J-03-244
VOIE D’EXECUTION – SURSIS A EXECUTION D’UN JUGEMENT PAR ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT DE LA COUR D’APPEL – CONTINUATION DES POURSUITES ORDONNEE PAR LE PRESIDENT DU TRIBUNAL – INFIRMATION (OUI).
Lorsqu’ une ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel a ordonné le sursis à exécution d’un jugement, le Président du Tribunal ne peut ordonner la continuation des poursuites sur la base de cette décision.
Article 32 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET n° 241 DU 4 MARS 2003, (SCB C/ BOKOIN ADJOUA Appoline).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant jugement n° 39 rendu le 30 Juillet 2002, la Section de Tribunal de Tiassalé a condamné la Société d'Etude et de Développement de la Culture Bananière en abrégé S.C.B. , à payer à Madame BOKOIN ADJOUA APPOLINE la somme de quinze millions de francs (15.000.000 F) à titre de dommages-intérêts et a assorti ladite décision de l'exécution provisoire; la SGB ayant reçu signification de ce jugement en a relevé appel suivant exploit en date des 2 et l6 Octobre 2002 puis a sollicité et obtenu du Premier Président de la Cour d'Appel d'Abidjan une ordonnance n°479/2002 en date du 9 Octobre 2002 suspendant l'exécution du jugement susmentionné;
Madame BOKOIN assignait alors la SCB en référé d'heure à heure aux fins de voir annuler ladite ordonnance et ordonner la continuation des poursuites;
Par ordonnance de référé n°5730 rendue en date du 17 Décembre 2002, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a ordonné la continuation des poursuites;
Par exploit en date du 26 Décembre 2002, comportant ajournement au 7 Janvier 2003, la SCB a relevé appel de l'ordonnance de référé ci-dessus mentionnée;
Au soutien de son appel la SGB explique que dame BOKOIN s'est fondée sur l'article 49 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution qui dispose que : "la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la Juridiction statuant en urgence…";
L'appelante fait observer que la demande formulée par l'intimée devant la Juridiction de référé ne concernait aucun des domaines visés par l'article 49 précité car il ne s'agissait pas de se prononcer sur un litige ou une demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire;
La SCB fait remarquer que la demande de Madame BOKOIN tendait à restituer au jugement n° 39 rendu le 5 Juillet 2002 par la Section de Tribunal de Tiassalé son caractère exécutoire et que les dispositions de l'article 49 précité n'ont pas vocation à s'appliquer mais que la matière relève des dispositions du droit commun contenues dans le code de procédure civile qui traite tout particulièrement des conditions et modalités selon lesquelles une ordonnance de suspension de l'exécution d'un jugement peut être contestée;
L'appelant poursuit pour dire que l'article 221 nouveau du code de procédure civile dispose : "tous les cas d'urgence sont portés devant le Premier Président de la Cour d'Appel qui a statué ou devant connaître de l'appel…" et que l'article 222 du même code en ses alinéas 2 et 3 s'exprime de la façon suivante :
"Les ordonnances de référé ne peuvent faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure";
"Les ordonnances de référé prises dans les matières réglées par une décision d'une juridiction supérieure sont de plein droit nulles et de nul effet";
La SCB expose que le litige opposant les parties est pendant devant la Cour d'Appel d'Abidjan et que, dès lors, seul le Premier Président de ladite Cour est compétente, conformément aux dispositions précitées et que, par voie de conséquence, un tel litige ne saurait être porté devant la Juridiction du premier degré;
L'appelant explique que, d'autre part, s'agissant d'une décision d'une juridiction du second degré, celle-ci ne saurait être remise en cause par une juridiction inférieure en application des dispositions de l'article 222 du code de procédure civile;
La SCB dit que c'est à tort que la juridiction Présidentielle du premier degré a annulé l'ordonnance de suspension des poursuites rendue par le Premier Président de la Cour d'Appel;
En réplique Madame BOKOIN expose qu'elle fonde sa demande sur deux (2) dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
L'intimée explique que l'article 32 dudit acte uniforme limite la possibilité de suspension d'un titre exécutoire par provision à la seule matière de l'adjudication des immeubles; que l'article 49 du même Acte uniforme donne compétence exclusive à la juridiction Présidentielle du premier degré pour connaître des litiges relatifs "aux mesures d'exécution forcée";
Madame BOKOIN ADJOUA rappelle que la SCB réfute l'application du texte communautaire à l'espèce au motif qu'il ne s'agit pas d'une exécution forcée;
Elle explique que lorsque une décision de Justice est rendue, deux possibilités sont prévues par la loi par la suite :
L'exécution volontaire par le débiteur sans autre forme de procédure;
2) L'exécution forcée dont la signification, les saisies, l'exécution provisoire, la suspension de 1'exécution provisoire ne sont que des modalités et des incidents;
L'intimée en conclusion, affirme qu'il est vain et inopérant de soutenir le contraire et qu'en conséquence l'ordonnance querellée doit être confirmée;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel régulièrement intervenu est recevable;
AU FOND
S'il est exact que dans la hiérarchie des normes juridiques les Actes Uniformes institués par le traité OHADA prévalent sur les lois et décrets existant, il n'en demeure pas moins vrai que lesdits Actes Uniformes doivent s'insérer et s'articuler dans le dispositif législatif propre à chaque Etat partie et avec lequel ils ne présentent aucune contrariété;
Or, il résulte des alinéas 2 et 3 de l'article 222 du code de procédure civile, commerciale et administrative que les ordonnances de référé ne peuvent faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure et que lesdites ordonnances prises dans des matières réglées par une décision d'une juridiction supérieure sont de plein droit nulles et de nul effet;
En l’espèce l'ordonnance de référé attaquée prend le contre-pied de l'ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel d'Abidjan qui suspend l'exécution provisoire du jugement n°39 rendu le 30 Juillet 2002 par la Section de Tribunal de Tiassalé, en ordonnant précisément la continuation des poursuites;
Il suit de là que ladite ordonnance de référé a violé les dispositions susmentionnées et que, par voie de conséquence, elle doit être déclarée nulle et de nul effet;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Déclare la Société d'ETUDE et de DEVELOPPEMENT de la CULTURE BANANIERS dite S.C.B. recevable en son appel relevé de l'ordonnance n°5750 rendue le 13 Décembre 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première instance d’Abidjan;
L’y dit bien fondée;
Annule l’ordonnance attaquée;
Condamne l’intimée aux entiers dépens.