains de la SGBCI au détriment de la Compagnie des Assurances Générales de Côte d'Ivoire dite AGCI; que celle-ci, contestant devoir cette somme, a saisi le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour voir ordonner la mainlevée de ladite saisie; que par ordonnance N°l487/2002 du 26 Mars 2002, le Juge des référés a fait droit à cette demande; que la SGBGI, dans l'ignorance de l'appel relevé par YAO GERMAIN, donnait main levée de ladite saisie le 26 Avril 2002; que par arrêt contradictoire N°576/02 du 50 Avril 2002, la Cour d'Appel d'Abidjan infirmait la décision de mainlevée et ordonnait la continuation des poursuites à l'égard de la Compagnie AGCI; que, fort de cet arrêt, YAO GERMAIN a saisi le Juge des référés pour voir condamner la SGBGI aux causes de la saisie;
Considérant qu'à l'appui de sa demande, YAO GERMAIN a exposé que la SGBCI en sa qualité de tiers saisi, fait des difficultés pour payer sa créance malgré le titre exécutoire dont il est bénéficiaire; que, conformément à l'article 164 de l'acte uniforme de 1'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, il a sollicité la condamnation de le SGBCI au paiement de la somme de 10.261.763 francs, à titre des causes de la saisie et 3.000.000 de francs d'astreinte comminatoire par jour de retard;
Considérant, que l'ordonnance contestée ne mentionne pas les prétentions de la SGBCI;
Considérant que pour faire droit à la demande de YAO GERMAIN, le Premier Juge a estimé que la SGBCI n'était pas partie au procès en appel et qu'elle ne pouvait exiger la notification de l'arrêt de confirmation de poursuite intervenu; qu'en outre, elle reconnaissait s'être libérée des causes de la saisie en l'absence de toute mainlevée;
Considérant qu'en cause d'appel, la SGBCI fait grief au Premier Juge d'avoir ainsi statué alors qu'elle a agi avec prudence après 1'expiration du délai d'appel de 15 jours prévu à l'article 172 de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que, contrairement aux allégations de YAO GERMAIN, les dispositions de l'article 164 alinéa 1er de l'acte uniforme précité, ne sont pas applicables dans le cas d'espèce, dans la mesure où la mainlevée de la saisie a été déjà donnée; que, par ailleurs, l’arrêt N°576 du 30 Avril 2002, qui sert de fondement à sa condamnation est frappée de pourvoi en cassation et la Compagnie AGCI a obtenu le sursis à exécution;
Qu'enfin, ayant été partie au procès en Première Instance, elle aurait dû être citée en appel par YAO Germain; qu'il n'en n'a pas été ainsi, que, de la sorte, l’appel susvisé lui est inopposable; qu'elle sollicite en conséquence l'infirmation de l'ordonnance attaquée;
Considérant qu'en réplique, YAO Germain fait remarquer qu'au lieu d'observer le délai d'appel pour se libérer des causes de la saisie, la SGBCI aurait dû exiger de la Compagnie AGCI, un certificat de non appel de l'ordonnance de mainlevée;
Considérant par ailleurs que YAO Germain relève appel incident; qu'il soutient que le refus de la SGBCI de s'exécuter est abusif et vexatoire; qu'il sollicite, au regard de ce qui précède, la réformation de l'ordonnance attaquée et la condamnation de la SGBCI aux causes de la saisie sous astreinte comminatoire de 5.000.000 de francs par jour de retard;
Considérant qu'en dernière réplique, la SGBCI relève qu'elle n'est plus en possession des sommes saisies et que sa résistance ne saurait être abusive;
SUR CE
Considérant que les parties ont conclu; qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
Considérant que l'ordonnance attaquée a été signifiée le 16 Juillet 2002 au service contentieux de la SGBCI; que l'appel relevé le 18 Juillet 2002 par celle-ci et ajourné le 5 Juillet 2002 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
Considérant que l'article 156 in fine de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose que " toute déclaration inexacte, incomplète, ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d'une condamnation au paiement de dommages - intérêts ";
Or, considérant que la SGBCI n'a fait que lever la saisie - attribution du 08 Mars 2002 en se fondant sur l'ordonnance de mainlevée n°1487 du 26 Mars 2002 qui n'était pas passée en force de chose jugée irrévocable; que cette négligence fautive qui ne rentre pas dans les prévisions de l'article 156 susvisé, ne peut exposer la SGBCI qu'à des dommages-intérêts et préserver les droits de YAO GERMAIN contre l'AGCI prise en sa qualité de débiteur saisi; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le Premier Juge a condamné la SGBCI aux causes de la saisie; qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
Sur l’appel incident relatif à l’astreinte comminatoire de 3.000.000 de francs par jour de retard
Considérant que l'obligation à laquelle la SGBCI a été condamnée n'est pas fondée; que l'astreinte comminatoire sollicitée ne peut davantage se justifier; qu'il y a lieu de débouter YAO Germain de son appel incident mal fondée;
Des dépens
Considérant que YAO Germain succombe; qu'il y a lieu de le condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit la SGBCI en son appel relevé de l'ordonnance N°3285 rendue le 02 Juillet 2002 par la Juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit bien fondée;
– Infirme l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau
– Déclare YAO Germain mal fondé en ses demandes;
– L'en déboute;
– Le condamne aux dépens.