J-03-239
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – NECESSITE D’UNE CREANCE CERTAINE, LIQUIDE ET EXIGIBLE.
La procédure d’injonction de payer ne s’applique qu’aux créances certaines, liquides et exigibles. Une créance dont le montant n’est pas définitivement fixée en raison des paiements effectués par le débiteur ne remplit pas ces caractéristiques et ne peut donc être soumise à cette procédure.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET n°778 DU 13 JUIN 2003, (STE EL NASR IMPORT EXPORT C/ ETAT DE COTE D’IVOIRE).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Considérant que, par exploit du 23 Août 2002, la Société EL NASR IMPORT EXPORT a relevé appel du Jugement N°149 rendu le 25 Juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui l'a condamné à payer à l'Etat de Cote d'Ivoire la somme principale de 900.308.000 F;
Considérant que dans le cadre de ses activités de négoce en café - cacao, la Société EL NASR IMPORT EXPORT a émis à l'ordre de la Caisse de Stabilisation plusieurs chèques en paiement de ses dettes envers l'Etat de Cote d'ivoire; que présentés à 1'encaissement, ces chèques sont revenus impayés; que pour avoir paiement de sa créance de 900.308.000 F, l'Etat de Cote d'Ivoire a obtenu la condamnation :de la Société EL NASR IMPORT EXPORT par ordonnance d'injonction de payer n° 2135 rendue le 15 Mars 2002;
Considérant que la Société EL NASR IMPORT EXPORT a formé opposition à l'exécution de cette ordonnance; qu'au soutien de son recours, elle a expliqué que l'agent comptable du Trésor agissant pour le compte de l'Etat de Cote d'Ivoire a réclamé dans un premier courrier la somme de 839.869.337 F et dans un second courrier la somme de 900.508.000 F; que c'est le signe que la créance de l'Etat de Cote d'Ivoire n'est ni certaine ni liquide; qu'en réalité, les chèques émis ou été régulièrement payés de sorte qu'elle ne reconnaît devoir que 159.785.007 F; qu'elle a conclu à la rétraction de l'ordonnance attaquée;
Considérant qu'en réplique, l'Etat de Cote d'Ivoire a fait remarquer que la Société EL NASR IMPORT EXPORT qui ne reconnaît devoir que la somme de 159.785.007 F ne rapporte aucune preuve d'un règlement partiel de sa dette de 900.508.000F; qu'il a plaidé la confirmation de l'ordonnance contestée;
Considérant que pour débouter la Société EL NASR IMPORT EXPORT, le Premier Juge a indiqué que l'Etat de Cote d'Ivoire a justifié sa créance en produisant les copies des chèques revenus impayés; que la Société EL NASR IMPORT EXPORT s'est contentée d'affirmer que sa dette est de :159.785.007 F sans toutefois rapporter la preuve d'un paiement partiel;
Considérant que la Société EL NASR IMPORT EXPORT fait grief au jugement attaqué d'avoir ainsi statué alors qu'elle a réglé l'intégralité de sa dette; que les chèques revenus impayés d'un montant de 8l1.665.032 F ont été encaissés par la Caisse de Stabilisation; que le montant total des sommes recouvrées s'élève à 3.529.720.855 F sur une créance globale de 3.689.505.842 F; qu’elle n'est redevable que du reliquat 159.785.007 F; que par convention en date du 31 Décembre 1992 l'ex Caisse de Stabilisation a reconnu lui devoir 545.802.602 F; que par le jeu de la compensation l'Etat de Côte d'Ivoire lui reste devoir (545.802.602 F – 159.785.007 F) 386.017.595 F; qu'elle sollicite 1'infirmation du jugement critiqué, la condamnation de l'Etat de Côte d'Ivoire à lui payer la somme de 586.017.595 F ainsi que celle de 100.000.000 F à titre de dommages-intérêts pour abus de droit;
Considérant que par conclusions écrites du 15 Avril 2005 le Ministère Public a relevé que la Société EL NASR IMPORT-EXPORT ne rapporte pas les justificatifs du paiement de sa dette envers l’Etat de Côte d'Ivoire; que la demande de 100.000.000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que la compensation sollicitée sont des demandes nouvelles irrecevables par application de l'article 175 du code de procédure civile;
Qu'il a conclu à la confirmation du jugement attaqué;
SUR CE
L'Etat de Côte d'Ivoire cité au Cabinet de la SCPA KONATE - BAZIE - KOYO n'a pas conclu, une décision contradictoire doit être rendue à son égard;
AU FOND
Suivant l'article 1er de l'acte uniforme sur le recouvrement simplifié, "le recouvrement d'une créance certaine liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer ";
En l'espèce, si l'Etat de Côte d'Ivoire réclame le paiement d'une créance de 900.508,000 F, la société EL NASR qui reconnaît avoir émis des chèques revenus impayés, soutient avoir désintéressé l'Etat de Côte d'Ivoire au point que sa dette est ramenée à 159.785.007 F et elle produit des pièces pour se justifier;
Que sur la base de la convention des parties du 31 Décembre 1992, la Société EL NASR, réclame à l'Etat de Côte d'Ivoire la somme de 545.802.602 F;
II résulte donc des productions que la procédure d'injonc­tion de payer ne peut être utilisée par l'une des parties pour obtenir paiement. Les créances en présence ne remplissant pas les conditions posées par l'article premier précité;
II convient dès lors d'infirmer le jugement attaqué et renvoyer les parties à mieux se pourvoir;
– L'Etat de Côte d'Ivoire succombe en la cause, il y a lieu de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Reçoit la Société EL NASR IMPORT-EXPORT en sou appel relevé du jugement N°149 du 25Juillet 2002, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit bien fondé;
Infirme le jugement entrepris;
Statuant à nouveau
Rejette la procédure d'injonction de payer utilisée par 1’ETAT de Côte d'Ivoire pour obtenir paiement de sa créance;
Condamne l'Etat de Côte d'Ivoire aux dépens.