J-03-25
INJONCTION DE PAYER – COMMUNICATION DE LA PROCÉDURE AU MINISTÈRE PUBLIC (NON) – ARTICLE 106 DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE.
CARACTÈRE CERTAIN DE LA CRÉANCE RESULTANT D’UN ACTE NOTARIE, DE L’EXECUTION ET DE LA RECEPTION DES TRAVAUX CONVENUS ENTRE LES PARTIES.
La communication de la procédure au Ministère Public en matière de recouvrement de créance ne s’impose pas, car une telle communication n’est pas prévue par l’Acte Uniforme.
La certitude d’une créance résulte d’une reconnaissance de dette notariée, de l’exécution et de la réception des travaux convenus entre les parties.
Cour d’Appel d’Abidjan. Arrêt N° 927 du 19 juillet 2002. AFRIDRAG (Mes DOGUE-ABBE Yao) c/ SCI C.C.T. (Me NIANGADOU Aliou).
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 26 juillet 2002
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins conclusions;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit en date du 17 août 2001, la Société Africaine de Dragages dite AFRIDRAG, ayant pour Conseils Maîtres DOGUE et ABBE YAO, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement N° 183 du 19 juillet 2001, rendu par le Tribunal de 1ère Instance d’Abidjan, qui a :
– Rétracté l’ordonnance d’injonction de payer N° 1185 du 13 janvier 2001 et condamné la Société AFRIDRAG aux dépens;
Au soutien de son action, la Société AFRIDRAG expose que suivant un marché de travaux signé en décembre 1996, elle a préfinancé et exécuté les travaux du Centre Commercial de Treichville, et qu’à cette fin, la SCI-CCT lui doit la somme de 525.987.000 F, laquelle, après déduction des paiements partiels, est devenue 169.500.000 F, comme l’atteste l’acte notarié du 30 août 1998 liant les parties; elle précise que sa créance trouve sa cause dans les travaux effectués, à savoir le gros œuvre de la construction du Centre Commercial Treich-Center, réceptionné en octobre 1999, et la totalité des travaux réceptionnés définitivement le 15 avril 2000; elle conclut à l’infirmation de ce jugement rendu sans fondement juridique, et à la restitution à l’ordonnance d’injonction de payer n° 1185 du 13 janvier 2001, de son plein et entier effet;
Pour sa part, la SCI-CCT, à travers des conclusions sans date de son Conseil Maître NIANGADOU Aliou, soulève la nullité de l’acte d’appel, pour violation des articles 246, 264 et 166 du code de procédure civile; la mention d’une date erronée l’ayant empêchée de vérifier les délais d’appel et ceux fixés pour le dépôt de l’acte au Greffe;
Sur le fond, elle prie la Cour de se reporter à ses écritures de 1ère Instance, et sollicite la confirmation du jugement;
Par voie de conclusion en réplique de ses Conseils en date du 22/11/2001, la société AFRIDRAG articule que la date portée sur l’exploit n’est qu’une simple erreur matérielle, qui n’a causé aucun préjudice à l’intimée, qui a reçu signification le 17 août 2001 avec ajournement au 7 décembre 2001; elle conclut dès lors à l’adjudication de l’entier bénéfice de ses écritures antérieures;
Le Ministère Public requis a conclu à la nullité du jugement, pour violation de l’article 106 du code de procédure civile;
DES MOTIFS
DE LA VALIDITÉ DE L’ACTE D’APPEL.
Grief est fait à la Société AFRIDRAG d’avoir mentionné l’année 1999 dans l’acte d’appel, au lieu de 2001;
Sur ce chapitre, il convient de relever que cet acte porte la date d’ajournement du 7 septembre 2001; et que l’exploit signifié à l’intimée en 2001 a été déposé au Greffe de la Cour le 25 août 2001;
Dès lors, il ne s’agit que d’une simple erreur matérielle, qui n’a pas empêché l’intimée de conclure dans les délais légaux;
Par ailleurs, la preuve d’un préjudice résultant de cette erreur n’étant pas rapportée, il échet de déclarer régulier ledit exploit, qui n’a violé aucun texte de loi;
DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 106 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
Le Ministère Public reproche au premier Juge d’avoir omis de lui communiquer le dossier de la procédure pour ses conclusions, l’intérêt du litige étant supérieur à 25.000.000 F;
Il y a cependant lieu de préciser sur ce point, que l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qui régit la procédure d’injonction de payer, n’a pas prévu cette éventualité;
C’est donc à tort que le Parquet Général émet ces critiques, l’article 106 susvisé n’étant pas applicable au cas d’espèce;
SUR LE BIEN-FONDÉ DE L’APPEL.
La créance de la Société AFRIDRAG résulte de la reconnaissance de dette du 28 août 1998, établie devant notaire, laquelle en son article 2 stipule clairement que « Khalil HESNE, agissant en qualité d’administrateur unique de la SCI-CCT, reconnaît devoir la somme de 169.500.000 F à la société AFRIDRAG;
Les travaux de construction ayant été exécutés et réceptionnés par la SCI-CCT, la créance est certaine, et qu’il convient d’infirmer le jugement autrement rendu, restituant ainsi à l’ordonnance d’injonction de payer son plein et entier effet;
La SCI-CCT succombe en la cause; il y a lieu de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la société AFRIDRAG en son appel relevé du jugement n° 183 du 19/07/01, rendu parle Tribunal de 1ère Instance d’Abidjan;
AU FOND
– L’y déclare bien fondée;
– Infirme le dit jugement;
Statuant à nouveau,
– Restitue à l’ordonnance d’injonction de payer N °1185 du 13 janvier 2001, son plein et entier effet;
– Condamne la SCI CCT aux dépens
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire), les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé de droit, Consultant
Sur la non application de l’article 106 nouveau du code ivoirien de procédure civile aux procédures simplifiées de recouvrement des créances, voir nos observations ou les motivations des décisions sous Ohadata J-02-23; Ohadata J-02-25; Ohadata J-02-84; Ohadata J-02-98; Ohadata J-02-108.