J-03-238
VOIES D’EXECUTION – SOCIETE ANONYME A PARTICIPATION FINANCIERE PUBLIQUE – IMMUNITE D’EXECUTION (NON).
Une société à participation financière publique, investie d’une mission de service public mais constituée en la forme de société anonyme a le statut d’une société privée et ne peut bénéficier de l’immunité d’exécution.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 762 du 10 juin 2003, (Société AFFE – CI SECURITE C/ CNRA).
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après :
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 15 Avril 2003, comportant ajournement au 29 Avril 2003, la Société ÀFFE-CI SECURITE SARL, ayant pour conseil Maître KOHOU GISELE, Avocat à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé n°1587 rendue le 8 Avril 2003 par le juge des référés du Tribunal de Premiè­re Instance d'Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
"Statuant en audience publique, par décision contradictoire, en matière de référé et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
Recevons le CNRA en sa demande;
L'y disons bien fondé;
Constatons la nullité de la saisie (en date du 14 Mars 2003);
En ordonnons la mainlevée;
Condamnons la Société AFFE-CI aux dépens";
Pour statuer ainsi le premier juge a relevé qu'il résulte des pièces produites au dossier notamment le décret n°96-328 du 15 Juin 1998 que le Centre National de Recherches Agronomiques dit CNRA est un Etablissement Public à caractère administratif accomplissant une mission de service public; qu'il s'ensuit qu'il est un démembrement de l'Etat; qu'en cette qualité, il ne peut faire l'objet de mesure d'exécution;
Que la saisie-attribution pratiquée le 14 Mars 2003 est donc nulle et de nul effet;
Au soutien de son appel, la Société AFFE-CI Sécurité rappelle les faits en exposant qu'elle est liée au Central National de Recherches Agronomique (CNRA) par un contrat de gardiennage et de surveillance;
Du fait de la mauvaise exécution de ses engagements contractuels, poursuit-elle, le CNRA a accumulé des factures impayées d'un montant total de 57.469.600 F pour le paiement desquelles elle a sollicité et obtenu l'ordonnance d'injonction de payer n°339/03 du 20 Janvier 2003;
Après la notification de cette ordonnance de condamnation le 22 janvier 2003, précise l'appelante, le CNRA n'ayant exercé aucun recours, elle a obtenu un certificat de non opposition et lui a fait signifier un commandement de payer;
Le CNRA ne s'étant pas exécuté, elle a fait pratiquer une saisie-attribution de créances sur ses comptes bancaires et a procédé à la dénonciation de cette saisie;
C'est cette saisie qui a été déclarée nulle et de nul effet par la décision à présent querellée;
Ces faits rappelés, l'appelante soulève la nullité de l’ordonnance querellée pour non communication de pièces, notamment le décret 98-328 du 15 Juin 1998 invoqué par le CNRA pour soutenir qu'il est un Etablissement Public;
Elle soulève, en outre, la nullité de cette ordonnance pour non communication de la procédure au ministère Public en application de l'article 106 du Code de procédure civile, du fait de la qualité d'Etablissement Public à matière administratif que revendique le CNRA;
Au fond, ce subsidiairement, l'appelante relève que la qualité d'Etablissement Public du CNRA ne figurait dans aucun des actes de procédure qu'il a fait servir et n'a été évoquée à aucun moment au cours des débats, de sorte qu'en la soulevant d'office, alors que rien ne prescrit qu'elle est d’ordre public, le premier juge a statué ultra petita;
Elle conclut donc à l'annulation de l'ordonnance entreprise et demande à la Cour, après évocation de dire que le CNRA ne conteste pas sa dette de sorte que la créance dont le recouvrement est poursuivi est certaine, liquide et exigible, consacrée par une décision de condamnation devenue définitive;
Elle sollicite en conséquence que soit déclarée bonne et valable la saisie-attribution pratiquée;
Pour sa part, l'intimé, le CNRA, sur la nullité de 1'ordonnance soulevée par l'appelante réplique, d'une part, que l'exception de communication de pièces n'a pas pour objet l'annulation de la décision et, d'autre part, qu'il n'a que déclaré, en contestation de la saisie pratiquée sur ses comptes bancaires, que les sommes mises sous main de justice étaient insaisissables, en ce qu'elles constituent des subventions allouées par l'Etat à titre de secours périodique, donc des deniers publics;
II conclut donc à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel de la Société AFFE-CI Sécurité est régulier en la forme et doit être, en conséquence, déclaré recevable;
AU FOND
Pour se soustraire à l'exécution entreprise, le Centre National de Recherches Agronomique (CNRA), affirme, sans en rapporter la preuve, qu'il bénéficie d'une immunité d'exécution;
En effet, le seul fait pour une Société privée de bénéficier des subventions de l'Etat, ne lui confère pas le bénéfice de cette immunité;
Or, il est constant, ainsi que cela ressort des documents produits par le CNRA lui-même, qu'il se présente comme une Société Anonyme au Capital de 500.000.000 F/CFA;
Et nulle Société ne peut être à la fois anonyme et une personne morale de droit public;
Certes, les pièces produites indiquent que le CNRA, dans le capital duquel l'Etat a une participation financière minoritaire, est investi d'une mission de service public;
Cependant cela ne change en rien sa nature de société Anonyme, donc de Société de droit privé soumise, comme telle aux conditions d'exécution des Sociétés de droit privé;
C'est donc à tort que, estimant que le CNRA bénéficie d'une immuni­té d'exécution, le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie attribu­tion pratiquée;
II convient, dès lors, d’infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ces dispositions et, statuant à nouveau, de rejeter comme non fondée l'action du CNRA tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée;
L'intimé qui succombe ainsi doit être condamné aux dépens, en application de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en damier ressort;
Déclare recevable et bien fondé l'appel de la Société AFFE-CI Sécu­rité SARL relevé de l'ordonnance de. référé n°1587 rendue le 8 Avril 2003 par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau
Rejette comme non fondée l'action du CNRA tendant à la mainlevée de 1a saisie-attribution pratiquée;
Condamne la continuation de l'exécution;
Condamne la CNRA aux dépens.